La Condition de l'Homme 3ème partie

1 DVD 9 Zone 2 PAL édité 06 décembre 2006 par Carlotta
Durée video Pal du film : 190’ - Image 2.55 N&B / 16/9. – v.o.s.t.f. Dolby 1.0 mono - suppléments

LA CONDITION DE L’HOMME TROISIÈME PARTIE : LA PRIÈRE DU SOLDAT
[NINGEN NO JOKEN - 3]
(Japon 1959-1961) de Masaki KOBAYASHI




Fiche technique succincte :

Réal.    Masaki KOBAYASHI
Prod. (Dist.)   Shigeru WATKATSUKI, Ningen Prod. / Ninjin Club (Shochiku)
Scn. Masaki KOBAYASHI, Koichi INAGAKI & Zenko MATSUYAMA d’après un roman de Junpei GOMIKAWA
Dir. ph.     Yoshio MIYAJIMA (Scope 2.35 N.&B.)
Mont.    Keiichi URAOKA
Déc.    Shukei HIRAOKA
Mus.    Chuji KINOSHITA

Casting succinct :


Tatsuya NAKADAI (Kaji), Michiyo ARATAMA (image mentale de Michiko), Yusuke KAWAZU (Terada), Keiji SADA (Kageyama, l’ami mobilisé devenu officier supérieur de Kaji), Kyoko KISHIDA (prostituée dans la jungle), Hideko TAKAMINE (jeune femme de la ferme investie par l’armée soviétique), Tamao NAKAMURA (jeune fille tuée par la milice chinoise), Kei SATO (Shinjo, le soldat démoralisé et ami de Kaji), Taketoshi NAITO (Tange), Chishu RYU (le paysan âgé de la « ferme aux femmes » près de la frontière), etc.

1) IMAGE

Format original 2.55 N&B respecté et compatible 16/9. La copie de cette troisième partie est en aussi bon état chimique que celle de la seconde partie. Elle est numérisée presque parfaitement, mis à part un défaut fugitif d’une ou deux secondes. Sur 190’ au total, ce n’est pas mal du tout ! La direction de la photographie de Yoshio MIYAJIMA et la mise en scène de Kobayashi utilisent certains éléments typiques de la modernité stylistique des années 60 (utilisation d’arrêt sur image, de photos intégrées dans la continuité, de quelques décadrages, de lents travellings avant subjectifs, etc.) parfaitement alliés au classicisme du reste de la syntaxe. S’il en était besoin, on pourrait projeter ce film comme justification à l’invention du format 2.35 : c’est une de ses plus belles utilisations de toute l’histoire cinématographique du XXe siècle. Un pur diamant dont la technique épurée brille au firmament du « ciel des mouvants ».


Note : 9/10

2) SON

v.o.s.t.f. Dolby 1.0 mono : belle remastérisation Dolby du son original, d’ailleurs le premier utilisant la technique stéréophonique dans l’histoire du cinéma japonais, comme se plaisent à le rappeler les 3 B.A. des 3 parties. Sous-titrage lisible et très bien traduit par la japonaise Hiroko GOVAERS qui respecte naturellement l’usage occidental lorsqu’elle traduit les noms du générique. C'est comme cela qu'il faut faire ! Un regret toutefois : que les correspondances personnages-comédiens ne soient cette fois-ci pas traduits au générique d’ouverture, comme dans les deux précédents DVD. Lorsque les Russes s’expriment, des idéogrammes japonais s’inscrivent à l’image pour traduire ce qu’ils disent. Lorsque les soldats japonais s’expriment en chinois (et même une ou deux fois en coréen) ce n’est pas le cas car le dialogue original suffit à éclaircir le spectateur japonais. Musique de Chuji KINOSHITA ici bien davantage sollicitée que dans les deux précédentes parties : elle est devenue un élément majeur du film. Pas de v.f. à regretter : elle n’a jamais existé.


Note : 8/10

3) INTERACTIVITE

Identique en tous points à celle des deux DVD antérieurs contenant la première partie et la seconde partie, à l’exception de la bande-annonce originale de la troisième partie (2.35 compatible 4/3 N.&B., durée 3’ environ, v.o.s.t.f.).


