Japon: Du parlant à l'après-guerre

Du muet au parlant


En 1927, le succès commercial américain du Chanteur de jazz fait basculer Hollywood du muet vers le parlant. Depuis longtemps, le Japon avait fait des tentatives de cinéma parlant. Les plus courantes étaient celles de films avec son sur disque. Citons le Pays Natal (1930) de MIZOGUCHI, film où ne sont enregistrés intégralement que les chansons de FUJIWARA Yoshie et où les dialogues sont complétés par les intertitres quand ils deviennent complexes. Mais le premier vrai parlant est Mon amie et mon épouse de GOSHO Heinosuke produit à Kamata par la Shochiku et avec TANAKA Kinuyo. On reverra cette dernière dans un autre parlant de GOSHO, L'épouse qui parle dans son sommeil (1933), comédie à grand succès. Alors qu'à Hollywood l'arrivée du parlant se caractérise par un renouveau des équipes via Broadway, acteurs et réalisateurs des années muettes restent en place. TANAKA Kinuyo et OKOCHI Denjiro vont imposer leurs timbres de voix aux fans tandis que d'autres comme BANDO Tsumasaburo s'en forgeront un. Les acteurs de shingeki -théâtre contemporain- n'ont pas le physique et la jeunesse pour être star et l'élocution des acteurs de shinpa ou kabuki ne convient pas au parlant. Les seuls transfuges du théâtre seront des acteurs comiques capables de chanter et parler vite. L'une des premières stars du parlant sera ainsi ENOMOTO Kenichi, comique chantant à l'opéra d'Asakusa et porté sur la pitrerie. Suivront le duo comique YOKOYAMA Entatsu/HANABISH Achako et le maître du raguko YANAGIYA Kingoro. A l'époque du muet, les films comportaient souvent une chanson principale interprétée par un chanteur ou un benshi dans la salle. Cette formule souvent garante de succès sera reconduite à ce moment-là, surtout concernant le mélodrame. Le parlant débute mais il est onéreux. Les compagnies indépendantes sont absorbées par les Majors. Un examen d'assistant-réalisateur est mis en place avec comme condition d'avoir fait l'université. La PCL, compagnie crée en 1933 et spécialisée dans le parlant, fait son premier recrutement en 1936. Pami les 5 candidats choisis, on trouve KUROSAWA Akira, seul qui fera carrière.

Le Jidaigeki: le star system et le cas Itami


Le jidaigeki est d'abord un cinéma d'acteurs. Scénaristes et réalisateurs font les films en fonction de leur personnalité. Et les acteurs se comportent parfois en vrais patrons sur le plateau. Les stars des années 30 sont BANDO Tsumasaburo, ICHIKAWA Utaemon, KATAOKA Chiezo, OKOCHI Denjiro, ARASHI Kanjuro, HAYASHI Chojiro (futur HASEGAWA Kazuo), TAKADA Kokichi, BANDO Kotaro, TSUGIKATA Ryonosuke et KOSABURO Ramon. Souvent manichéen et centré sur l'action, le genre est très apprécié des enfants. Plus de la moitié des stars du genre viennent du kabuki. Bando et Okochi jouent à l'écran les guerriers invincibles. Ichikawa Utaemon joue les grands seigneurs et sa préoccupation pour son allure vestimentaire porte la marque de son passé d'acteur de kabuki. KATAOKA Chiezo tire lui le genre vers le comique. YAMANAKA Sadao va réaliser pour Kanjuro Productions des films dont ARASHI Kanjuro a le premier rôle. Intégrant en 1933 la Nikkatsu, il y réalise des films avec OKOCHI et KATAOKA. Dans tous les cas, il est dans cette logique de star system. Mais en 1937 le réalisme de son Ishimatsu des forêts l'oblige à faire appel au nouveau venu KUROKAWA Shotaro. La même année, il quitte la Nikkatsu pour la TOHO et y réalise Pauvres humains et ballons de papiers sans stars de cinéma mais avec la Zenshinza. Cette troupe refuse l'idée d'acteur roi et s'est crée en réaction à celles de kabuki et à leur fonctionnement féodal: administration démocratique et pièces du répertoire contemporain. Impressionné, YAMANAKA voit ainsi l'opportunité de leur donner des rôles de figures misérables et réalistes à l'opposé des rôles des stars du genre. Outre Pauvres humains..., deux autres talkies de YAMANAKA ont été conservés: Sazen Tange: le pot d'un million de ryos (1935) tirant le genre vers le comique et Soshun Kochiyama (1936) qui refuse le spectaculaire. C'est l'époque où les studios de jidaigeki les plus importants de Kyoto sont ceux de la Nikkatsu, centrés sur OKOCHI Denjiro. Après son départ à la TOHO en 1937, ils accueillent BANDO, KATAOKA et ARASHI. Les studios deviennent le centre du genre grâce à ces figures du chambara.

Les studios Shochiku de Kamata et Ofuna sont eux le centre des stars, féminines en particulier. La caractéristique des jidaigeki de ce studio est des figures d'hommes jouant à la fois sur le registre de séduction du nimaime (homme faible) pour le public féminin et celui du chambara pour le public mâle comme HAYASHI. Après l'échec de ses films muets expérimentaux, KINUGASA va le pousser dans ce sens avec des jidaigeki comportant des histoires d'amour inspirées du kabuki. Le jidaigeki a souvent pour thème à cette époque l'héroïsme voire la glorification de la violence. A l'opposé de cette tendance se situe ITAMI Mansaku. Ne pouvant vivre de son rêve de peintre, ITAMI échoue en 1923 chez son ami ITO Daisuke alors à son apogée. Il se voit proposer l'écriture de scénarios de jidaigeki. A cette époque, KATAOKA propose à Ito de rejoindre sa compagnie indépendante. Appréciant le travail d'Itami, ITO refuse et propose ITAMI comme scénariste et INAGAKI Hiroshi comme assistant. Itami va alors écrire et réaliser son premier film, un chambara, en mettant un KATAOKA pas au courant devant le fait accompli. Réalisateur de jidaigeki dans un but alimentaire, ITAMI refuse leur héroïsme et force KATAOKA à plus de sobriété. Feu d'artifice (1931) est lui un film critique vis à vis de la notion de courage en vogue dans le genre à l'époque. C'est l'époque où l'on peut faire des jidaigekis critiques sans censure si on n'attaque pas l'Empereur. Les seuls films qui nous soient parvenus sont 5 talkies. Comme son refus de catharsis dans les scènes de combat n'est pas porteur de succès public, Itami va ensuite surtout se consacrer à la comédie.

