Un court de Weerasethakul au Musée d'art moderne de la Ville de Paris

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29/10/09 16:58 


http://www.lemonde.fr/culture/article/2009/10/29/apichatpong-weerasethakul-joue-avec-le-feu-puissance-de-joie-et-de-destruction_1260261_3246.html

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Une boule de feu traverse le cadre de gauche à droite. C'est la nuit. Sur un terrain vague où a été dressé un écran de cinéma, des jeunes jouent au foot avec le ballon brûlant. L'écran est touché, s'enflamme. Ce court métrage qui introduit l'installation intitulée Primitive, du Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, est saisissant. Il donne le ton de la splendide exposition qui se déploie ensuite dans trois salles du Musée d'art moderne de la Ville de Paris.

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Apichatpong Weerasethakul, 39 ans, est connu pour cinq longs métrages cinématographiques - dont Tropical Malady, qui a obtenu le Prix du jury, au Festival de Cannes, en 2004. Ceux qui les ont vus ne seront pas étonnés qu'il soit aussi un artiste plasticien, entre vidéos, photos et installation.

Dans un large couloir du musée sont accrochés des portraits géants d'adolescents : le premier est demi-masqué par un éclat de lumière ; le second, complètement par un masque de zombie. En face, une grande photo de bûcher et différents objets sont des éléments d'un récit à construire : un fusil, un livre d'artiste, et un vieux livre très usé, intitulé Un homme qui se souvient de ses vies passées. Offert par un moine bouddhiste à Weerasethakul, il est le point de départ de son prochain long métrage, Uncle Boonmee Who Can Recall His Past Lives.

Film bloqué par la censure

Cette installation Primitive est donc liée à ce film. Par son financement, déjà, puisqu'il s'agit d'une commande de la Haus der Kunst (centre d'art) de Munich, qui a ensuite permis la mise en chantier du film. Pour s'imprégner du personnage de Boonmee, narrateur aux innombrables vies, Weerasethakul a voulu vivre quelque temps dans son environnement, le nord-est de la Thaïlande, dont il est lui-même originaire. Il s'est installé ensuite dans le village de Nabua, qui fut le théâtre d'affrontements sanglants pendant la guerre froide, quand les forces de l'ordre, traquant les communistes, ont semé la terreur en tuant, violant, humiliant la population. Ce village a retenu l'attention du cinéaste lorsqu'il fut lui-même victime du pouvoir : en 2007, son film Syndromes and A Century fut bloqué par la censure.

"La violence subie par les victimes était trop forte pour moi, raconte le réalisateur plasticien. J'ai préféré travailler avec les adolescents, dépositaires de cette mémoire. Je me sentais plus capable d'empathie envers eux, et d'établir une connexion autour de la mode, de la musique."

Avec ce passé encore brûlant, mais effacé de l'histoire officielle, il leur a proposé de jouer : taper dans un ballon en feu, se déguiser, interpréter des scènes de fusillade, chanter, danser, fabriquer un vaisseau spatial pour s'enfuir (du village, du contexte politique). "Chacun avait sa tâche, comme dans un film. Le vaisseau, où ils se retrouvent pour boire - une façon de s'échapper -, a une forme qui fait penser à un objet de science-fiction des années 1980." Une manière pour ces jeunes de se réapproprier leur histoire, dont il a tiré des dizaines de vidéos, des "minifilms", dont certains sont exposés dans la deuxième salle, superbement scénographiée, aux côtés du dessin à l'encre d'une maison qui brûle.

Ici encore, la lumière vive, "puissance de joie et de destruction", est l'élément plastique premier. Boules de feu, éclairs électriques, néons, vaisseau phosphorescent en lévitation dialoguent avec la mémoire enfouie et avec la vitalité et l'érotisme des corps adolescents. Une matrice qui permet toutes sortes de collusion entre passé et présent, ici et ailleurs, intime et politique, arts plastiques et cinéma.

Jeunes en treillis

Dans la dernière salle, un double film est projeté sur deux grands écrans juxtaposés. Du feu et des éclairs sur l'un, des jeunes en treillis à moitié ivres, avachis dans la lumière rouge de l'intérieur du vaisseau spatial sur l'autre, une voix off qui fait entendre le récit de Boonmee.

Nourri de ces deux mois passés avec les jeunes de Nabua, ce diptyque invite à une rêverie hallucinée. Un dialogue semble se nouer, entre les récits que chacun s'est construits au cours de cette envoûtante déambulation, et celui proposé par l'artiste.


"Primitive", d'Apichatpong Weerasethakul. Musée d'art moderne de la Ville de Paris - Palais de Tokyo. 11, av. du Président-Wilson, Paris-16e. Mº Iéna. Du mardi au dimanche de 10 h à 18 h ; nocturne le jeudi jusqu'à 22 h, entrée de 3€ à 5€. Jusqu'au 3 janvier 2010.
Isabelle Regnier



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29/10/09 17:02 RE: Un court de Weerasethakul au Musée d'art moderne de la Ville de Paris

Il s'agit du court "Phantoms of Nabua", qui est évoqué dans cet article...


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