Interview Kenta FUKASAKU

Invité de la dernière édition du Brussel International Fantastic Film Festival (avril 2008), FUKASAKU Kenta, le "fils de", a bien voulu prendre le temps de faire un brin de causette à propos de X-Cross, le film qu'il était justement venu présenter. Pas du tout échaudé par l'accueil critique négatif de ses précédents films (Battle Royal 2 et Yo-Yo Girl Cop), l'homme s'est au contraire montré décontracté et rieur, visiblement content de se retrouver là. Alors, si Kenta le réalisateur est encore loin de faire l'unanimité, le personnage public, lui, séduit par son abord sympathique et sa disponibilité.

                                                                   FUKASAKU Kenta lors du BIFF en avril 2008

X-Cross est l'adaptation d'un roman de JOKO Nobuyuki, l'aviez-vous déjà lu avant de tourner le film ?

Non, je n'ai lu le roman qu'après avoir eu le script du film entre les mains. Mais lorsque je l'ai lu, j'ai immédiatement remarqué que l'écrivain de ce roman avait le même âge que moi, et que nous avions tout les deux grandis avec les mêmes mangas et magazines de pré-publication tel que Shônen Jump, Dragon Ball, Hokuto no Ken ou Jojo's Bizarre Adventures... Dans le roman il utilise de nombreux éléments venant du manga comme les onomatopées, et donc j'ai trouvé plutôt intéressant de prendre tout ça et d'essayer d'en faire quelque chose dans un film.

Quelles sont les différences entre le livre et le scénario justement ?

La plus grande différence réside probablement dans le fait que dans le roman et le film les points de vue ne sont pas les mêmes. En effet, dans le roman l'accent est mis sur  le côté mystère et sur la façon dont les filles s'en sortent, alors que j'ai essayé d'injecter dans ces élements un côté plus aventure, plus d'action aussi, en accord avec les producteurs, ce qui influence la façon de présenter l'histoire.

Le scénario a été écrit par OISHI Tetsuya qui a travaillé sur les 2 premiers films live de Death Note. Comment s'est déroulée votre collaboration ?

Je ne le connaissais pas personellement avant le début de ce projet et en réalité je dois dire que je ne l'ai même pas rencontré au cours de la production du film. Quand je suis arrivé sur le projet le scénario avait déjà été écrit et il me convenait très bien. De ce point de vue là les choses se sont plutôt déroulées sans accrocs.

Et qu'en est-il de la structure en flashback de votre film, pourquoi ce choix ?

Et bien je suis plutôt conscient que ce type de mise en scène est pas mal utilisé dans les films depuis quelques années, mais en même temps je trouve que ça reste une des meilleures façons de rendre l'histoire plus attractive, de ne pas suivre un ordre chronologique linéaire, et les producteurs étaient plutôt d'accord avec ça.

La version comic phone ("manga" pour tel portable avec quelques éléments animés et ambiances sonores ) de X-Cross a été mise en image par le réalisateur d'anime FUJISAKU Junichi (Blood +), et produite par le studio Production IG (Ghost in the Shell). Elle a été publiée en parallèle à la production de votre film et je crois même que Mr. FUJISAKU est venu vous rendre visite sur le plateau... Des influences réciproques ?

Non, en réalité on ne s'est pas vraiment influencé l'un et l'autre. Lorsqu'il est venu sur le plateau c'était la première fois que l'on se rencontrait, parce que nous travaillions à partir de la même histoire originale. Mais chacun faisait les choses de son côté, il avait son truc et j'avais le mien. Et puis nous nous sommes alors rendu compte que nous allions plus ou moins dans la même direction. Cela nous a fait beaucoup rire.

X-Cross est un mélange d'horreur, d'action et d'humour : était-ce votre intention dès le début ?

Si vous prenez les films d'horreur japonais traditionnels, ceux de ces 10 dernières années comme la série des Ring ou des The Grudge, je les trouves trop lents et trop sérieux à mon goût. Enfant je prenais énormément de plaisir à regarder des films comme les Vendredi 13 ou à suivre les aventures de Freddy Krueger (Les griffes de la nuit). C'est peut-être un peu étrange de le dire ainsi pour des films d'horreur, mais ils étaient vraiment fun à regarder. Vous savez au Japon, lorsqu'on va dans les salles de cinéma des grands multiplexes, on se rend compte qu'elles sont calmes et silencieuses, tout le monde est sagement assis à regarder alors qu'en dehors du Japon les spectateurs sont plus démonstratifs, plus excités, même lorsqu'ils regardent un film comme The Ring ou Juon/The Grudge. Avec mon film  je voulais que le public japonais réagisse, fasse un peu de bruit.

Vous avez tourné en extérieur je crois, dans quelles conditions exactement ?