Shoshimin, réalisme et personnalisation des techniques de mise en scène


En 1935, la Shochiku déménage de Kamata à Ofuna car le bruit des entrepôts voisins des studios de Kamata devient gênant dès lors qu'on tourne du parlant. Du style Kamata on passe au style Ofuna. Mais en exploitant encore des thèmes des années Kamata: le film shoshimin par exemple (cf. L'ère des pionniers et l'âge d'or du muet: GOSHI, SAITO, OZU, MURATA, KINUGASA). Le Fardeau de la vie (1935) de GOSHO Heinosuke est emblématique du genre. Mais le genre n'a pas le monopole du thème des relations familiales. Les autres studios produisent ainsi des films montrant les difficultés au quotidien du point de vue des enfants: La Classe de composition (1938) de YAMAMOTO Kajiro à la TOHO, Le Petit pleurnichard (1938) à la Tokyo Hassei et Des Pierres sur le chemin (1938) à la Nikkatsu entre autres. Les questions des parents faibles ou despotiques sont peut être à rapprocher d'un sentiment d'impuissance dans une période de récession, de montée du militarisme ainsi que d'une pensée traditionnelle privilégiant la relation verticale parent/enfant à celle horizontale du couple. Questions que le cinéma japonais continuera à traiter par la suite. On peut aussi les lier à un modèle de père autoritaire en descendance de la féodalité qui périclite après 1945. Sauf que les pères sans autorité étaient déjà présents dans le gendaigeki des années 30. A cette époque, OZU offre des figures paternelles complexes avec deux muets très remarqués: Un Caprice du coeur (1931) inspiré du Champion de King VIDOR et Histoire d'herbes flottantes (1931) calqué sur The Barker de George FITZMAURICE.

Cette période est également une grande période du réalisme dans le cinéma japonais. C'est de cette façon que sont reçus L'Elégie d'Osaka et Les Soeurs de Gion, deux MIZOGUCHI réalisés en 1936 à la Daiichi Eiga avec l'apport de son scénariste fétiche Yoda Yoshitaka. Par la suite, Le Fils unique (1936) d'OZU et L'Avancée éternelle (1937) d'UCHIDA vont poursuivre dans cette voie-là. Outre un style déjà affirmé, ce qui frappe est une recherche sociologique et d'esprit critique et l'intrusion d'une dramaturgie issue du kabuki. Comme dans le kabuki, l'homme est un nimaime et l'héroïne lui remonte le morale pour l'entraîner vers la mort des deux amants. Mais chez MIZOGUCHI lorsque ces derniers sont en difficulté ils la trahissent plutôt que de chercher la victoire de la mort. Et lorsqu'une héroïne se sent trahie elle devient une femme forte ne se laissant plus faire par les hommes. Outre Le Fils Unique, la version parlante d'Une Auberge à Tokyo (1935) est une autre référence réaliste signée OZU. Fondée en 1934 par NAGATA Masaiichi, la Daiichi Eiga est dissoute deux ans plus tard. NAGATA s'était fait la spécialité du débauchage de stars. Pour y faire face, une Shochiku alors sa victime finança la Daiichi qui débaucha de la Nikkatsu MIZOGUCHI, ITO, SUZUKI Tadaaki, YAMADA Isuzu et NAKANO Eiji. Après la faillite, NAGATA dirige la Shinko Kinema elle aussi financée par la Shochiku. Le gouvernement ayant imposé le regroupement des sociétés de cinéma, il transforme son regroupement autour de la Shinko en Dai Nihon Eiga Kabushiki Kaisha, future DAIEI.

A cette époque, des auteurs tentent d'imposer des méthodes de tournages très personnelles dans un contexte de forte production. C'est ainsi qu'un OZU va tenter de contrôler au maximum le script, les acteurs et la mise en scène là où Mizoguchi donne moins d'indications et laisse faire certains techniciens. Mais tous deux multiplient les prises pour tirer le meilleur des acteurs. A l'inverse, SHIMAZU Yasujiro cherche à détendre ses acteurs pour créer une sensation de naturel. On lui doit Ma Petite voisine Tae (1934), modèle du home drama (drame sur la vie quotidienne d'une famille). Ce type de mise en scène "souple" sera reprise par les assistants GOSHO, TOYODA Shiro, YOSHIMURA Kozaburo, KINOSHITA Keisuke et NAKAMURA Noboru. SHIMIZU Hiroshi poussera cette méthode à l'extrême. Auteur de mélodrames et comédies à succès, il se lasse des stars et recrute débutants ou non-professionnels. Il va imposer un style fait de prise d'instantané dans lequel l'acteur peut faire bonne impression s'il est naturel et refuse de se montrer à son avantage. C'est très clair dans ses adaptations de romans pour enfants: Les Enfants dans le vent (1937), Les 4 Saisons des enfants (1939), La Tour de Mikaeri (1941). Cinéaste de la vie quotidienne, NARUSE déteste lui la lourdeur et l'exagéré. Il supprime des scénarios des répliques pour laquelle le propos peut être transmis par le geste ou l'expression. Epris de calme il évite les extérieurs en tournage. Il ne dit pas à ses acteurs si la prise est bonne et choisit un classicisme formel permettant d'achever les films dans les temps. A l'opposé des réalisateurs Kamata, l'ex de la Nikkatsu TASAKA Tomosaka passe beaucoup de temps à conseiller les acteurs. Grande diversité de méthodes opposées.

PCL, TOHO, Tokyo Hassei et Nikkatsu


Le Shashin Kagaku Kenkyujo (Photo Chemical Laboratory) est un centre de recherche sur le talkie ayant débuté en 1930. Son laboratoire s'établit à Tokyo. Elle met au point en 1931 un dispositif d'enregistrement de talkie, fabrique un studio d'enregistrement et fait des essais. En 1932, elle enregistre les nouvelles du quotidien Asahi et s'occupe des parlants de la Nikkatsu comme par exemple Voyage sous un ciel bleu d'INAGAKI. Mais à la fin de l'année la Nikkatsu se tourne vers des techniques de parlant à l'occidentale et rompt son contrat avec la PCL. Ne pouvant laisser ses studios inactifs, la PCL les loue à des indépendants et devient autonome. Elle crée sa compagnie de production de films, les studios PCL qui tireront l'industrie vers la modernité. Un système de contrats est instauré et le pouvoir du producteur est accru. La série des Enoken sera la première à large succès de PCL. Son titre vient du nom du comique d'Asakusa ENOMOTO Kenichi. Au début, ses sketches de scène sont adaptés à l'écran par le cinéaste YAMAMOTO Kajiro. Yamamoto contribuera d'ailleurs au succès de la compagnie en oeuvrant aussi dans le mélodrame. Toute cette image de modernité renforce l'attractivité du studio. Un grand nombre de stars et de cinéastes de la Nikkatsu et la Shochiku sont débauchées. Lorsque HAYASHI Chojiro part pour PCL, la Shochiku lance une campagne l'accusant d'ingratitude. A ce moment-là, un yakuza lui taillade le visage. Le coupable sera arrêté sans qu'on sache rien sur l'affaire et sans qu'HAYASHI ne tienne à en savoir plus par crainte de représailles. Il acquiert la sympathie du public et la modernisation devient une nécessité. Il rend son pseudonyme à la Shochiku et reprend son vrai nom: HASEGAWA Kazuo. Sa carrière durera malgré cette péripétie.

