Vesoul 2005

Vesoul - Départ

Tout d'abord, Vesoul est une petite ville située en Franche-Comtée, entre Belfort et Langres, à quelques tours de roues de la frontière Suisse. C'est tellement connu qu'avant mon départ, on m'a envié d'aller en Corée (ressemblance entre Séoul et Vesoul, c'était très bon). Partis de Paris avec quelques flocons dans les cheveux, on arrive à Vesoul les pieds dans la neige, le coca gelant instantanément dans les bouteilles. Ca allait promettre une sacrée semaine. Surtout à partir du moment où une vilaine grippe a commencé à décimer toute la population émigrée de Paris, la santé générale a vilainement tourné à un truc vraiment pas fameux, mais toujours dans la joie et la bonne humeur. Car en effet, s'il est une chose vraiment agréable dans cette ville et son festival, c'est avant tout sa très grande convivialité entre organisateurs, intervenants, jurys, presses et spectateurs.

Les barrières sont levées et le Calypso, quartier général pour les rencontres cinéphiles depuis 11 ans, devient entre deux séances le lieu d'interviews, discussions et repas entre connaisseurs et amateurs de films asiatiques, conférant une atmosphère unique à ce festival de cinéma. D'ailleurs, les intervenants se prêtent au jeu avec grande joie ; c'est ainsi que l'on pouvait rencontrer très souvent de grands réalisateurs comme Ezzatollah Entezami, Liu Hao, Lee Doo-Yong, ou encore Dariush Merhjui. Second lieu important du festival, le Cinéma Club, composé de 5 salles et qui, comme son nom l'indique, était le lieu de diffusion de tous les films du festival, mis à part les films d'ouverture et de fermeture diffusés au théâtre Edwige Feuillère, qui voit ses dernières heures avant d'être totalement refait.

La Compétition

Et puisque l'on parle du cinéma, passons à la compétition. Le festival de Vesoul est un festival du cinéma de toute l'Asie, et il le montre une fois de plus avec des films venant bien des deux extrémités du continent. Tout d'abord, l'Asie Mineure était bien représentée par le pauvre et ambitieux film iranien Story Undone (Dastan Nataman) et d'un drame social assez conventionnel venant d'Israël, Feu de Camp (Medurat Hashevet). Un peu plus à l'est arrive le film Kasak philosophique empreint de mythologie, Le Chasseur (Okhotnik), complètement hors de portée d'un public étranger à la culture Kasak, donc au final bien long et ennuyeux. La Chine et le Vietnam sont eux doublement représentés dans cette compétition ; en effet, l'empire du milieu nous propose un film engagé politiquement avec Two Great Sheep (Hao Da Yi Dui Yang) et un film plus tape-à-l'oeil, The World (Shijie) ; de son coté, le Vietnam s'occupe de nous parler deux fois du Nord pendant la guerre avec Le Temps Révolu (Thao Xa Vang), orienté sur la culture familiale, et Hanoi - 12 Jours et Nuits (Hanoi - 12 Ngay Dem), film tellement blindé de clichés plus gros que le film que Michael bay doit en être jaloux. Et enfin, le Cambodge et les Philippines se sont gardés une petite place dans la compétition avec, pour le premier, Si Dieu Envoyait Son Ange, film d'un amateurisme coupable, et pour le second La Fille de la Jetée (Babae Sa Breakwater), plein de conviction mais manquant un peu de maturité.

Concernant tous ces films, ce que l'on peut faire ressortir de la compétition est l'évidente disparité bien trop importante entre les différents films ; il est certes intéressant de proposer des films de tout genre et de tout pays, mais il faut quand même admettre que lorsqu'on voit, dans la même compétition, Hanoi et Si Dieu Envoyait Ses Anges, on se pose des questions. Je ne remets pas en question la volonté d'ambition du réalisateur cambodgien, voulant faire un film avec 300 Euros, mais un tel film aurait eu plus sa place dans le panorama, surtout lorsqu'on sait que le film a été terminé moins de deux semaines avant le festival.

