Interview Liu Ye

Directement après le tournage d'une partie de la série télé L'Âme De La Peinture à Paris, nous avons accompagné Liu Ye en voiture entre son hôtel et l'aéroport d'où il repartait en Chine pour lui poser quelques questions sur sa carrière.

Alain : On n’a pas beaucoup d’informations en Occident sur votre passé avant que vous n’entriez dans le monde du cinéma. Vous êtes né à Jinglin, c’est ça ?

Liu Ye : Je suis né dans la province de Jinglin, mes parents travaillaient au studio national Century et j’ai grandi là-bas. A mes 18 ans, j’ai réussi mon concours d’entrée à l’Institut central du théâtre de Pékin.

Alain : Justement, à propos de cette école de théâtre à Pékin, il y’a cette différence entre les acteurs chinois et hongkongais : quelles sont les méthodes pour apprendre l’art dramatique en Chine ?

Liu Ye : C’est une formation très complète et qui est composée de 4 ans d’études. La première année est consacrée au développement de la personnalité de chaque élève et la deuxième année se base sur l’observation de la vie quotidienne des gens du pays. La troisième année, on fait des adaptations tirées des nouvelles, des romans classiques et la quatrième année on réalise notre travail de fin d’études qui est une pièce de théâtre pour obtenir notre diplôme. A Hong-Kong, c’est le contraire : le travail se fait beaucoup sur le terrain.

Alain : Est-ce qu’à la sortie de l’école il est très facile de trouver un manager en Chine pour faire le lien entre l’acteur et les professionnels du milieu ?

Liu Ye : La situtation est à peu près similaire pour les comédiens dans tous les pays : il y’a toujours beaucoup de comédiens médiocres, ils sont sans cesse à la recherche de managers. On peut toujours intéresser les professionnels par ce qu’on fait, par nos capacités et donc au fur et à mesure on peut prouver notre valeur.

Alain : Avant d’accepter de faire Lan Yu, est-ce que vous n’avez pas eu peur que ce rôle de gay puisse vous blacklister dans le milieu ?

Liu Ye : Ma place de comédien au sein de l’équipe, mon travail ne me permet pas de me faire trop de réflexions sur ce qu’on va dire de moi. Surtout que cela me dérangerait dans mon travail, en tant que comédien, j’ai besoin de me concentrer sur ce que je fais.

Astec : Cela a été dur pour vous d’apparaître dans des scènes de nus d’autant plus que c’était dans un contexte homosexuel ?

Liu Ye : La nudité et de la sexualité est toujours un tabou en Chine. C’était d’ailleurs un problème pour moi et contraire à la volonté de mes parents.

Astec : Est-ce que vous pensé avoir franchi une nouvelle étape en tant qu’acteur avec ce film ?

Liu Ye : C’était juste une étape dans ma carrière : c’est fini et chaque projet propose des rôles différents donc je préfères me diversifier.

 

Alain : Après le succès international de Lan Yu dans les festivals, avez-vous reçu beaucoup de propositions de la part de producteurs ou réalisateurs étrangers ?

Liu Ye : Jusqu’à présent, j’ai reçu pas mal de propositions mais elles viennent surtout de professionnels asiatiques comme ça a été le cas pour Purple Butterfly qui possède néanmoins une ambition internationale, pour l’instant je n’ai pas encore reçu de proposition sérieuse de la part des occidentaux.
Alain : A propos de Balzac et la petite tailleuse chinoise dont le sujet du film porte sur la révolution culturelle : comme vous n’avez pas vécu cette période, est-ce que ça vous est arrivé d’en discuter avec vos parents ? D’ailleurs, est-ce qu’actuellement les jeunes chinois éprouvent le sentiment de se révolter contre le gouvernement ?
Liu Ye : Mes parents ont été aussi envoyés en rééducation dans les campagnes, ils m’ont raconté leur histoire plusieurs fois mais seulement vaguement, nous n’en avons jamais discuté sérieusement et en détail. Quand au sentiment de révolte, il existe toujours chez les adolescents chinois car ils ont leurs propres conceptions mais avec l’âge, ils deviennent raisonnables.
Alain : Est-ce que vous avez le sentiment qu’en Chine il se crée une nouvelle génération d’acteurs et actrices avec notamment Zhang Ziyi, Zhou Xun, Vicky Zhao et vous ?
Liu Ye : Je ne sais pas si je pourrais parler de nouvelle vague mais j’espères que cette tendance va durer.

Alain : Avec le rapprochement entre HK et la Chine, n’avez-vous pas peur que l’exportation du phénomène des idoles sur le continent puisse créer une concurrence avec les acteurs authentiques?

Liu Ye : Des conflits existent déjà depuis la rétrocession mais l’idéal est de travailler ensemble, il ne faut pas s’exclure les uns des autres et faire la somme des avantages de chacun.

Alain : Plus pratiquement : sur le tournage de Floating Landscape, comment s’est passé la collaboration avec les hongkongais vu que le mandarin et le cantonais sont deux langues complètement différentes ?

Liu Ye : Ca a été un expérience difficile car au sein de l’équipe de tournage tout le monde parlait cantonais et j’étais le seul à parler mandarin. Des fois avec Carol Lai, je cherchais à comprendre ses intentions, deviner ce qu’elle voulait dire ce qui a créé des malentendus sur le tournage vu que mon jeu était différent de ce qu’elle attendait et ça a occasionné des prises ratées.
Alain : Qu’évoque pour vous Floating Landscape ?
Liu Ye : C’est une histoire de deuil mais surtout d’espoir, de reprendre confiance : c’est une histoire simple mais forte.
Alain : Vous avez de nouveaux projets ?
Liu Ye : Bientôt je vais tourner dans le film d’un réalisateur qui a été chef-opérateur de Zhang Yimou où je jouerai avec la star taïwanaise Hsu Qi (ndr : Beauty Grass). Là je viens de boucler un film avec Zhang Ziyi qui est Jasmines Bloom.


Tous nos remerciements à Carol Lai, Liu Ye, l'interprète, Matthieu et l'équipe française de L'Âme De La Peinture

date
  • juillet 2003
crédits
Interviews