Au début, les films de la PCL seront perçus comme de l'imitation du cinéma américain. La société attire aussi des personnalités de gauche attirées par un recrutement différent de celui fonctionnant par relation des studios en place. Kamei Fumio y entre après des études de cinéma en URSS. KUROSAWA Akira l'intègre comme assistant-réalisateur. Chef de file de la PCL, le spécialiste du keiko eiga KIMURA Sotoji tente de concilier cinéma commercial et propos critique vis à vis de la montée de la droite nationaliste. Mais il ne pourra plus garder le cap en 1937 avec l'invasion de la Chine se précisant. Il va se retrouver sans travail et partir travailler pour la Manei. Un autre cinéaste de premier plan du studio est NARUSE Mikio qui quitta en 1935 la Shochiku pour la PCL parce que peu apprécié par une direction le trouvant trop effacé. N'ayant pas de stars de jidaigeki, la PCL passe un contrat avec la troupe de théâtre Zenshinza pour en tourner. Parmi eux, on compte La Légende des brigands de Sengoku (1937), adaptation de SCHILLER par un YAMANAKA ayant déjà tourné avec la troupe à la Nikkatsu.

En 1932, la Ozawa Shokai, société important du matériel de prise de vue, construit un studio de talkies et se lance dans le cinéma en le louant à la Compagnie anonyme de cinéma parlant d'Uzumasa. En 1934, cette dernière s'émancipe et devient le studio JO. Le plus célèbre film du studio est La Nouvelle terre (1934) de l'Allemand Arnold FANCK avec dans le rôle principal HARA Setsuko qui glorifie l'esprit japonais. En 1931, la JO est absorbée par la TOHO. Une autre compagnie indépendante qui fut absorbée partiellement par la TOHO est la Tokyo Hassei. Y participent les cinéastes ABE Yutaka et TOYODA Shiro. Elle se fera un nom en produisant du bungei eiga (adaptation d'oeuvres littéraires) se distinguant de la production de son temps par sa profondeur. Le terme est un peu l'ancêtre du "film artistique". TOYODA Shiro en fut un spécialiste à succès avec des oeuvres telles qu'Une Jeune fille (1937) adapté d'ISHIZAKA Yojiro. Développée au départ sous la protection de la TOHO, la compagnie collectionne les récompenses mais peine à équilibrer ses finances. Elle est absorbée par la TOHO en 1941.

En 1934, la Nikkatsu emménage dans des studios de Chofu dans la banlieue de Tokyo près du fleuve Tama. Les studios Nikkatsu de Tamagawa connaissent une activité florissante sous la direction du directeur NEGISHI Kanichi. A une époque où le gendaigeki est l'apanage des productions Shochiku citadines et sophistiquées, la Nikkatsu de Tamagawa produit un cinéma réaliste et critique, moins finaud mais fort. UCHIDA Tomu donne quelques oeuvres marquantes au courant: Le Théâtre de la vie: jeunesse (1936), L'Avancée éternelle (1937), la Ville nue (1937) et La Terre (1939). Il partira en Mandchourie en pleine guerre avant de revenir au Japon après la défaite. D'abord cinéaste de commande, TASAKA Tomotaka s'est lui fait remarquer avec des keiko eigas et des mélodrames à succès. A partir du moment où on lui laisse les mains libres, il tourne des films s'interrogeant sur le sens de la vie tels Le Chemin de la vérité (1937) et Des Pierres sur le chemin (1937), tous deux adaptés de YAMAMOTO Yuzo. Devenue réalisateur en 1930, son assistant KUMAGAI Hisatora se fera aussi remarquer avec la biographie Takuboku, le poète passionné (1936) sur la jeunesse du poète ISHIKAWA Takuboku et Les Emigrants (1937), film sur des pauvres s'apprêtant à émigrer au Brésil et regroupés à Kobe adapté d'ISHIKAWA Tatsuzo.

Films de guerre


En 1931, le Japon a envahi la Mandchourie. Au cours des combats, trois soldats japonais se sont jetés avec des bombes sur la voie ferrée de l'armée chinoise, ouvrant le chemin à l'armée japonaise le 24 février. Jamais vérifiée, cette nouvelle est perçue au Japon comme un évènement extraordinaire. Après la guerre, on dira que les soldats n'ont en fait pas pu s'enfuir à temps après avoir placé la bombe. Mais sur le moment personne ne conteste la véracité des faits célébrés par articles élogieux, pièces de théâtre, chansons et films. En mars, 7 films inspirés des trois soldats sont déjà sortis. Tournés par majors ou petites compagnies, ils participent d'une déferlante de films de guerre à petit budget dont le militarisme plait au public. Dans un contexte de répression des mouvements de gauche, la mode des keiko eigas s'éteint alors naturellement. Le 7 juillet 1937, un accrochage sur le pont Marco POLO déclenche l'invasion de toute la Chine par l'armée nipponne. Des films sont produits pour profiter de l'évènement. Souvent, ces derniers évoquent plus l'idée d'un peuple japonais réconcilié par la guerre que celle de la haine de l'ennemi. Ces films sont souvent méprisés par la critique. Ce n'est pas le cas des 5 Eclaireurs (1938). Mais si ce dernier est loué pour non-exaltation de l'esprit guerrier et accent mis sur la fraternité des soldats, le film ne montre pratiquement pas la population chinoise de la ville occupée par les militaires. Il reflète une pensée alors intellectuellement dominante: on cherche à ce que les Japonais s'entraident mais on refuse d'avoir des sentiments pour ce qui est non-japonais.