Du point de vue récompenses, on remarque sans surprise que Feu de Camp reçoit le prix du public ; il faut avouer que de tous les films présentés, c'est celui qui est complètement mis en scène à la manière américaine ; et même le sujet, bien qu'il parle de certains points proprement israéliens, est d'un point de vue occidental, bien plus abordable que les autres pour la plupart des spectateurs. Pour continuer dans le palmarès, on peut noter que les jeunes ont été particulièrement touchés par le documentaire Numéro 17, de David Ofek (Israël), qui suit une équipe d'enquéteurs partis retrouver l'identité de la dernière victime non identifiée d'un explosion terroriste, et du coté de Paris, le musée Guimet a donné son Bouddha (statuette de Bouddha en guise de prix) à Ho Quang Minh pour son Temps Révolu. A noter la surprise avec Liu Hao, qui malgré une copie de très mauvaise qualité et de conditions de projections catastrophiques, a quand même su toucher son public et a été récompensé par le prix Netpac (jury qui juge les films asiatiques dans de nombreux festivals internationaux). Pour ce qui est du jury international, à présent, il a décerné cette année deux prix ; pour ceux qui se demande la différence entre le Grand Prix du Jury et le Cyclo d'Or, il faut savoir que l'année dernière, le président du jury, iranien, n'a pas osé donner le Cyclo d'Or au film iranien de la compétition, Abjad, et a donc créé ce prix spécial. En outre, le Grand Prix a été préservé cet année et s'est retrouvé entre les mains de Jia Zhang-Ke, pour son très esthétique mais critiqué The World. Et pour finir, le film qui a su vraiment combler à la fois le jury Langues O' et le jury international pour ses qualités cinématographiques et son rythme infatigable malgré un budget très faible, c'est le film iranien Story Undone, de Hassan Yektapanah.

Le Panorama

Le festival n'étant pas qu'une compétition mais également une vitrine de ce qui se fait en Asie et qu'on ne verra jamais (à quelques exceptions) sur nos écran, Vesoul a dévoilé son lot de cadeaux, notamment au travers de deux hommages à des réalisateurs asiatiques qui ont chacun reçu un Cyclo d'Or pour le merveilleux travail accompli durant leur carrière ; d'un coté l'acteur iranien Ezzatollah Entezami qui, malgré son âge très avancé, a fait tout le voyage vers Vesoul pour finalement partir en déclarant que c'est le festival le plus convivial auquel il ait jamais participé, tout en voyant le public s'émerveiller devant ses films, et de l'autre coté le réalisateur coréen Lee Doo-Yong qui, inconnu en arrivant, remplissait chacune de ses salle au bout de trois jours.

De plus, chaque année, Vesoul propose des films regroupés autour d'un thème ; cette année en l'occurence, ont été diffusés des films sur le thème « Naître et être différent », où l'on peut voir des sujets sur l'exclusion sociale, la différence physique ou morale, ou encore l'indifférence, avec entre autres les deux magnifiques films Oasis et Nobody Knows qui ont particulièrement su toucher les spectateurs par leurs sujets frappant de réalisme et par leur interprétation. Puis le festival était l'occasion pour le jeune public de voir des films plus abordables, comme le dessin animé coréen Oseam ou encore le film chinois Metamorphosis, ainsi qu'une sélection de documentaires, dont certains furent l'objet d'une compétition et jugés par des collégiens, lycéens et étudiants de Haute-Saône. Enfin viennent les autres films, ceux qui ont déjà un visa d'exploitation et sont là à l'occasion de leur sortie officielle en profitant du festival du cinéma asiatique ; ainsi on pouvait assister à des films déjà bien connus comme Debout, le premier film de Liu Hao, le Jiang Hu de Ronnie Yu, Le Secret des Poignards Volants, ou encore les dernières animation japonaises Innocence et Steamboy ; un court-métrage français était également de la partie avec le L'éveil du Moine, hommage aux films d'arts-martiaux asiatiques. Au vu de tout cela, le panorama était bien eccléctique, tant par l'origine des films que par les sujets traités par chacun, ce qui faisait très plaisir à voir dans un festival destiné à la découverte.

