Combat sans code d'honneur

Présentation de la saga

En 1972, le départ de la TOEI de FUJI Junko avait signé le début du déclin du ninkyo eiga. Figure emblématique du règne de la TOEI sur le genre pendant les années 60, le producteur SHUNDO Koji va alors regarder d'un autre oeil un cinéaste qu'il appréciait peu: FUKASAKU Kinji. 1972 est en effet l'année d'Okita le pourfendeur: yakuza moderne, yakuza eiga nihiliste où SUGAWARA Bunta crève l'écran. SHUNDO voit dans le film la possibilité de revitaliser un genre en voie d'épuisement et amène FUKASAKU aux studios TOEI pour tourner Combat sans code d'honneur (1973) (Jingi naki tatakai) inspiré d'articles sur Mino Kozo, gangster modèle du personnage d'Hirono. Après avoir refusé qu'on adapte sa vie sur grand écran, Mino se ravise tandis que de vrais gangsters passèrent sur le plateau de tournage donner des conseils au cinéaste ou jouer comme figurants. FUKASAKU inaugure ici le genre du jitsuroku, sous-genre du yakuza eiga basé sur les histoires vraies. Loin des yakuzas héroiques à la TAKAKURA Ken et des bons sentiments des ninkyos, FUKASAKU impose des yakuzas refusant le code d'honneur, des figures d'antihéros et offre un constat explosif sur le Japon d'après-guerre et l'envers du miracle économique. La série comporte 5 volets réalisés entre 1973 et 1974. Elle représente également une forme d'aboutissement des expérimentations de FUKASAKU sur le téléobjectif, la focale, le grand angle... entreprises depuis les années 60, imposant un style visuel aussi chaotique que sa narration. Son succès est parfaitement synchrone d'une époque où le "Nouvel Hollywood" remettait en cause la figure traditionnelle du héros et insufflait du réalisme au cinéma de genre. Cherchant à exploiter le filon, la TOEI poussera FUKASAKU à réaliser trois volets d'une nouvelle série, Shin Jingi naki tatakai, avec les memes personnages mais cette fois fictive, avant qu'il ne quitte pour de bon le navire à cause du désir du studio de continuer à exploiter le filon. Ces trois volets ne seront pas évoqués ici. Comme ne sera pas évoqué Aftermath of Battles without honor and humanity (1979), vrai chapitre final tourné après la défection de FUKASAKU par KUDO Eiichi. A noter que fut initiée en 2000 une autre série de yakuza eigas nommée aussi Shin Jingi naki tatakai. La seule raison du choix du titre est celle de l'opportunisme commercial et de l'exploitation de la notoriété de la série originale. Néanmoins, la score du premier volet, Another battle (2000), comporte une version retravaillée du thème principal des Jingi naki tatakai.

La saga en détail


Combat sans code d'honneur - 1973

Date incontestable dans l'histoire du yakuza eiga, ce premier volet fut en son temps un gros succès public. A une époque où la formule ninkyo eiga était à bout de souffle, FUKASAKU proposait des figures de yakuzas plus réalistes pour qui la survie comptait bien plus que le jingi. Ce faisant, il se retrouvait synchrone de la remise en cause des héros et de l'avènement d'un réalisme sec dans le cinéma américain de son temps. Il s'agissait de montrer que le miracle économique japonais était né là, en plein milieu des ruines, du chaos moral et des guerres de gangs. S'initiait ici le roman d'une génération tentant de faire sa place au milieu du chaos. En plus d'imposer le thème musical obsédant de la saga, ce premier volet faisait de SUGAWARA Bunta LA star du yakuza eiga des années 70 dans le rôle d'Hirono. Un classique du genre et le meilleur volet de la saga.