La même année, La Légende des géants d'ITAMI Mansaku transpose Les Misérables à l'époque du soulèvement de Satsuma (manifestation du mécontentement de la classe des guerriers se sentant sans avenir). Le film contient un court dialogue critique vis à vis de la guerre sino-japonaise non censuré de façon très étonnante. Peut être parce que c'était un jidaigeki. Et à cette époque le contrôle du gouvernement sur la presse n'est pas encore radical comme il le sera plus tard. Après 1938, les films de guerre font dans la propagande directe. A l'époque de la Guerre du Pacifique, le gouvernement américain va utiliser des cinéastes et des experts pour faire des recherches sur la civilisation japonaise. Des films projetés dans les Japantowns US sont confisqués. Les chercheurs sont surpris par des films pouvant être en surface vus comme antimilitaristes et à l'opposé d'un cinéma de propagande occidental diabolisant l'ennemi. Les oeuvres ne montrent que l'aspect triste de la guerre. Plus les Japonais en souffrent plus ils sont satisfaits de payer la dette morale contractée vis à vis de l'Empereur à leur naissance. D'où cela vient-il? Du profond sentiment d'isolement des Japonais depuis l'ère Meiji: ils voient pour la plupart d'entre eux le Japon comme seul rempart face à un Occident impérialiste ayant colonisé l'Asie. La vénération de l'Empereur cristallise cela et est manipulée par militaristes et nationalistes.

La Vogue des films d'amour


Durant les années 20 et 30, le cinéma japonais se pose la question de comment adapter au Japon les films d'amours à l'occidentale. En effet, les scènes d'amour de kabuki et de shinpa sont une représentation stylisée des amours dans les quartiers de plaisir du temps de la féodalité. Elles sont donc inappropriées pour rendre compte de l'amour dans le Japon contemporain. En vertu de la morale confucéenne, homme et femmes sérieux ne doivent vivre leur amour ouvertement. Cette vision persiste alors que la jeunesse rêve d'amour libre et d'égalité des sexes. Pour cette raison, le cinéma occidental devient un modèle. Heureusement, les choses changent à la fin des années 30. La Shochiku deviendra alors le studio spécialiste du film d'amour, en tournant bien plus que de films de guerre. En 1936, la Shochiku a quitté Kamata à Tokyo pour Ofuna à Kanagawa. Elle devient la Shochiku Ofuna Satsueijo et devient une plate-forme de lancement de stars. Elle va disposer d'un grand réservoir d'actrices alimentant le genre dans sa diversité: TANAKA Kinuyo d'apparence joyeuse et intérieurement forte, KAWASAKI Hiroko spécialisée dans les mélodrames où elle supporte un destin malheureux, OIKAWA Michiko comme femme jeune et pure promise à une mort prématurée, KUWANO Michiko la femme moderne et énergique, TAKASUGI Sanae l'intellectuelle, AIZOME Yumeko l'exotique, INOUE Yukiko l'eurasienne, TAKAMINE Mieko la fille de famille, KOGURE Michiyo aux rôles insolents... Très appréciés, ces films montrent un style de comportement pour les jeunes Japonais devant apprendre à faire la cour à une femme sans sembler maniérés mais naturels et sympathiques. Le plus apprécié du public est alors UEHARA Ken: héritier des jeunes premiers fragiles du kabuki, il a intégré l'allure vestimentaire et le naturel des acteurs occidentaux. Une autre star masculine du genre est SANO Shuji. Il incarne des hommes sympathiques, dynamiques et qui réussit à se faire aimer des femmes malgré sa timidité. SABURI Shin est quant à lui une figure virile, rustre, taciturne et bourrue. Mais la Shochiku l'emploie néanmoins dans des rôles d'hommes aimé des femmes pour ces raisons-là.

La loi sur le cinéma


Le 1er octobre 1939, la loi sur le cinéma votée par le parlement est mise en application. Les professionnels créant et distribuant des films doivent avoir le feu vert des autorités et sont sanctionnés sinon. Si un film a reçu l'aval du gouvernement, ce dernier peut revenir sur sa décision s'il l'estime contraire à l'intérêt public. Réalisateurs, acteurs et techniciens doivent passer un examen. Ils obtiennent une licence annulable à tout moment par le gouvernement. Alors qu'avant la censure s'appliquait aux films achevés, elle s'exerce désormais aussi directement sur les projets. Les cinémas sont contraints de projeter en plus des longs métrages des "films culturels" destinés à former l'esprit national. Très rares sont ceux qui protestent ouvertement. Il faut dire que le Ministère de l'Intérieur intime à la presse de ne pas publier d'articles de penseurs antimilitaristes et que cet ordre est respecté. Une exception est le critique marxiste IWASAKI Akira qui en 1937 utilise comme point de comparaison l'état du cinéma allemand: ces lois sont conçues selon le modèle de celle des nazis déjà en vigueur en Allemagne et depuis la qualité artistique du cinéma allemand a baissé. Il est arrêté en janvier 1940 et sera emprisonné un an sans explication avant d'être libéré après avoir écrit une lettre reniant ses idées. Après 1939, il n'y a pratiquement aucun exemple de cinéastes sanctionnés par cette loi. Il faut dire que le cinéaste a besoin de l'argent des compagnies pour tourner et que ces dernières se conforment à la loi en refusant de financer des projets susceptibles de tomber sous son couperet. Le milieu du cinéma est ainsi choqué en 1939 par le rejet du projet Le Goût du riz au thé vert d'un OZU revenant du front chinois. Le fait de décrire des bourgeoises oisives et s'amusant avec l'argent est vu par le Ministère de l'Intérieur est impardonnable dans un pays en état de guerre. Après le succès du réaliste Toute la famille travaille (1939), NARUSE se voit refuser un projet sur la misère du monde ouvrier. Société indépendante, la Nano Eiga voit son réaliste Les Ouvrières de la brique (1940) interdit de projection car trop noir. La compagnie va être ensuite en difficulté financière et être absorbée par la TOHO. Cette loi étouffe ainsi le réalisme social.

Une seul cinéaste se verra provisoirement retirer le droit d'exercer en vertu de la loi: KAMEI Fumio. A l'époque, la TOHO où il travaille tente de rivaliser avec la concurrence pour produire des films de guerre. Au cours d'une réunion de travail, le directeur MORI Iwao raconte qu'en revenant d'Europe après la présentation houleuse du Magicien de la ville de Murata il débarqua à Shanghai. Fasciné par l'Occident mais en même temps souffrant de penser la civilisation japonaise comme lui étant inférieure, MORI est bouleversé à la vue du drapeau japonais sur un bâtiment. Cet ex-critique de cinéma ,non nationaliste se voit envahi par un élan patriotique. KAMEI s'oppose à lui et cette audace jette un froid dans l'assistance à une époque où les cinéastes de gauche ont renié leur passé pour survivre. MORI n'est pas borné et propose à KAMEI de faire un film sur la guerre sino-japonaise. KAMEI tourne alors une série de documentaires sur les champs de bataille tels Shanghaï (1938). Lorsqu'ils sont montrés à l'équipe du film, cette dernière est déconcertée par un film décousu, sans héroïsme où l'on ne voit que traces atroces de la guerre et visages fermés de la population. En 1938, KAMEI part sur le front chinois tourner le doumentaire Les Soldats au combat. En apparence, le film glorifie l'armée japonaise mais il montre des troupes fatiguées de parcourir à pied le continent et des Chinois revenant sur leurs terres quand les soldats japonais s'éloignent. Le Bureau du Censeur comprend ces intentions en voyant le film et informe MORI qu'il risque des ennuis en le présentant officiellement à la censure. Prétextant un inachèvement, MORI le retire alors qu'il y avait déjà une avant-première et de la publicité. Dans la foulée d'une série d'arrestations d'intellectuels susceptibles de tenir des propos pacifistes, KAMEI est arrêté par la police spéciale juste avant le début de la Guerre du Pacifique. L'inspecteur chargé d'enquêter sur le sujet décide que Soldats au combat est conforme dans sa vision à celle de l'Internationale Communsite. La licence de KAMEI est retirée, il passe un an derrière les barreaux et est libéré sous condition. Désormais, les censeurs du Ministère de l'Intérieur ne se contentent plus de couper les scènes estimées à l'encontre de la loi mais régentent l'industrie cinématographique.