Rien n'est parfait

Evidemment, comme événement qui se respecte, celui ci à son lot de défauts et d'incidents de parcours. Tout d'abord, on peut imputer un grand nombre de problèmes à la question du financement. Le festival n'étant pas financé par le conseil général des Haute-Saône, seule la ville de Vesoul et les différents partenaires se chargent de soutenir les organisateurs dans la bonne marche du festival. Cela empêche donc le festival de prendre plus d'ampleur et de mieux se faire connaître ; cela évidemment garantie une certaine convivialité, mais j'imagine que certaines personnes souhaiteraient voir Vesoul gagner en notoriété ; comme je l'ai dit au début, beaucoup de monde ne sait même pas où se trouve Vesoul (sans parler de ceux qui n'avait jamais entendu ce nom).

Ensuite cela pose aussi le problème du matériel et des installations ; évidemment, le cinéma est relativement suffisant pour diffuser des films et le matériel convient à des films arrivant en 35 mm, mais quand on voit que les gens allant en salle 5 doivent passer par la salle 1, même en pleine diffusion, il y a de quoi se poser des question. Pour ce qui est des système de diffusion, apparemment tout le monde ne devait pas être au courant qu'il fallait venir avec du 35 mm, et Liu Hao est arrivé avec une copie en numérique, sauf qu'il n'y a pas de systême de diffusion numérique à Vesoul ; heureusement qu'il avait une version en VCD (sous-titrée anglais et chinois) malheureusement en version non finie et aux couleurs ternes. Une initiative très intéressante est le sous-titrage « Laser », sauf qu'ici ce n'était pas du laser mais du Powerpoint diffusé à l'aide d'un rétroprojecteur sur l'écran, et cela par commande manuelle, car aucun timing n'a été préparé, par manque de temps (les copies arrivaient souvent trop tard) et aussi de moyens.

Donc il vallait mieux savoir lire correctement l'anglais tellement les sous-titres français étaient horribles à suivre (sans parler de Arirang où les sous-titres ne traduisaient même pas la moitié du film). Autre problème récurrent, le cassage de bobine ; fait complètement indépendant de toute erreur humaine mais sûrement dû à l'âge avancé du matériel de diffusion et de l'état de certaines bobines ; de ce côté, Lee Doo-Yong n'a pas été particulièrement gâté avec deux de ses films (d'anciennes bobines généreusement prêtées par le Centre Culturel Coréen à Paris) qui ont lâché avant la fin ; mais heureusement, chaque film victime de ce problème a eu la chance de n'être amputé que de 2 ou 3 minutes.

Enfin

Pour terminer, il faut quand même féliciter l'ensemble du personnel technique et commercial du festival qui ont abattu un sacré travail durant la semaine et tentant de faire face autant que possible aux imprévus et assurant le spectacle d'un bout à l'autre. Le festival s'est quand même dans l'ensemble très bien déroulé et chacun est reparti avec un bon sentiment, même si la semaine n'a pas toujours été très facile entre la neige, le froid, et la grippe (gastro pour certains, c'était fourni avec l'accréditation). Ce que l'on peut retenir de cette semaine entre cinéphiles, c'est que, outre les films asiatiques diffusés tout le long, le Festival de Vesoul est un exemple de convivialité, dans lequel la barrière entre les spectateurs et les intervenants est complètement levée et où chacun discute avec qui bon lui semble sans la moindre idée de classe où de notoriété. Ce festival est en outre menacé d'arrêter ses activités pour les années à venir pour des problèmes de financement mais aussi par la construction d'un multiplexe qui annoncerait la fin du cinema club, lieu où se déroule habituellement le festival ; pourvu que le festival puisse tout de même perdurer, c'est un festival d'une convivialité rare qui doit absolument recommencer l'année prochaine.

Remerciements

Pour ma part, je tiens d'abord à remercier l'INALCO, mon école, sans laquelle je n'aurais pas pu participer à ce festival, mais également Jean Marc Thérouane, délégué général au festival, pour tous les documents et informations qu'il nous a fourni pour aider à monter ce dossier et avoir de plus amples connaissances sur Vesoul, le festival et son histoire. Merci également à mon prof de coréen de ne pas m'avoir mis 0 parce que j'ai sauté son partiel. Mais même s'il faut manger des knaky et du taboulet toute la semaine, loger au camping de Vesoul et rater une semaine de cours intéressants, je serai quand même de retour l'année prochaine.

date
  • avril 2005
crédits
Festivals