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Tokyo Sonata

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2 critiques: 3.38/5

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21 critiques: 3.73/5



Ordell Robbie 3 Inégal, parfois misérabiliste. Mais tiré vers le haut par son plan final.
Xavier Chanoine 3.75 Sonate vérité
classer par notes | date | rédacteur    longueurs: toutes longueurs moyen et long seulement long seulement


Sonate vérité

Après s'être adonné de nouveau au film d'épouvante poétique avec son excellent et très surprenant Rétribution, Kurosawa Kiyoshi revient là où on ne l'attend pas, c'est à dire dans la chronique d'une famille japonaise moyenne en plein Tokyo. Le cadre est immédiatement posé puisque le cinéaste expose sa ville, son Tokyo par l'intermédiaire de plans aériens labyrinthiques de toute beauté annonçant à la fois l'avancée technologique du pays mais aussi son aspect compacté, replié sur l'extérieur, les seuls moments d'évasion étant symbolisés par les passages de trains rythmant le récit par son bruit et sa vitesse. Surprise de voir un Kurosawa à l'ouest de son domaine de prédilection (les films de genre, les films d'épouvante) démarrant sur un magnifique plan épuré qu'on aurait pu voir chez Ozu ou Naruse, où Megumi ferme la porte de sa maison suite à un début de tempête. Le spectateur, sans trop le savoir, vient pourtant de voir les premiers signes de l'explosion familiale qui trouve un début lorsque Ryuhei apprend son licenciement suite à la délocalisation de sa firme à Dalian (Chine). De tempêtes en naufrages, la famille tente pourtant de garder le sourire : Ryuhei n'a pas le courage d'avouer son licenciement de peur de perdre sa fierté et son autorité de père. Son fils Kenji  vole l'argent mensuel de la cantine pour se payer des cours de piano en douce et Takashi l'aîné se fait de plus en plus en rare, après avoir distribué des tracts de publicité dans la rue, il souhaite quitter son foyer pour s'engager dans l'Armée aux Etats-Unis. Pendant ce temps là, Megumi prépare le repas tous les jours. C'est donc ainsi que l'on découvre cette famille japonaise tout ce qu'il y a de plus classique avec le salaryman, la femme soumise aux occupations ménagères, le plus jeune rêveur et le plus grand libre comme l'air et c'est à cause d'un simple licenciement que tout va basculer : peu fier de faire la queue à l'ANPE locale, Ryuhei continue de faire comme si de rien n'était en allant tous les matins au boulot et en prenant son repas aux cantines du peuple avec d'autres salarymen dans son cas. Le travelling balayant la queue devant le kiosque est édifiant : les salariés en costume côtoient les SDF.

Kurosawa Kiyoshi démontre aussi que l'honneur et la fierté sont des éléments indissociables dans la vie du japonais moderne, comme le collègue de Ryuhei lui aussi au chômage qui programme la sonnerie de son portable toutes les heures pour simuler un appel téléphonique et paraître ainsi "comme tout le monde" aux yeux de ses amis et de sa famille. Cette sonate n'a pourtant rien de très drôle malgré quelques passages savamment inspirés rayon humour. Les dégâts prennent de plus en plus d'ampleur à mesure que le mensonge se fait trop lourd et les liens intrafamiliaux perdent de leur solidité. L'absence de franchise ne fait qu'attiser le malaise et le mal-être du couple, notamment dans une séquence où Ryuhei met les pieds sous la table et ingurgite une bière sous le regard médusé de sa petite famille : les us et coutumes sont balayés en l'espace d'un plan, amusant certes, mais révélateur d'une situation qui n'est pas comme d'habitude. Cette habitude est pourtant nécessaire à la prospérité de la famille et ici ce ne sont pas les problèmes financiers qui détruisent le foyer, mais simplement le fait de ne pas assumer sa nouvelle vie : ne pas assumer de nettoyer la merde dans un grand centre commercial, ne pas assumer la perte de crédibilité aux yeux de sa femme et de ses enfants (par peur, Ryuhei utilisera la force pour faire parler son autorité déclinante auprès de son plus jeune fils) et le fait de ne pas vouloir changer sa mentalité sur la société actuelle. Pourtant promis à un bel avenir de pianiste, Kenji essuiera le refus de son père d'entrer dans un conservatoire de musique prestigieux. Le déclin de cette famille est finalement dû à l'absence de communication. Il n'y a pas de "c'est pas si grave", c'est tout ou rien, et Kurosawa signe une magnifique réflexion sur la société japonaise actuelle condamnée à la réussite. Pourtant, cette tempête ne débouche pas sur une structure narrative pessimiste malgré les nombreuses fausses pistes du cinéaste (l'accident de Ryuhei, l'arrestation de Kenji, la peur que l'aîné se fasse tuer à la guerre, la prise en otage de Megumi...), et le film de se terminer dans un élan d'optimisme confinant au "retour à zéro" un chouya moraliste mais droit sur ses épaules, dans la plus belle continuité de ce que nous venons de voir.

Le film rebondit d'ailleurs de plus belle lors de l'apparition hallucinante de Yakusho Koji dans la peau d'un criminel amateur illuminé. Et si son personnage est si mal, c'est tout simplement parce qu'il fait parti lui aussi des membres des "rejetés" de la société (chômage, pas de femme ni d'enfants) trouvant un semblant d'espoir en la personne de Megumi après une tentative de cambriolage et de rapt ratés. La séquence où il laisse Megumi aller seule au centre commerciale est remarquable de pathétique, accentuée par l'étrange et entêtante musique et par ces plans fixes à la Kitano. Saluons d'ailleurs une belle utilisation du hors champ et de l'ellipse donnant ainsi un aspect presque surréaliste à l'oeuvre (les traces de la 207 cabriolet en direction de la mer en fin de métrage) et un léger goût pour le fantastique (Megumi rêvant du retour de son fils après la guerre) et nous sommes bien en présence d'un film de Kurosawa Kiyoshi. Pourtant, si l'oeuvre arrive à être touchante du fait de ses vérités et du ton très épuré négocié par le cinéaste, elle trouve ses faiblesses dans l'épilogue de l'épisode Yakusho Koji, trop long et presque auteurisant dans son discour. Ceci étant dit le film est ponctué de moments de grâce comme ces superbes plans aériens de Tokyo ou le soleil se réfléchissant sur le visage de Megumi (impeccable Koizumi Kyoko), un procédé certes très appuyé pour signifier un "nouvel éveil", mais l'ensemble est si bien négocié que l'on pardonnera l'effet de manche un peu grossier et les quelques petites longueurs du film pour toute personne ne se sentant pas concernée par les remous de la société Tokyoïte. Beau parce que vrai, étalant les difficultés des générations à évoluer dans la société (aussi bien chez le petit Kenji que chez le père autoritaire), Tokyo Sonata est un virage parfaitement bien négocié dans la carrière de Kurosawa qui prouve qu'il peut faire autre chose que des thrillers.



01 juin 2008
par Xavier Chanoine


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