Interview Ishii Katshuhito & Asano Tadanobu

Les interviews à Cannes, c’est un quart d’heure. A deux et avec traduction, c’est encore plus rapide, surtout quand ces deux-là sont de vieux potes qui rigolent de blagues au milieu des questions ou font des apartés 100% japonais. Petite discute avec des « cool men », donc, au look détonnant : un petit à l’immense sourire et le grand beau Asano looké baba cheveux longs.

Vous avez réalisé trois films ensemble. Comment vous êtes vous rencontrés ?
Katsuhito Ishii : Il y a six ans, quand j’ai tourné mon premier film, Peach... Pink Hip... (la traductrice patauge, tout le monde rit)... Girl (c’est Shark Skin Man and Peach Hip Girl), j’ai demandé à M. Asano de participer, et c’est à ce moment qu’on s’est rencontré.
Et que raconte ce premier film, justement ?
Katsuhito Ishii : M. Asano jouait un yakusa qui s’enfuit de son clan avec 200 millions de yens. C’est une course-poursuite dans la montagne. Et là il tombe dans un motel sur une fille qui est exploitée par son beau-père. Ils vont continuer la poursuite ensemble. C’est l’adaptation d’un manga
A taste of tea raconte beaucoup d’histoires. Alors quelle était l’idée de départ ? Justement l’envie de raconter beaucoup d’histoires 
Katsuhito Ishii : Au tout début, j’ai d’abord réfléchi à des petites saynètes, comme des sketches : un entre le grand père et la petite fille, puis je me suis dit que s’il y a ces deux personnages, il doit y avoir un père et une mère... C’est comme ça que la famille est née.
Le personnage de M. Asano voit ou raconte des histoires. Les avez vous inventées ensemble ?
Tadanobu Asano : C’est une pure imagination du réalisateur, je n’ai pas participé au scénario.

Katsuhito Ishii : J’ai d’abord écrit chaque épisode, mais après j’ai laissé la liberté de comment raconter, d’improviser. Pour M. Asano, souvent pour les saynètes, j’écrivais les lignes globales et après il fait ce qu’il veut.

Tadanobu Asano : je ne respecte pas forcément l’ordre de l’histoire, je raconte comme ça m’arrange.

C’est quelque chose que vous aimez faire, raconter des histoires, par exemple à des enfants ?
Tadanobu Asano : quand un enfant me demande, je le fais, mais ce n’est pas quelque chose que j’aime particulièrement.
De celles du film, laquelle préférez vous ?
Tadanobu Asano : il y cette scène ou la petite fille est aspirée par un énorme tournesol. Ce sont des expériences que j’ai pu imaginer par le passé et je comprends très bien ce que la petite fille a ressenti à ce moment là.
Justement, la petite fille est particulièrement émouvante. D’où vient cette idée du double monstrueux ? Une peur d’enfance ?
Katsuhito Ishii : J’ai trois amis autour de moi qui ont des visions. Ils voient des fantômes. Il y a une styliste, sa sœur et un décorateur. Ils me racontent tous la même chose : pour faire la différence entre une personne et un fantôme, il faut qu’il y ait la personne réelle à côté pour ce rendre compte que l’autre est un fantôme. C’est comme cela que j’ai eu cette idée de double très voyant, un gros fantôme !
Le film a tellement d’imagination qu’on se demande où il va s’arrêter. Quelles limites vous êtes vous imposé ?
Katsuhito Ishii : Dès l’écriture, j’ai essayé de trouver l’équilibre à l’intérieur du film, instinctivement.

Le Goût Du Thé

Avez-vous réalisé la petite animation dans le film ?
Katsuhito Ishii : J’ai d’abord dessiné le story board, puis j’ai confié l’animation à un dessinateur, Takeshi Koike, qui a réalisé un des Animatrix, il est assez connu au Japon.
Le style est très proche de l’animation de Kill Bill, à laquelle vous avez participé. Aviez-vous rencontré Tarantino à cette occasion ?
Katsuhito Ishii : Il m’a montré son scénario, puis m’a demandé de dessiner quelques personnages. Je lui ai proposé cette adolescente qui va devenir Ren O-Ishi, cela lui a beaucoup plu.
Une question pour M. Asano : vous tournez avec des réalisateurs de plus en plus variés et étrangers, récemment Pen-ek Ratanaruang et Hou Hsiao-hsien. Quelle différence cela fait pour vous ?
Tadanobu Asano : Le fait de ne pas parler la langue sur le lieu de tournage était un stress, parce que on ne comprend pas ce qui se passe sur le tournage. Quand on est au Japon et qu’on ne peut pas tourner pour un problème technique, on comprend tout de suite les raisons, l’assistant dit « La caméra a un problème ». Alors que sur le tournage en Thaïlande, je ne comprenais rien, alors du coup je ne savais pas pourquoi c’était aussi lent.
Avez-vous eu des propositions de réalisateurs occidentaux, puisque vous commencez à devenir très connu ?
Tadanobu Asano : J’ai eu quelques offres, à chaque fois ce n’était pas vraiment concret, donc cela n’a pas eu de suite. Mais j’aimerais bien.
Avez-vous un nouveau projet ensemble ?
Katsuhito Ishii : On vient de tourner un film ensemble. C’est aussi un film à sketches, ça s’appelle Nice Forest, la forêt « cool ». Je viens de terminer le premier montage. Pour les amateurs de films comiques, ce sera intéressant.
C’est encore plus fou que Le Goût du thé ?
Katsuhito Ishii : Oui, c’est encore pire !
Comme la scène du Goût du Thé où la mère bat le dessinateur, un humour très excessif et inattendu ?
Katsuhito Ishii : C’est un peu cette idée là. mais on est trois à réaliser, une bande de copains. Les délires partent dans tous les sens. Dans Le goût du thé, il y a une certaine cohérence, là je ne sais même pas si on peut appeler ça du cinéma !
Et quel rôle joue M. Asano ?
Tadanobu Asano et Katsuhito Ishii : je joue un personnage qui a plusieurs facettes. Je suis guitariste et je fais écouter mes morceaux à mon petit frère. Après on me voit dans une boite de production de dessin animé, je suis en quelque sorte l’éditeur qui réclame les images, et après j’enseigne une sorte de tennis, un sport qui y ressemble... c’est un personnage très complexe !
date
  • mai 2004
crédits
Interviews