CHANG Cheh
張 徹
Cheung Kit / Chang Che / Chang Cheuh

Présentation

Souvent considéré de façon hative comme le Peckinpah hongkongais (alors qu'il ne s'agit pas d'un auteur en lutte contre le système mais d'un cinéaste moteur d'une industrie et faiseur de stars), Chang Cheh est le premier cinéaste de genre hongkongais à avoir bénéficié d'une certaine notoriété en Occident à l'époque où le cinéma de Hong Kong n'avait pas encore de reconnaissance cinéphile. Le cinéma de ce (trop) prolifique réalisateur ouvrit la voie par sa surenchère de sentiments et de violence à un pan entier du cinéma hongkongais. Durant ses grandes années (1965-1975), il aura redéfini les règles du wu xia pian et du cinéma d'arts martiaux et aura été un des grands inventeurs de formes du cinéma hongkongais.

Biographie

des débuts fulgurants

Né en 1923 dans la province du Zhejiang, Chang Cheh fait preuve d'un talent précoce en se retrouvant à 22 ans directeur du théatre Wenhua Huitang de Shangai où il met en scène des classiques de l'Opéra de Pékin. En 1947, il écrit son premier scénario et passe deux ans plus tard à la mise en scène avec Storm Cloud over Alishan, un premier film contenant en germe ses grands thèmes. Entre 1947 et 1957, il se consacre à l'écriture de pièces de théatre. En 1957, il quitte Taiwan pour Hong Kong et y réaliser Wild Fire. Malgré son échec commercial, Chang Cheh décide de rester à Hong Kong. Il y gagne sa vie en y écrivant sous pseudonyme des critiques et des romans sur le kung fu et les chevaliers errants. L'un d'eux sera adapté au cinéma par Lo Wei en 1962, ce qui permet à Chang Cheh d'entrer à la Shaw Brothers en tant que scénariste. Deux ans après, il réalise Tiger Boy, film d'action qui révèle Lo Lieh et Wang Yu. Ses collaborateurs se nomment alors Liu Chia Liang et Tang Chia, deux maitres ayant travaillé sur la série Huang Fei Hong. Cette équipe sera par la suite complétée par les acteurs Ti Lung, David Chiang et Chen Kuan Tai ainsi que le scénariste Ni Kuang et les assistants-réalisateurs Wu Ma et Pao Hsueh Li.

les années fastes

Chang Cheh va progressivement échafauder la formule de surenchère de violence et d'intensité dramatique notamment avec One-Armed Swordsman (1967) puis avec Golden Swallow (1968), suite de Come Drink with Me, et symbole du passage de témoins entre le wu xia pian féminin alors en vogue et un cinéma d'amitiés viriles construit en réponse à l'explosion du chambara en Asie du Sud-Est. Chang Cheh tourne alors beaucoup, alternant étalons-mètres du cinéma hongkongais et oeuvrettes mineures. En 1970, en réaction au succès de Chinese Boxer de Wang Yu, Chang Cheh tourne son premier film d'arts martiaux, Vengeance dont la violence annonce celle de la Fureur de Vaincre. Il revient au wu xia pian la meme année avec Heroic Ones. Mais c'est en 1971 qu'il offre un premier sommet à son oeuvre avec le somptueux wu xia pian La Rage du tigre qui fait date dans l'histoire du cinéma (ce remake de The One Armed Swordsman sera revisité des années plus tard par Tsui Hark dans the Blade). Il enchaine la meme année avec des films plus mineurs dont un Duel of Fists au titre français cultissime et un Deadly Duo saignant. En 1972, son oeuvre connait un nouveau sommet avec Boxer From Shantung, date du cinéma d'arts martiaux coréalisée avec Pao Hsueh Li. Il coréalise cette année-là aves ce dernier la trilogie The Water Margin adaptée du classique Au Bord de l'Eau. La dimension romanesque acquise par son cinéma se confirme en 1973 avec Blood Brothers. A noter qu'un certain John Woo se fait la main comme assistant-réalisateur sur les deux derniers sommets mentionnés.

le départ de la Shaw

Le succès à l'étranger de ses films pousse Chang Cheh à voler de ses propres ailes et fonder la Chang's Film Company basée à Taiwan, les copies de films produits en toute liberté étant ensuite envoyées à la Shaw Brothers pour les commercialiser. L'aventure durera de 1974 à 1976. La violence de son cinéma s'atténuera un peu sous l'influence grandissante du chorégraphe Liu Chia Liang avec le cycle Shaolin qui s'ouvre avec Heroes Two (1974), Men From Monastery (1974) et Shaolin Martial Arts (1974), le dernier annonçant ce que sera la kung fu comedy. Ces trois films font exploser l'acteur Alexander Fu Sheng. En 1974, Chang Cheh recentre son cinéma sur ses thèmes de prédilection avec Les 5 Maitres de Shaolin. En 1975, il continue son cycle Shaolin avec Les Disciples de Shaolin, film proche de Boxer From Shantung. 1975 est aussi le début de la chute avec le départ de Liu Chia Liang au cours du tournage de Marco Polo: la vision pédagogique des arts martiaux de ce dernier s'accomode mal de l'ultraviolence de Chang Cheh et Liu Chia Liang vole dès lors de ses propres ailes. Outre la réponse asiatique aux 55 jours de Pékin qu'est La Révolte des Boxers, Chang Cheh réalise sans son chorégraphe en 1976 d'autres épisodes du cycle de Shaolin.