 

jingi 2The Yakuza Papers Volume 2: Deadly Fight in Hiroshima - 1973
Tourné dans la foulée du succès du premier volet, ce second épisode de la série se déroule entre la Guerre de Corée et le milieu des années 50. On retrouve dans ce second volet les thèmes des liens yakuzas/police et de l'envers du miracle économique en marche et le constat des morts inutiles dues aux guerres de clans. La jeune garde des yakuzas y oppose au jingi son désir de jouissance de l'instant présent, d'élévation au sommet en faisant des vagues. Et tomber amoureux de la nièce du chef du clan vaut bien qu'on transgresse le code d'honneur, quitte à risquer d'en payer le prix. Dans ce second volet presque aussi réussi que le premier, FUKASAKU confirme son affection pour ses yakuzas sans principes autres que la survie mais figures de vitalité.

 

jingi 3The Yakuza Papers Volume 3: Proxy War - 1973
Le volet le plus difficile d'accès de la saga, se reposant trop sur les acquis formels des précédents. Il commence en 1960 et s'achève en 1963 avec l'assasinat de KENNEDY et le début de l'engagement américain au Viet Nam. En cherchant à faire des guerres de clans une métaphore des "conflits de guerre froide" (conflits armés locaux déclenchés par les Etats-Unis et l'URSS pour servir leurs intérêts stratégiques), le film perd le spectateur au milieu des compétitions entre yakuzas, des alliances stratégiques de clans et de la profusion de personnages. Emergent néanmoins un constat de l'univers mafieux dépeint comme un monde où la compétition n'a rien à envier à un certain capitalisme sauvage et un constat d'échec personnel et professionnel d'Hirono/SUGAWARA Bunta: incapable d'empêcher les morts de la guerre des clans, il se heurte aux rigidités du système mafieux pareilles à celles du Japon d'après-guerre.

 

jingi 4The Yakuza Papers Volume 4: Police Tactics -1974
Un quatrième volet moins embrouillé que le précédent, un peu longuet et sentant un parfum de fin d'époque. Il se déroule entre 1963 et s'achève en 1969. Le Japon confirme son décollage économique tandis que les Jeux Olympiques approchent. On y trouve d'intéréssantes observations sur l'implication des yakuzas dans les paris sportifs lors des jeux olympiques. Mais le grand thème du film est le moment où les guerres de clans dépassent le monde des yakuzas pour faire des victimes civiles et troubler l'ordre public. La révolte de la population provoque une série de perquisitions policières dans le milieu pour mettre fin à ces troubles. L'escalade de la guerre des clans et les calculs stratégiques des assoiffés de pouvoir vont achever de précipter la chute de tous, Hirono n'y échappant pas. Meilleur que le précédent, ce volet n'égale pas les deux premiers car outre ses petites longueurs il se repose trop sur les acquis formels de ces derniers.

 

jingi 5The Yakuza Papers Volume 5: Final Episode - 1974
Un dernier volet commençant à la fin des années 60 pour s'achever au début des années 70, soit à une époque contemporaine de sa sortie. Face à la police, les yakuzas vont tenter de s'unifier et de trouver une vitrine légale. Peine Perdue. A l'espoir et l'énergie des premiers volets s'est ici substituée un constat d'échec d'une génération. Personne n'y échappe. SHISHIDO Jo campe ainsi un yakuza "à l'ancienne" qui ne survivra pas à l'épreuve du réel. En prison, Hirono écrit dans son journal que les chefs stupides entraînent les morts inutiles. Quant à Takeda, yakuza qui sut mieux "faire son trou", il a été incapable de maintenir la paix entre les clans. Hirono et Takeda se sentent dépassés, sentent qu'ils doivent passer la main. Et la jeune garde est montrée comme manquant de professionnalisme tout en répétant les erreurs des aînés. Se reposant encore trop sur les acquis formels des précédents volets, cette conclusion est d'un pessimisme extrême.

Ressources

Le premier volet de la saga est disponible dans un excellent double DVD zone 2 chez Wild Side avec le Cimetière de la morale, autre sommet du cinéaste. L'intégralité de la saga est disponible dans un superbe (et onéreux) coffret collector zone 1 chez HVE en attendant on l'espère un jour une édition en zone 2 des 5 volets.

Critique du double DVD Wild Side Combat sans Code d'honneur/le Cimetière de la morale.

Critique du coffret DVD HVE The Yakuza Papers: Battles without honor and humanity.

date
  • août 2005
crédits
Série