Les Arts


Entre 1939 et 1941, MIZOGUCHI Kenji et son scénariste YODA Yoshikata produisent une Trilogie de l'art: Contes des chrysanthèmes tardifs (1939), La Femme d'Osaka (1940) et La Vie d'un acteur (1941), traitant d'histoires d'amour femmes/artistes. Les autorités n'apprécient pas ce genre de films exacerbant à leurs yeux la soif de pacifisme mais les acceptent parce que leur thème est le sacrifice. Néanmoins, il serait réducteur comme l'ont fait certains critiques marxistes d'après-guerre de n'y voir que de la célébration d'un comportement de type féodal. Il s'agit juste de montrer des personnages féminins et leur condition avec réalisme. En 1941-1942, MIZOGUCHI tourne Les 47 Ronins. En 1943, il part en Chine élaborer un film de propagande pour l'armée de terre. Ses projets ne voient pas le jour pour des raisons de coût. En 1945, il réalise L'Epée Bijomaru, un jidaigeki. A l'instar d'OZU, il aura traversé la guerre sans avoir réalisé de film de propagande. En décembre 1940, le Service d'Information est devenu le Bureau d'Information Publique. La Cinquième Section administre le cinéma. En août 1941, son directeur convoque les représentants de la profession pour déclarer que l'armée a besoin de pellicules cinématographiques vierges et qu'elle n'en distribuera plus aux civils. Il demande aux cinéastes de prendre des mesures en conséquence. Toutefois, il ne s'agit que de chantage car la pénurie n'est pas totale.

Il s'agit en fait de pousser les cinéastes à s'autolimiter de façon drastique en échange d'une distribution de matériel au compte-gouttes. Les négociations dans le milieu n'avancent guère. Le but des autorités est en fait de garder seulement deux compagnies produisant deux geki eigas par mois. Nikkatsu, Shochiku, TOHO, Shinko, Daito sont les grandes compagnies de l'époque. Tokyo Hassei, Nano, Tarazuka, Taiho et Koa sont plus petites. Et des trois plus grandes (Nikkatsu, TOHO, Shochiku) la Nikkatsu est celle qui est en difficulté financière. Il parait logique de tout fusionner autour de TOHO et Shochiku. Mais Nagata Masaiichi de la Shinko intervient alors pour réclamer avec succès la création d'un troisième groupe. Fusionnant autour de la Shinko qu'il dirige le secteur production de la Nikkatsu et de la Daito, il fonde en janvier 1942 la Société anonyme cinématographique du grand Japon, future DAIEI. A cette époque, beaucoup de professionnels perdent leur emploi. Certains tentent de se reconvertir dans l'industrie militaire. Certains jeunes cinéastes reçoivent un ordre de mobilisation. S'ils veulent continuer à travailler dans le cinéma, ils doivent prendre une part plus directe à la guerre. Ils peuvent alors demander un poste de correspondant de guerre. Ce que feront beaucoup de cinéastes de geki eiga qui mourront au front. Dans les territoires occupés, le cinéma est utilisé pour la propagande et les cinéastes participent comme auxiliaires de l'armée. Les plus actifs sont la Manei (Manshu Eiga Kyokai: Association cinématographique de Mandchourie) récupérant beaucoup de cinéastes évincés par la récession.

La Guerre du Pacifique et le cinéma


Le 7 décembre 1941, le Japon attaque simultanément Etats Unis, Angleterre, Hollande et se lance dans une guerre embrasant le Pacifique. Comme dit plus haut, tout est fait pour étouffer tout discours critique sur le sujet. Un certain nombre de films tentent même de montrer que les ennemis du Japon se méprennent sur ses intentions. Il s'agit de films montrant le Japon comme luttant contre l'impérialisme occidental du 19ème siècle. Sauf que par manque de connaissance sur les sujets (colonisation de l'Indonésie par la Hollande, des Philippines par les Etats Unis etc) ces films-là n'arrivent pas à montrer les mauvais cotés du colonialisme occidental. Seul quelques films tels La Guerre de l'opium (1943) de MAKINO Masahiro parviennent à critiquer le comportement des Anglais. Le cinéma de divertissement a disparu, remplacé par des films appelant à la solidarité et à la poursuite de l'effort tels Ports en fleurs (1943) de KINOSHITA Keisuke ou Le Plus beau (1944) de KUROSAWA Akira. Entre les cinéastes prenant l'initiative de tourner des films militaristes et ceux qui tels KAMEI feignent la propagande pour glisser un propos critique dans leur travail, il existe d'autres types de collaborations à la guerre. Citons YAMAMOTO Kajiro. En 1941, il réalise Le Cheval, film montrant la vie des paysans du Tohoku avec réalisme. Il est alors occupé par son travail sur les films d'ENOMOTO Kenichi et c'est son assistant KUROSAWA Akira qui tourne les scènes d'extérieur. A l'origine, la TOHO ne croyait pas au succès commercial du film. Yamamoto présente alors son script au Service administratif de la cavalerie de l'armée de terre, chargé d'acheter des chevaux. Le ministère demande alors à la TOHO de réaliser ce projet. Le film sera un succès en salles.

