Un yakuza eiga sans intérêt
Sous-genre par excellence, Waru est un yakuza eiga minable et fauché. Miike est connu pour être un cinéaste inégal, faiseur de commandes et par la même occasion boulimique de la pellicule, capable de créer des petits trésors simples et discrets (Bird People of China, The Guys from Paradise) ou des grosses bouses opportunistes et surestimées (Dead or Alive: Final, La Mort en Ligne) lui valant un peu trop rapidement le statut de cinéaste culte. La plus belle époque de Miike semble révolue, celle de la fin des années 90 qui ont fait de lui ce qu'il était vraiment, à savoir un faiseur de série B décalée dépoussiérant le genre un peu grossièrement mais avec une vraie vision de cinéaste malgré l'absence de véritable talent (surtout face à ses mentors d'une époque encore plus révolue). Depuis, bien plus qu'un plat de résistance, on trouve à boire et à manger dans des genres aussi divers que variés. Récemment, Sukiyaki Western: Django éclaboussait le western parce qu'il était surprenant à défaut d'être réussi et tenu sur la longueur. Big Bang love, juvenile A faisait aussi de lui un cinéaste d'auteur avec une vision apocalyptique de l'univers qu'il dépeignait avec soin, mais là aussi, repoussant les limites de l'ennui. Tourné la même année, Waru fait parti d'un triptique écrit par Maki Hisao d'abord pour la télévision puis pour le cinéma avec ce troisième opus "final". Il met en scène Himuro (Aikawa Sho), professeur de Kendo et accessoirement ancien caïd recyclé dans une entreprise de dézinguage de grands méchants, avec l'aide de Sarashina. Tous deux sont visés par la pègre locale qui aimerait bien se passer de leurs services de justiciers. Plutôt à l'aise dans la médiocrité, Waru n'a absolument aucun intérêt, pas même celui de revoir la bouille de Aikawa Sho toujours aussi médiocre et non charismatique au possible dans la peau d'un justicier qui a troqué sa teinture blonde pour un shinai qu'il sort de derrière son dos, rapprochant alors le film d'un manga ou d'un jeu vidéo pour ses nombreuses facilités d'exécution qui scient bien à Miike, mais qui ne sont que gadgets. Gadgets, quand le moteur tourne à vide malgré la petite heure vingt de métrage déjà trop longue. Gadgets, quand ils ne servent en rien le propos, car à défaut d'être un yakuza eiga virtuose, Waru est plat, sans aucune saveur, à l'esthétique tout sauf léchée rappelant la belle époque d'un Yakuza Demon finalement pas si éloigné ou d'un Dead or Alive: Final le temps d'un plan jaune pisse en fin de métrage, avant que les vraies hostilités débutent à bord d'un jet ski. Il aura fallut attendre tout de même plus d'une heure pour espérer l'excitation.
Mais cette excitation n'est que fébrile, Waru étant un peu comme son grand frère Dead or Alive qui terminait en trombe dans un final explosif, certes déplacé d'un point de vue narratif mais qui positionnait Miike au rang de farceur puisque le film dans son ensemble était simplement poussif. Waru l'est, assurément, mais pas aussi mal joué que Yakuza Demon démontrant que Takeuchi Riki est définitivement le pendant japonais de Steven Seagal. Ici les héros ne sont même pas cools, très loin de ceux chez Kitano ou Sabu. Ils sont juste ennuyeux et surtout, faibles. Ou imprenables telle une forteresse lorsque le film subit des twists malvenus : Sarashina qui explose du yakuza avec une facilité déconcertante à la fin de la première heure démontre toute l'étendue de la classe des gangsters chez Miike, c'est à dire des pantins pas bien responsables, à peine rendus impressionnants grâce aux épaules démesurées d'un gangster/ogre sorti d'un jeu vidéo signé Capcom. Mais là aussi, la confrontation avec le gaillard tourne au ridicule, car "son point faible est le haut de sa tête" dixit Himuro. On ne va pas s'étaler longtemps sur le scénario, Waru est sans surprise aussi bien dans le traitement des personnages que dans les fondements mêmes de l'oeuvre. Pas coutumier du fait, le chef opérateur filme mal et platement lors des scènes de Kendo, donne mal à la tête lors des séquences filmées caméra sur épaule et le montage est inutilement speed. Le contraste avec Sukiyaki Western: Django est édifiant, le film semble même avancer à reculons, le spectateur attentif croira reconnaître à plusieurs reprises le score bluesy de Endo Koji provenant de Rainy Dog. Désespérément creux malgré une ou deux touches d'humour notables (les lancés de couteau surréalistes, le yakuza perforé de balles tentant de boire son propre sang pour espérer vivre), Waru est un inexplicable et inacceptable échec de Miike, qui se reprendra heureusement par la suite avec le divertissant Crows Zero.