Interview Jiang Wen

Jiang Wen - by Laurent Koffel 

Cinemasie: Pourquoi "Le soleil se lève aussi" a-t-elle quatre histoires ? Et les chaussures rouges ont-elles une symbolique particulière?

On aurait pu diviser le film en 7 histoires, mais ce serait trop long. Mais en fait, le film ne consiste pas en quatre histoires mais en une seule ; et la dernière est le commencement de la première. Quant aux chaussures rouges elles n'ont aucune importance. Cela pourrait être des chaussures vertes ou une paire de gants.

Emir Kusturica a-t-il une influence sur vous ?

Il est très connu. Mais j'ai seulement vu une de ses oeuvres : Papa est en voyage d'affaires. Pendant mon voyage à Venise, on comparait déjà mes films avec certains de Kusturica, je suis plutôt flatté. Mais j'aimerais que les gens sachent que les histoires chinoises ont tendance à être "stylées", fantastiques ou surréalistes peut-être, mais la vie en Chine est très réaliste. Pour la Chine/les Chinois, nous avons traversé en plusieurs décennies seulement ce qu'a traversé l'Occident en plusieurs siècles, vous pouvez imaginer ce flou...

Il y a une structure un petit peu comparable entre Le soleil se lève aussi et Les démons à ma porte. Les démons à ma porte est une comédie basculant dans le drame à la fin. The Sun Also Rises est très noir, et à la fin avec le bébé cela devient joyeux. Est-ce voulu?

Oui, les structures des films ont été décidées dès le début.

Et pourquoi inverser les deux structures ?

Parce que Les démons à ma porte est en noir et blanc, et Le soleil se lève aussi est en couleur.

Et pourquoi avoir attendu 7 ans après avoir réalisé "Les démons à la porte" ?

Pourquoi pas. Je ne sais pas... Bien sûr, j'avais pensé à tourner un film tous les 2 ans, mais je n'y pensais pas vraiment sérieusement car je jouais encore à l'époque. De plus, je crois que si je n'avais pas attendu 7 ans, cela n'aurait pas été Le soleil se lève aussi qui aurait été tourné. Donc, parfois, le hasard fait bien les choses.


Jiang Wen - by Laurent Koffel


Comment s'est passé votre collaboration avec Joe Hisaishi ? Avez-vous travaillé ensemble pour la musique du film avant, après ou pendant ?

A la fin du film. J'ai collaboré avec pas mal de compositeurs, mais sans succès. Puis mon producteur hong kongais Albert m'a conseillé Joe Hisaishi : "Joe séchait les cours depuis l'âge de 18 ans pour composer de la musique de films, et a donc beaucoup d'années d'expérience en la matière. Peut-être aimera-t-il ton film et vous aurez une collaboration réussie." J'ai alors suivi ce conseil, et contacté Joe. Il est effectivement très talentueux, et a rapidement composé une très belle musique pour le film. Hier, pendant le dîner, je lui ai dit "c'était comme si mon film était fait pour vous."

Et pourquoi avoir choisi Jaycee Chan ? Il y a beaucoup d'excellents acteurs en Chine, alors qu'à HK il y a pénurie de jeunes acteurs talentueux.

Lorsque j'ai décidé de tourner "Des jours éblouissants", j'ai trouvé un jeune dans la rue, il jouait au skateboard, il s'appelait Xia Yu. Il a obtenu le prix du meilleur acteur à Venise grâce au film. Cela voudrait dire deux choses, premièrement, quand on a besoin d'un jeune acteur, que ce soit un jeune jouant au skateboard en Chine ou à HK, peu importe, ce qui importe est s'il convient au rôle ; deuxièmement, je sais repérer un acteur qui a du potentiel ! (rires) Pour le rôle de Jaycee, j'avais fait le casting des dizaines d'acteurs chinois, aucun ne convenait vraiment. Effectivement, il y a beaucoup de très bons acteurs en Chine, mais pour ce rôle-là, je n'avais pas trouvé le candidat idéal. L'acteur en question est censé être un adolescent d'entre 13 et 18 ans, énergétique, simple, ayant un regard droit. J'avais beau cherché, je n'avais pas trouvé. A ce moment-là, l'actrice qui incarne la maman de l'adolescent Zhou Yun m'a conseillé Jaycee Chan. J'ai répondu "Jaycee Chan? Qui est-ce?" (rire général). Le soir même, Jaycee est venu, et quand je l'ai vu, je me suis dit "il est pas mal", sans ses lunettes et avec les cheveux coupés, il devrait convenir au rôle - il avait le regard droit, le regard pur et naïf, comme celui des enfants des années 70, c'est ce qui manque aux jeunes de Chine continentale, ils sont plus compliqués et ont des idées un peu malicieuses. (sourire)

Sur notre site, nous avons 14 000 films asiatiques de tous les pays d'Asie, et tout le monde peut donner son avis. Sur ces 14 000 films, "Les démons à ma porte" est classé 8ème, juste derrière "Les 7 samuraïs" d'Akira Kurosawa. Qu'en dites vous?

C'est très bien! (ndlt: s'adressant à son assistante) Il faut que tu ailles sur ce site et cliquer pour leur passer devant! (rire général)

Dernière question : Le film sur lequel vous travaillez avec Feng Xiaogang, où en êtes-vous?

Vous devriez poser la question à Feng Xiaogang... Le projet n'a rien de concret encore, car je n'ai pas encore vu le script. Le projet commencera vraiment lorsque j'aurai lu le scénario. Pour un acteur, tout débute à partir du scénario. En tant qu'ami, Feng a joué dans un de mes films, Des jours éblouissants, il interprète le professeur du personnage de Xia Yu. Et pour presque tous ses films, il venait d'abord me voir et me demander si je voulais bien y jouer. Je répondais alors : il semble que je ne conviens pas trop au rôle. Et cette fois-ci, il m'a encore contacté, et nous avons convenu que je lirais le scénario avant de prendre une décision.

Merci!

Remerciements à Jiang Wen et au Public System
date
  • mai 2008
crédits
Interviews