le retour à la Shaw

Cette aventure solitaire s'étant soldée par un échec financier, Chang Cheh quitte Taiwan et réintègre la Shaw en 1977. Le succès ne sourit désormais qu'à son ancien compère chorégraphe Liu Chia Liang. Après entre autres un remake contemporain des Disciples de Shaolin (le Kid de Chinatown avec Fu Sheng) et un baroud d'honneur de 5 wu xia pian adaptés de Jin Yong, il lance en 1978 la fameuse saga des Five Venoms avec une équipe de comédiens peu charismatiques et sans la thématique de ses premiers films. Cette saga a ses défenseurs et son kitsch l'a rendue culte outre-atlantique. Il continue à tourner sans retrouver le succès jusqu'à l'arret des activités de la Shaw en 1984, notamment un the Heroic Ones from Shangai (1984) où l'on retrouve ses anciennes vedettes. Il tournera ensuite très peu. En 1989, John Woo et Wu Ma coréalisent Just Heroes pour lui offrir une retraite. En 1993, il réalise son dernier film, le polar Hidden Heroes. Il meurt de pneumonie le 22 juin 2002.

souce: Tigres et Dragons volume 1, éditions Guy Trédaniel

Style

Le cinéma de Chang Cheh est fondé sur la surenchère, surenchère de violence, surenchère de sentiments, surenchère de figurants (les combats où un petit groupe de combattants viennent à bout d'un nombre titanesque d'assaillants, le début de la Rage du Tigre, le final de Boxer from Shantung entre autres). La cruauté de son cinéma fait écho à tout un pan du cinéma populaire des années 70, le western spaghetti notamment, ainsi qu'à la dérive saignante et enragée du chambara à partir des années 60 (le final de Sword of Doom par exemple). Chang Cheh filme en scope avec un vrai souffle épique, utilise le zoom pour mettre en valeur ses personnages ainsi que le ralenti pour souligner leur souffrance et leur agonie avec un plaisir non dissimulé. Mais il ne faut pas oublier que, comme chez beaucoup de grands cinéastes de l'industrie cinématographique hongkongaise, le système Chang Cheh s'appuie sur toute une équipe de collaborateurs apportant chacun de leur côté leur pierre à l'édifice du maître: les chorégraphes Tang Chia et Liu Chia Liang, l'assistant-réalisateur Pao Hsueh Li, le scénariste Ni Kuang et bien sûr les acteurs fétiches Ti Lung, David Chiang et Chen Kuan Tai.

Thématique

John Woo n'aura pas fait que réactiver les "deux épées valent mieux qu'une" de Chang Cheh en mettant un revolver dans chacune des mains de ses héros. Parce qu'une grande partie de sa thématique était déjà présente chez son mentor: le double (la fascination de Ma pour Tan qui va jusqu'au mimétisme dans Boxer from Shantung), la chevalerie, l'idée de personnages qui croient en l'honneur dans un monde où il n'existe plus, les fortes amitiés viriles, la trahison, les héros aux destins tragiques ainsi que le thème du survivant qui n'en finit pas de mourir souvent illustré chez Chang Cheh par des personnages continuant à se battre même avec une arme dans le ventre (le final de Boxer from Shantung). Mais contrairement à ce qu'ont pu en dire certains exégètes de Woo, une des différences essentielles entre les deux cinéastes est l'aspect homoérotique fortement présent chez Chang Cheh. Si le maître n'a pas voulu donner de réponse sur le sujet dans un documentaire réalisé par Stanley Kwan, reste que certaines scènes et certains regards que se lancent ses chevaliers sont assez éloquents (de même qu'une mise en scène fascinée par les torses dénudés de ses héros). Néanmoins, contrairement à un Chu Yuan pour le lesbianisme, Chang Cheh n'abordera jamais ce thème directement. Et là où le cinéma de Woo est un cinéma vital et moraliste, celui de Chang Cheh est constamment fasciné par la torture physique (les ricanements heureux de certains de ses héros avant d'être chatiés) et la mort que préciptent les amours impossibles (l'homosexualité latente le plus souvent, désirer la femme de son meilleur ami dans Blood Brothers). A ce stade, il faut mentionner la misogynie souvent présente chez le maître: quand les femmes ne sont pas responsables de la déchéance des héros (l'héroine de the One Armed Swordsman qui lui coupe le bras), elles ne suscitent qu'une indifférence hautaine de ses héros même lorsqu'elles viennent à leur secours (la Rage du Tigre).

Ordell Robbie

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