Plus tard, le Ministère de Marine commande à la TOHO un film célébrant le succès de Pearl Harbour avant le premier anniversaire de l'attaque. Le travail est confié à YAMAMOTO. La Guerre navale de Hawaï à la Malaisie (1942) montre l'entraînement des soldats aviateurs en faisant l'impasse sur sa violence et les batailles sont filmées dans des décors miniatures. Le film est un succès public. Deux ans après, YAMAMOTO tournera Les Faucons du général Kato (1944) et En avant les escadrons de torpilleurs! (1944). A cette époque, Ozu tourne Il était un père (1942) sur la relation père/fils. Le scénario date de 1937 et est fidèle à sa sensibilité. Mais l'Etat ne peut qu'accueillir d'un bon oeil un film traitant du sens des responsabilités et du respect de l'autorité paternelle. Toutefois, OZU n'est pas vraiment antimilitariste. Lorsque l'armée lui demande un film de guerre, il commence un projet de film se passant sur le front birman plutôt centré sur l'amitié entre soldats et où on voit peu la guerre. En juin 1943, il est envoyé à Singapour comme auxiliaire de l'armée de terre. Mais l'armée japonaise bat en retraite et le projet est avorté. OZU prépare alors un film sur la lutte pour l'indépendance de l'armée populaire indienne mais la défaite empêche le film de se faire. Après Ports en fleurs, Kinoshita tourne l'Armée faisant l'éloge de la mort pour la patrie. Mais en héritier de la Shochiku de Kamata et Ofuna il met aussi l'accent sur l'inquiétude d'une mère pour son fils. Le film passe la censure mais KINOSHITA est vu comme ne correspondant pas au cinéma militariste. C'est pour cela que le tournage de son film suivant sera annulé. GOSHO vient lui d'intégrer la DAIEI. Il travaille sur Ainsi souffle le vent des dieux, un jidaigeki patriotique, mais insiste sur la partie romance. Le Bureau d'information publique reproche au projet son manque d'héroïsme et GOSHO en est retiré. Tous les cinéastes n'arrivent pas à se plier aux exigences militaires au nom de leur sensibilité.

Le Jidaigeki pendant la guerre


Pendant la guerre, le gouvernement demande au peuple de bannir l'amusement de sa vie quotidienne. Si la population mène une vie de plaisirs, les soldats ne pourraient plus se battre et risquer leur vie. Quand les biens commencent à manquer, montrer le luxe devient déconseillé à l'écran pour éviter d'inciter au gaspillage. Les films burlesques deviennent durs à tourner. Dans les jidaigeki, les histoires de double suicide en souffrent aussi car il est mal vu de préférer mourir par amour à accomplir son devoir. Un peu comme celles de yakuzas, ces histoires sont vues comme manquant de sérieux. Reste que les soldats au front aiment jouer ce genre de pièces ancrées dans l'esprit des Japonais. En 1943, Kantaro d'Ina est une histoire de conflit giri/ninjo qui sera vue comme "sérieuse" car le yakuza s'allie aux partisans de l'Empereur. Trois jidaigekis ont alors du succès: La Flotte de secours (1939) de TSUJI ichiro, Histoire (1940) d'UCHIDA Tomu et Les Derniers jours d'Edo (1941) d'INAGAKI. Mizoguchi adapte à l'écran l'histoire des 47 Ronins pour en faire un drame historique. Son adaptation (1941-42) est mal accueillie mais lui permet de peaufiner son style. Le gouvernement encourage les films historiques "sérieux" avec l'idée que la réflexion sur l'histoire renforce le nationalisme. Mais le grand public préfère les chambaras rocambolesques. Le cas d'UCHIDA Tomu est révélateur. Après l'échec d'Histoire, il tourne Torii Suneemon (1942). Dans les années 30, il avait raillé le bushido mais il devient avec la guerre patriote et refuse toute ambiguïté, toute hésitation à ses samouraïs au nom de son amour du bushido. Le studio aurait voulu des moments romantiques pour garantir le succès du film. Et l'équipe du film se lasse des vues d'UCHIDA. UCHIDA espère alors la collaboration de l'armée du Kwantung de Mandchourie pour un projet de film de guerre. Son scénariste Shindo pense que c'est conflit et contradiction qui créent l'oeuvre dramatique et est gêné par la fin trop abrupte demandée par UCHIDA. Il achève son travail. Le projet échoue par refus de l'armée du Kwantung de prêter ses chars. UCHIDA va chercher une autre solution auprès de la Manei et part pour la Mandchourie.

Un film qui fit parler de lui fut Le Général clochard de SADAJI Matsuda. tourné en 1945, ce film n'est achevé qu'après la défaite. Prônant fidélité et honnêteté, le film est légèrement décalé par rapport à certains jidaigekis à message militariste. Le film sera confisqué par l'armée américaine y voyant une célébration du bushido. LE héros du jidaigeki de l'époque est Miyamoto Musashi. Plusieurs films avaient déjà été adaptés du roman la Pierre et le Sabre de YOSHIKAWA Eiji. Le livre donne lieu de 1940 et 1942 à une tétralogie d'Inagaki avec KATAOKA Chiezo. Le film est souvent vu comme inférieur à la future version UCHIDA. Mais son succès fait école. Bien plus considéré est Le Pousse-pousse, scénarisé par ITAMI Mansaku et montrant le dévouement par amour d'un tirer de rickshaw à une veuve de général. Le Festival de la mer (1941) est lui un jidaigeki évoquant des artistes ambulants. Inagaki réalise également le film de propagande Les feux de la guerre se lèvent à Shanghaï (1944) sur l'impérialisme anglais et l'invasion de la Chine. Dans le sillage de Miyamoto Musashi, Sugata Sanshiro est un roman à succès se déroulant pendant le Meiji (et pas un jidaimono donc) mais thématiquement voisin de Musashi. Dès la sortie du livre, KUROSAWA Akira demande à la TOHO d'acheter les droits du livre pour faire son premier film. Très remarqué, La Légende du grand judo créera le cinéma d'arts martiaux. A l'époque, le spectateur demande au jidaigeki du divertissement. MAKINO Masahiro va réaliser ainsi Concours des chants de tourtereaux (1939), comédie sur les ronins où acteurs et chanteurs professionnels chantent comme dans une opérette. En 1942, KIMURA Keigo remporte un succès dans le mélange opérette/jidaigeki avec Le Palais des blaireaux qui chantent. ITAMI Mansaku tourne lui une comédie sur le petit peuple d'Edo à la TOHO, Kenzo et Sukeroku (1937). A la Nikkatsu, MARUNE Santaro fait un cinéma léger avec un film comme Une Epée au printemps et en automne (1939). A la TOHO, ISHIDA Tamizo donne à ENOMOTO Kenichi un rôle plus calme avec Le Petit Sagohei (1944).

