Sex is (no) laughing matter
Quand on confie un projet à gros budget à des réalisateurs comme Steven Spielberg, Roland Emmerich ou Michael Bay, c'est un peu comme leur confier des gros jouets, qu'ils manipuleraient à leur guise, de préférence pour jouer aux robots, qui détruiraient tout au passage, tout en préservant quand même le robot original.
Quand on confie un gros budget à Miike, non seulement il casse tout au passage, mais en plus, il balance le robot à la base, le piétine et crache dessus de plaisir.
Ayant déjà prouvé par le passé de quoi il était capable, quand on lui remettait une enveloppe d'argent pour réaliser son projet de rêve ("Love Big Bang Juvenile, A", sans aucun doute son film le plus personnel à ce jour et concernant son propre "coming-out"), il s'amuse aujourd'hui à dynamiter son plus gros projet commercial – il doit y en avoir plus d'un cadre de la Nikkatsu à se réveiller en sursaut la nuit, surtout que le studio est une nouvelle fois sérieusement en péril après la vente de la plupart de ses actions à des nouveaux investisseurs.
"Yattermann" est un gros tas immonde et monstrueux; une poupée Barbie que l'on aurait offert à Miike pour y jouer et dont il aurait arraché les membres, mis les jambes à la place des bras, les bras à la place de la tête, qu'il aurait recoiffée, maquillée à outrance et qu'il aurait direct envoyer faire l'amour à Ken…Car si le scénario n'a pas de tête, il a de la queue et pas qu'un peu !!! Les objets phalliques abondent, le héros vole un baiser à sa pie ennemie dès le premier quart d'heure du film aux dépens de sa fidèle assistante, désespérée, tout comme au regret des fidèles lieutenants de la super-méchante, qui – soit dit en passant – forment un drôle de couple homo. Le premier combat oppose un robot-chien à un robot-femme aux nichons mitrailleurs et tétons-missiles à têtes chercheuses…et le coup de grâce sera donné…sous forme de coup de rein par le fameux "Yattermann", qui suinte même de l'huile par le nez, tout excité à voir la femme-robot tressaillir sous les chatouilles de robots-fourmis…
Oui, on n'en est qu'à la première demi-heure du film et la suite n'est pas moins en reste, bien que les couleurs criardes, les cris, explosions et gadgets en tous genres finissent rapidement par fatiguer mirettes et oreilles. Miike nous ressert même la re-naissance d'un homme adulte comme à la fin de "Gozu", mais cette fois à travers la tête d'un autre homme…De quoi faire beugler de plaisir ses fans de la première heure (française) pour cette petite autocitation.
Avouant à la presse au cours du tournage, qu'un rêve devenait réalité en écopant du projet, ses producteurs devaient être loin de se douter de leurs futurs cauchemars. C'est que Miike ne semble avoir cure de son matériel originel, allant même jusqu'à la dénigrer totalement en faisant des personnages des véritables pleutres insupportables et se foutant ouvertement des gimmicks, qui faisaient le succès de la série, en faisant prendre à ses héros des poses des plus ridicules ou en montrant l'envers des "capacités" de "Yatterman", comme le fait de faire s'arroser les personnages en traversant la mer.
Le plus incroyable reste pourtant le fait de savoir une nouvelle fois explorer toutes ses thématiques chéries. Les véritables héros de son histoire – les méchants – sont donc une nouvelle fois des parias, des êtres meurtris et rejetés par le système, qui poursuivent pourtant tous un rêve (se marier, devenir catcheur et voler le cœur de sa maîtresse). Pour récupérer les différentes pièces du crâne (presque de cristal), ils devront traverser les contrées (dont l'Ogypte) et seront donc une nouvelle fois "déracinés" loin de chez eux. Plus d'un dialogue fait d'ailleurs état au "déracinement" et à la recherche de soi. Et puis il y a l'éternelle reconnaissance d'autrui et la recherche d'un amour / havre de paix…
Le film est-il le coup de génie annoncé ? Loin de là…Mais au moins Miike ne cherche pas à noyer le poisson, mais expose la médiocrité même de son matériau originel en le soulignant de grosses traces de fluo. Du très grand spectacle de la médiocrité absolue !