Qui donc refuserait un dîner entre filles? 
Un film sans scénario peut-il malgré tout garder assez d'intérêt pour être apprécié?
La réponse nous est magnifiquement amenée par ce petit chef-d'oeuvre étrange qui nous fait preuve d'une maestria de la narration tout à fait étonnante. Car en effet celle-ci a la tâche d'autant plus hardue qu'elle se trouve en absence totale d'intrigue pouvant tenir en haleine le spectateur. Une quantité astronomique de répliques s'enchainent dès le début, et on n'a même pas le temps de penser qu'on risque de s'ennuyer ferme, car on est littéralement emporté par ce flot de parole.
Tout cela serait bien sûr vain s'il n'y avait pas là quelques excellentes actrices pour, d'abord, mémoriser tout ce texte, puis de le réciter de façon aussi convainquante. Il faut dire qu'elles interprettent toutes ici leur propre rôle, et qu'elles ont participé directement à l'écriture du scénario, afin de représenter toute leur personnalité, défauts compris, sans pour autant tomber dans la caricature. Elles font référence directement à leurs précédents films ou séries télévisées, racontent des tournages, des événements... On remarque même quelques rivalités entre quelques unes, avec certainement un fond de vérité. On a conscience tout du long que ce sont bien les actrices qui s'expriment, et non pas le réalisateur ou un scénariste.
L'authenticité est tellement frappante qu'on passe plusieurs minutes à se demander s'il ne s'agit pas d'un documentaire. Car ce shooting a bien eu lieu. Exactement le jour de Noël, avec ces mêmes actrices. On se lance alors dans ce petit jeu, à se demander jusqu'où s'arrête la réalité et où commence la fiction.
Chaque actrice représente une époque du cinéma coréen, et constitue à elle seule le symbole d'une époque. Entre
Yun Yeo-Jeong, la doyenne qui ne garde pas la langue dans sa poche lorce qu'il s'agit de parler du scandale de son divorce, et la jeune
Kim Ok-Bin, nouvelle star grâce à Park Chan-Wook mais qui reste timide fâce à ses ainées, le contraste est énorme. Et c'est justement ces figures représentatives, voire cliché, qui donne toute la dynamique de ces scènes. Le summum est atteint lors du repas final, qui prend en réalité toute la seconde partie. On ne prend alors plus du tout conscience du temps qui passe, tout comme si on était assis à leur table, et qu'on participait à la discussion (ce qui ne me déplairait pas du tout, d'ailleurs!). Discussion d'ailleurs qui finit irrémédiablement sur la condition des femmes se retrouvant exposées grâce au cinéma et à la télévision, et dont les moindres faits sont reportés par les médias, et généralement pas à leur avantage. Il était évidemment qu'on en arriverait là, mais c'est finalement amené sans grand artifice, mais avec sincérité.
On en ressort forcément heureux, heureux d'avoir pu passer un aussi bon moment au plus près de ces femmes, tout comme après avoir passé une bonne soirée entre amis. Et aussi, on s'étonne de s'être laissé prendre par un film ne racontant aucune histoire, mais des personnages.