Note : 5/10

Résumé du scénario :
Alors que l’armée japonaise perd du terrain devant l’avancée des troupes soviétiques en Mandchourie du Sud, Kaji et ses hommes survivent en territoire hostile, et protègent de leur mieux quelques civils affamés menacés par la mort et la folie. Kaji est reconnu par ses hommes comme  un officier d’élite mais il accepte de se constituer prisonnier pour éviter un massacre de civils. Il découvre alors l’enfer « objectif » des camps de travail staliniens. Un ultime combat pour la liberté et la dignité va s’y jouer, entre Japonais…

4) CRITIQUE

Ningen no joken [La Condition de l’hommei] (Jap. 1959-1961) de Masaki KOBAYASHI se conclut par cette troisième partie intitulée La Prière du soldat, elle-même à nouveau divisée en deux sections : la retraite devant l’armée soviétique puis l’internement en camps de travail et… la fin du film. Inutile de la dévoiler puisque sa beauté provient aussi de la dynamique globale qui l’a engendrée secrètement. Après plus de 700 jours de combats et d’aventures narrés en 560’, le film se clôt sur plusieurs idées et sur plusieurs images qui relèvent de la culture philosophique de KOBAYASHI, de sa capacité à transcrire son expérience en l’universalisant plastiquement. Une multitude d’êtres, de raisons, de politiques – sans parler de l’évolution interne de Kaji - se sont opposés dans un surgissement florissant : tout aboutit là, à cette fin-ci, à la fois apaisante et angoissante, terme d’un parcours qu’on serait tenté de qualifier de christique à nouveau même si ce n’est pas son unique signification possible. De la floraison au dépouillement : il y a aussi une dialectique spirituelle des saisons traversées par Kaji qui a un sens pour l’intellectuel bouddhiste japonais. Et il y a enfin un flux et reflux de sa rencontre avec le démon, incarné par un certain nombres d’êtres abjects. Ces derniers sont pitoyables, in extremis, et pris aux même piège global : il y a bien un humanisme de KOBAYASHI. Et il y a autre chose aussi, de bien plus ample encore.

Casting renouvelé du point de vue féminin : une suite de portraits très étonnants, notamment celui joué par la sublime Kyoko KISHIDA. Direction artistique qui soigne le détail : le travail matériel est énorme de ce point de vue. Et ampleur narrative du scénario qui fait réapparaître des personnages issus de la première partie, mûris et modifiés par l’issue des évènements. Surtout, celui-ci raconte une histoire très peu connue en Occident et rarement vue sur nos écrans : l’histoire d’une sorte de « Retraite de russie » à l’envers, une « retraite de Mandchourie » vue du point de vue japonais. La nouveauté est totale et sera très impressionnante pour le spectateur qui découvre le film. Sa valeur documentaire et historique serait matière à très riches commentaires. La confrontation de Kaji à ses juges staliniens est sans appel : elle clôt un genre de débats qui faisaient rage en France à la même époque avec naïveté. L’ironie noire du destin, le sens de l’histoire, le hasard sont de la partie : le film rend compte avec force de leur jeu tragique. Du point de vue esthétique, la cinquième section contient certains éléments qui proviennent en droite ligne du cinéma de guerre classique et d’autres qui le modifient : ces derniers éléments seront réutilisés par des cinéastes aussi divers que Francis Ford COPPOLA, Oliver STONE, Terence MALICK, et bien d’autres. KOBAYASHI lui-même les réutilisera dans son œuvre postérieure. La dernière partie de la sixième section a probablement influencé certains films japonais importants de la période 1960-1970, qu’il s’agisse de documentaires ou de fiction, et même au-delà puisque le Dersu Uzala [Dersou Ouzala] (URSS-Japon, 1975) d’Akira KUROSAWA exprime aussi cette idée que la vérité ou la paix ne peuvent être données que par la médiation de la solitude et d’un dialogue secret avec le cosmos. Dénonciation du mal et de la guerre, parcours initiatique, expérience historique et esthétique : La Condition de l’homme est tout cela.


Note : 10/10

Francis MOURY

PS Cinemasie: Conformément aux souhaits de l'auteur du texte, l'ordre français Prénom/Nom a été choisi ici plutôt que la convention cinémasie (ordre japonais Nom/Prénom).

date
  • décembre 2007
crédits
  • auteur
  • Francis MOURY
Films