Après avoir signé un second épisode plein de promesses pour la série des « Treize nuits de l’horreur », le cinéaste Ishii Teruo récidive une nouvelle fois pour le plaisir des amateurs de bizarreries déviantes, avec une histoire de fantômes bien décidés à ne pas partir en paix. Chiyo, La propriétaire d’un bateau-bain et son futur mari, Senkichi, sont assassinés par Orin, l’employée des lieux, avec l’aide de son partenaire Sutematsu. Les raisons qui les ont poussées à commettre un tel crime ont un rapport direct avec la jalousie éprouvée par la jeune femme et son envie de posséder des sommes d’argent colossales. Malheureusement les choses ne vont pas se dérouler de la façon prévue et à Ishii Teruo d’exercer une nouvelle fois son talent dans la représentation d’une certaine forme de violence aux relents d’outre-tombe fameux.
La structure du récit ne bouleversera personne, avec la présentation des personnages suspects, la succession d’assassinats pour les raisons évoquées plus haut, la présence d’éléments fantastiques et enfin le twist attendu. A défaut que les éléments liés à l’au-delà s’ancrent bien dans la narration, notamment lorsqu’Orin et Sutematsu suppriment les traces en enterrant les corps, ici bleutés, comme s’ils refusaient de rejoindre l’au-delà, préférant troubler leurs criminels. De même que les éléments liés à la mythologie des esprits (les fantômes en chair et en os revenus sur Terre, le moine, la peinture sur le plafond du bateau) s’intègrent avec un certain naturel au « réel » du Japon féodal ici présenté. La mise en scène classique d’Ishii Teruo est aussi régulièrement bousculée par une série de flashs épileptiques symbolisant le surnaturel des situations (le moine halluciné priant à vive allure, les fantômes désireux de revenir sur Terre pour se venger), de plans en contreplongée sortis de nulle part, de spots de couleur affirmant Ishii Teruo comme un bon utilisateur de la couleur (le fond rouge lors d’une scène d’amour amène aussi bien à penser à l’amour qu’à la mort), dépoussiérant alors le genre sans doute trop convenu.
Pourtant, malgré son cadre classique, Le Bateau des femmes fantômes fait office de rebelle en imageant la douleur et la torture avec un sens confinant au plaisir : Ishii filme par exemple en fin de métrage un duel particulièrement violent entre Sutematsu et son assassin, avec un sens du ralenti rendant la séquence interminable, divinement grotesque, théâtrale et surtout douloureuse. Les cris et autres hurlements exagérés appuient cette théorie. Finalement, dommage d’avoir affaire ici à un épisode moyennement interprété, parfois brouillon, n’attirant finalement qu’une drôle de curiosité face à ces personnages prêts à tout pour arriver à leur fin, quitte à tuer une belle jeune femme, un futur marié, une femme d’un certain âge, au détriment d’une vraie rigueur scénaristique. L’ensemble, parfois cheap, vaut en tout cas pour ses moments hallucinés, sortis de nulle part, bousculant le genre avec une insolente maîtrise d’artisan conscient d’avoir fait dévier le cinéma d’épouvante vers un autre sous-genre encore plus amoral.