Films continentaux, film documentaires, actualités


Si la soif d'agressivité du public peut trouver son exutoire dans les scènes de batailles, qu'en est-il de l'érotisme? L'image d'une femme d'un pays conquis peut jouer ce rôle. Pas question de montrer aux Japonais le spectacle de soldats violant ou tuant des femmes qui résiste, ce qui se passe sur le front chinois. Il faut la fantasme de la jeune Chinoise amoureuse d'un gentil jeune homme japonais. Les mélodrames vont remplir ce rôle. Nuits de Chine (1940) est un gros succès emblématique de l'époque. Son pitch: un Japonais remettant dans le droit chemin une délinquante chinoise pour l'arracher à ses "mauvaises fréquentations". Lesquelles? Des hommes appartenant à une organisation antijaponaise clandestine de Shanghai. Ce qui reflète l'envie des Japonais de l'époque de faire la leçon à des Chinois soi disant incapables de comprendre leur désir de les libérer de la colonisation occidentale. RI Koran devient une star avec ce film. Elle est vendue comme une star chinoise par la Manei alors qu'elle est japonaise. Et en la voyant les spectateurs japonais croient que les Chinoises sont heureuses de l'attaque du Japon. Dans son sillage apparaît le genre du "mélodrame continental". A noter que d'autres films continentaux plus "sérieux" feront leur apparition aussi.

A l'origine, les films documentaires sont appelés jissha ("images vraies"). Au début du siècle, les candidats se bousculent pour aller filmer la révolte des Boxers et la guerre russo-japonaise. En 1923, la firme Yokohama Shinema Shokai crée une série de films éducatifs dont le rédacteur et scénariste est AOCHI Chuzo. Ce dernier est membre du Ministère de l'éducation et de la culture. Intendant du Musée de l'éducation de Tokyo, il est chargé d'une exposition sur le cinéma. Il établit alors des contacts avec le milieu du cinéma et importe des films éducatifs américains pour les adapter au Japon. Il se met à tourner d'abord des films éducatifs. Mais ensuite il va tourner des films sur les mers du Nord et du Sud de la Chine dans une perspective se situant en droite ligne de la politique d'expansion du Japon à l'étranger. Et il réalisera des documentaires qui feront prendre conscience au public de l'importance du genre. AUTAGAWA Kozo est un autre pionnier japonais du genre. Il a travaillé pour la compagnie des chemins de fer de Mandchourie mais l'a quittée ensuite pour travailler dans un journal en Mandchourie. Comme il a écrit un essai sur le cinéma, on lui demande de réaliser des publicités pour son ancienne compagnie. Il réalise des films idéalisant la Mandchourie et ignorant la réalité de l'occupation japonaise. Les pionniers du genre n'ont souvent eu aucune formation de cinéaste et venaient d'autres métiers. La guerre entraîne l'augmentation du nombre de documentaires parrainés par l'armée. Tournés pour la plupart par la TOHO-PCL il s'agit de films de propagande. Par la suite, le genre sera pris d'assault par d'ex-assistants réalisateurs de geki eiga ne voulant pas se contenter d'un destin de réalisateur de films "de série B". Les documentaires qui auront le plus fort impact à l'époque seront évidemment ceux sur la guerre. Ces derniers ne la montrent que sous un aspect favorable au Japon.

En 1900, au moment de la révolte des Boxers, la société Yoshizawa envoie sur place des cameramen pour tourner des films documentaires aujourd'hui disparus. Les films tournés ensuite lors de la guerre russo-japonaise ont par contre eux ou être conservés en partie. Même s'ils ne sont pas projetés une fois fini, on peut y voir le début des films d'actualité. Dès qu'un évènement suscitant la curiosité du public se produit, il est fréquent que des cameramen de studio se rendent sur les lieux. Leurs images sont ensuite projetées en salles. Quand une guerre se déclenche, la demande de films d'actualité augmente. La presse s'organise pour en faire. Après l'affaire de Mandchourie de 1931, l'écrit ne suffit plus aux lecteurs. En 1934 sont créées des sociétés de production de cinéma d'actualités: Asahi kokusai news, Tonichi daimai kokusai news et Yomiuri news, vendant toutes des informations sur l'étranger. Le 7 juillet 1937, alors qu'éclate l'incident du pont Marco Polo à l'origine de la guerre sino-japonaise, l'agence de presse Domei, première agence à recueillir directement des informations, inaugure la série Domei news projetée sur les écrans. Pour avoir des nouvelles du front, les gens se précipitent au cinéma. Mais le contenu est stéréotypé: exaltation de l'armée, batailles truquées, population occupée heureuse d'accueillir l'armée japonaise, pas de cadavres. Un autre contenu serait de toute façon censuré.

Suite à l'application de la loi sur le cinéma, les sociétés de films d'actualité se retrouvent regroupées et en 1940 la Nihon News Eiga, future Nihon Eiga est fondée. Chaque semaine sont tournées des scènes d'actualité projetées dans toutes salles du pays comme le veut la loi. Le schéma est identique, contrôlé par le pouvoir en place: images de la famille impériale, discours de politiques et de généraux, informations sur la guerre. Pour ces dernières, les cameramen n'hésitent pas à prendre des risques sur le front (cf les célèbres images de Pearl Harbour filmées par un aviateur). L'actualité est utilisée comme moyen d'exalter le militarisme, de soutenir une vision expansionniste du Japon et de se voiler la face sur l'horreur de la guerre. Les Japonais sont impressionnés par des images d'avions-suicides quittant leur base. Ils ne découvriront qu'après la guerre dans les films d'actualités américains l'atrocité des combats des soldats nippons. Les informations procurées par les sous-marins allemands sont intégrées aux Nihon News jusqu'à l'approche de la fin de la guerre du Pacifique. On montre surtout les victoires. Plus la guerre tourne au désavantage du Japon, plus le courage de la population est mis en avant alors que les films du front se raréfient. Le 13 octobre 1945, la Nihon News est dissoute par l'armée d'occupation mais reprend son activité une fois devenue société anonyme.

Les cinéastes face à la défaite


Le 15 août 1945 est le jour de la capitulation du Japon. Les bombardements américains ont détruit 513 salles de cinéma et il n'en reste que 845. Les studios ont peu d'activité car de nombreux professionnels sont partis au front. Au Nord de Tokyo, YAMAMOTO Kajiro est en tournage. Il arrête et brûle ses pellicules dès l'annonce de la défaite. Kurosawa achève les Hommes qui marchent sur la queue du tigre qui n'est pas présenté à la censure des forces d'occupation. ICHIKAWA Kon achève son premier film, un court métrage d'animation de marionnettes intitulé La Fille du temple Dojo (1946) pas non plus présenté à la censure. GOSHO réalise lui les Jeunes filles d'Izu (1945) qui détourne un sujet glorifiant le travail en usine en film décrivant les amours d'ouvriers mutés en province. Mobilisé avec une équipe de journalistes OZU est lui enfermé dans une prison de l'armée britannique à Singapour. Cantonné à Hiroshima avec son bataillon, TASAKA Tomotaka échappe à la mort mais l'enfer atomique et la maladie l'obligeront à suspendre ses activités 4 ans durant. D'autres sont morts à Hiroshima comme l'acteur MARUYAMA Sadao ou l'actrice SONOI Keiko remarquée dans le Pousse-pousse. Les studios fonctionnent au ralenti et les stars partent en tournées. KAMEI Fumio se réjouit de la défaite et tente de convaincre ses collègues que l'heure est venue. Mais comme la plupart des cinéastes ont fait des films de propagande ils préfèrent attendre. Seule exception: MAKINO Masahiro qui décide vite de construire un dancing qui accueillera l'armée américaine en septembre. Malgré le succès, il reviendra au cinéma.