En effet, une des choses les plus difficiles était que nous tournions essentiellement de nuit, en hiver sous un climat très froid et en altitude. Alors imaginez une centaine de vieilles personnes, des extras qui jouaient les villageois, ils étaient juste gelés d'attendre là, on devait veiller à les garder au chaud... (rires)

En même temps, pour un film d'horreur, ils ne devaient pas avoir trop de mal à trembler du coup... LA scène de votre film, le combat entre le personnage incarné par Amy SUZUKI armée de sa  tronçonneuse contre la femme aux immenses ciseaux, comment l'avez-vous abordé ?

Vous savez Amy SUZUKI est une idole pop vraiment très connue au Japon et donc je tenais absolument à cette image d'une idol armée d'une tronçoneuse. Et puis sur le plateau j'ai appris que lorsqu'elle était enfant elle avait fait du karaté, j'ai alors commencé à injecter toujours plus de combat dans la scène, plus d'action. Quant à May(j)u OZAWA, l'actrice qui jouel le rôle de Reika, la femme aux « mains ciseaux », elle était doublée pour les scènes d'action, mais même moi je ne faisais pas la différence entre elle et sa doublure sur le plateau, m'adressant à l'une en la prenant pour l'autre (rires). Ce qui m'intéressait aussi  avec ces deux personnages et cette scène, c'était de casser un peu l'image que les deux actrices avaient habituellement. C'est quelque chose que j'avais déjà tenté de faire avec l'idol MATSUURA Aya dans mon précédent film, Yoyo Girl Cop.

                                              Maju OZAWA dans X-Cross

HARAGUCHI Tomoo (sfx dans Sakuya Slayers, Kibakichi, Gamera, Ashura...) est crédité au  maquillage, en quoi est-il précisément  intervenu ?

Et bien en réalité pendant le tournage il était en train de réaliser un autre film et n'avait donc pas le temps de venir sur le plateau (rires). Je ne l'ai vu qu'une fois le tournage fini et j'étais encore en colère mais finalement tout ça s'est réglé autour de quelques verres...

Qui a choisi IKE Yoshihiro (Karas, Blood the Last Vampire...) pour la musique ? C'est quelq'un qui travaille particulièrement pour l'animation...

J'aime particulièrement son travail et j'étais très content de l'avoir sur le film. Je lui ai pris pas mal de temps au final et même abusé un peu. Je fais en général très attention à la musique dans un film et je crois que je lui ai donné pas mal de boulot sur celui-là.

Il était question sur internet d'un remake US de X-Cross, qu'en est-il vraiment ?

Oui il paraît, j'ai entendu cette rumeur de remake comme tant d'autres concernant des remake US, mais je ne sais pas du tout où ça en est. Mais quoi qu'il en soit je n'ai pas l'ambition d'aller à Hollywood, je veux continuer à faire des films japonais et ne me soucies donc pas de ce genre de chose.

Combien de temps a duré le tournage et quel était le budget dont vous avez bénéficié ?

5 semaines de tournage et 180 millions de yens ( ndr : au cours actuel environ 2 millions de dollars, certaines sources situent le budget entre 3 et 5 millions...).

Comment a été reçu le film au Japon ?

Diversement par le public qui n'est pas habitué à ce genre de mélange des genres dans les films d'horreur et, étrangement, plutôt bien par la critique. Du coup je me dis que lorsque je ne fais pas un film avec un message social ou politique dedans c'est mieux reçu et je me demande si je ne vais pas continuer à tourner des films simplement fun (rires).

Revenons rapidement sur Yo-Yo Girl Cop. Une seule question : vous pouvez me donner le numéro  de tel de Aya MATSUURA ?

(rires) J'aimerai bien l'avoir aussi !

Qu'en est-il du projet de film basé sur un scénario de Mamoru OSHII, Elle is Burning! ?

Le scénario (ndr : une histoire d'anticipation) est actuellement fini et nous étions supposés commencer le tournage en septembre dernier, mais c'est un film qui coûte vraiment très cher et nous avons donc toujours des problèmes avec le budget. Un autre problème c'est que l'histoire met en scène des immigrants illégaux chinois qui commettent des crimes au Japon, avec des conséquences politiques, cela rend donc les choses délicates à réaliser...

Ça sonne un peu comme GITS, la série TV...

Oui, oui tout à fait ! C'est le genre de projets que j'aime développer, quelque chose qui mêle action et problématiques politiques et sociales. Mais ce genre de projets sont plus difficiles à mener à terme, contrairement à un film comme X-Cross.

Prenez des idols dans le casting et le budget viendra !

(rires) Pourquoi pas.


Propos recueillis pas Anton GUZMAN en avril 2008
Merci à l'équipe du BIFFF
Traduction Luke VAN HAUTE

date
  • janvier 2009
crédits
Interviews