Plombé par une forme indigeste et par son manque de profondeur
La prétention de Li Shaohong est d'avoir voulu confectionner en l'espace de 90mn un film d'auteur sous influences pubeuses, mélange de styles qui ne convient pas à son Stolen Life pourtant prometteur grâce à son matériau d'origine plutôt alléchant et sa reconnaissance critique. Si l'on peut déceler quelques jolis moments pensés par Yimei Liao, réadaptés d'une nouvelle de An Dun, l'ensemble manque de personnalité et l'on se plait même à sourire du décalage fond/forme provoqué de façon involontaire. Car si la cinéaste use des effets tocs d'une DV pour asseoir son propos, l'alchimie ne fonctionne que très rarement et les nombreuses alternances montage cut/long atteignent les profondeurs de l'ennuie et du visuellement bâclé. Pour trouver plus d'intérêt dans Stolen Life il faut donc se tourner du côté de son interprète, Zhou Xun, convaincante dans la peau d'une jeune femme n'ayant rien connu de bien heureux depuis sa naissance, jeune fille élevée par sa tante dans une province de Chine. Même en grandissant, les choses ne changent pas et pour mettre fin à ce quotidien bien terne elle décide de poster sa candidature dans une université scientifique prestigieuse de Pékin. Acceptée, elle quitte son foyer sans un au revoir et part à l'aveuglette sans réellement savoir ce qui l'attend là-bas.
Le premier faux pas de Yimei Liao est de construire son récit autour de poncifs et clichés dont le spectateur se serait bien passé, déjà bien habitué à ce genre de manoeuvre bateau aux ficelles usées. On ne va pas faire long, Stolen Life est un drama, dark, mais un drama tout ce qu'il y a de plus classique, et la rencontre des futurs amoureux se fera de la manière suivante : tandis que Yan'nie marche sur un boulevard, valise à la main, elle manque de se faire renverser par un automobiliste, Muyu, son futur prince charmant. Ca ne vous dit rien ce genre de manoeuvre? Les intentions de la cinéaste sont pourtant louables à l'origine puisqu'à travers Stolen Life, cette derniète tente de montrer la puissance de la vérité et de la confiance au sein d'un couple. Prouver que de simples belles paroles (vouloir fonder une famille, par exemple) peut avoir de graves conséquences si une des personnes est naïve ou follement amoureuse. C'est le cas de Yan'nie, aveuglée par un premier amour, une première relation sexuelle, un premier mari, femme bien naïve qui ira jusqu'à plaquer ses études de physique chimie pour s'occuper de son enfant.
Mais la cinéaste ne va pas assez loin dans le développement des mécaniques huilées de la comédie dramatique sociale, car si elle pointe du doigt les problèmes intrafamiliaux, les mauvaises conditions de travail (Yan'nie, obligée de vendre des escargots fris sur le bord d'une route pour survivre), l'adoption et les fausses preuves d'amour, tout n'est que traité en surface, ou alors de manière trop anecdotique pour surprendre. En résulte alors un joli travail d'interprétation dans un trou noir formel, générant quelques plans travaillés (1er champ, 2nd champ) mais dans une esthétique impersonnelle et criarde. Parti pris formel? Pas sûr. Jeux de l'épate? Plus sûr. Quoiqu'il en soit, Stolen Life n'est pas la grande promesse attendue, pas même un bon film d'auteur du fait de thèmes déjà archi traités avec plus de sagesse et de recul. De plus, le propos politique demeure absent malgré la tonne de reproches fais par la cinéaste en direction de la société moderne. Et que dire du manque d'impact émotionnel d'une poignée de séquences qui devaient, justement, relever l'entreprise de la monotonie : [Spoiler] Lorsque Yan'nie apprend que Muyu se moque d'elle depuis le début, ce dernier vide son sac et passe aux aveux avec une froideur déconcertante, gratuite et male maîtrisée, devant une Yan'nie se tordant de douleur [Fin Spoiler]. Que dire aussi de la césarienne filmée comme un clip musical à 360°, esbroufe formelle plus proche d'un Darren Lynn Bousman que d'une Kawase Naomi? Définitivement, Stolen Life est un gâchis monumental ne valant que pour la justesse d'interprétation d'une Zhou Xun des bons jours.