Un cinéma contrôlé par les forces d'occupation


Fin août 1945, l'armée américaine débarque au Japon. Le QG s'installe en septembre. Une Direction de l'information et de l'éducation civile (CIE) est créée avec une section Cinéma et théâtre chargée de contrôler l'industrie du cinéma. Son directeur est David CONDE. Le 22 septembre, le QG des forces américaines convoque une quarantaine de professionnels du cinéma pour leur présenter ses directives. Sont recommandés de tourner des films visant ces trois objectifs: abolir le militarisme, assurer la liberté de croyance et d'opinion, établir les conditions pour que le Japon ne soit plus une menace pour la paix dans le monde. En novembre, CONDE publie un décret encadrant la production cinématographique. L'armée américaine remplace l'Intérieur comme censeur. CONDE propose meme des sujets à ses yeux susceptibles de faire avancer la démocratie aux producteurs. Lorsqu'il arrive aux studios TOHO il prononce un discours sur la démocratie au cinéma. Trop marqués par le passé impérialiste, les cinéastes ont du mal à assimiler les idées nouvelles. Pour satisfaire l'occupant, des cinéastes réalisent des films sur le mouvement pour les droits civiques et le liberté ayant existé durant l'ère Meiji. INAGAKI réalise Le Théâtre estudiantin (1947) sur un théâtre fondé pour propager le mouvement tandis que Mizoguchi raconte dans Flamme de mon amour (1949) la vie d'une étudiante de ce mouvement. Je ne regrette pas ma jeunesse (1946) de KUROSAWA est quant à lui emblématique des films sur les antimilitaristes opprimés au Japon.

Nombreux sont les cinéastes gênés par l'attitude d'un CONDE ne prenant pas en compte leurs exigences artistiques. CONDE insiste pour que Kinoshita montre la lâcheté des officiers dans Le Matin de la famille Osone (1946). INAGAKI voit ses projets refusés et hésite à arrêter le cinéma. Les cinéastes ont collaboré et n'arrivent pas à se détacher de ce passé, ce qui explique leurs problèmes avec Conde. En juillet 1947, ce dernier quitte son poste. C'est les débuts de la guerre froide, époque où l'armée occupante réoriente une politique risquant de tirer le Japon à gauche. Le CIE ne se mêle alors plus des affaires du cinéma. Au cinéma donneur de leçons de l'époque s'oppose L'Epoque des nouveaux idiots (1947), comédie avec ENOMOTO Kenichi sur le monde du marché noir. Après le tournage, tout le monde hésite à en détruire le décor du marché noir si fidèle à la réalité. KUROSAWA y tourne alors le film noir L'Ange Ivre (1948) qui reflète une atmosphère d'après-guerre bouillonnante.

Durant la guerre, le cinéma avait joué un rôle important dans la propagande. L'armée d'occupation chasse donc les dirigeants de leurs postes officiels. Les professionnels du cinéma décident alors d'établir leur liste de criminels de guerre. La tache est difficile car tous les professionnels ont été plus ou moins liés à la propagande. Par exemple, IWASAKI Akira était un homme de gauche. Arrêté pour ses opinions, il dut survivre en travaillant pour la succursale de la Manei à Tokyo. ITAMI Mansaku ne s'estime lui pas apte à juger les autres surtout que s'il n'a pas réalisé de film de propagande 'était non par conviction mais à cause de la maladie. Pendant la guerre, l'armée et le gouvernement ont trompé la nation. Selon SATO Tadao, un peu de regard critique aurait permis de démasquer le mensonge et les citoyens ont accepté d'être trompés. Les opposants étaient mal vus par leurs voisins et si les soldats japonais se rendaient rarement à l'ennemi c'est parce qu'ils pensaient qu'à la nouvelle de leur emprisonnement leur famille au Japon serait persécutée par ses voisins. La commission chargée d'établir le liste risque de voir certains de ses membres en faire partie. Elle choisit alors de désigner les bureaucrates du ministère de l'intérieur et les administrateurs des sociétés de cinéma. Dès octobre 1947, KIDO, MORI et NAGATA sont licenciés. Ils récupèreront leur poste peu après le début de la guerre de Corée en octobre 1950. Réalisateurs de films de propagande et critiques les ayant applaudis ne sont pas inquiétés et cette question de responsabilité est mise en veille. Les exigences de l'occupant ont enfin des conséquences sur le genre du film historique. Les scènes de combat au sabre sont interdites parce que symboles de la féodalité, les samouraïs seulement autorisés lorsqu'ils participent à des révoltes paysannes. Cinéastes et stars du genre doivent s'adapter à cette donne. HASEGAWA Kazuo en souffre le moins car il est plus doué pour les histoires d'amour. ICHIAWA Utaemon abandonne le sabre pour les films d'amour et des rôles de policier dans des films contemporains. BANDO Tsumasaburo combat sans sabre dans Le Simple ronin force le passage (1947) d'ITO Daisuke. Et ARASHI Kanjuro incarne un samourai rejetant son appartenance au parti xénophobe sous l'ère Edo dans Le Dernier xénophobe (1945) d'INAGAKI.

Syndicats, conflits à la TOHO et chasse aux communistes


Selon les Américains, c'est le manque de démocratie qui, sous l'influence des groupes militaires, financiers et des bureaucrates a contribué à la montée du militarisme. Pour eux, le syndicalisme peut aider à plus de démocratie et CONDE pousse le milieu du cinéma à se doter de syndicats. La Shochiku d'Ofuna crée d'elle-même un syndicat donc la première réunion a lieu trois mois après la défaite. Cela influencera aussi le cinéma. La Shochiku produisait dans les années 30 des shoshimin où le salarié craignait de se faire licencier et respectait de fait des patrons arrogants. Comme désormais le licenciement arbitraire n'est plus de mise, le ton devient plus optimiste. Contents de voir en leur ancien ennemi américain un libérateur, les Japonais acceptent ses exigences. A la Shochiku, MIZOGUCHI est nommé secrétaire général à cause de sa notoriété. Les syndicats deviennent vite très actifs. Celui de la TOHO s'est formé 4 mois après la capitulation du Japon. Lorsque YAMAMOTO Kajiro est proposé comme secrétaire général, des voies s'élèvent pour rappeler sa responsabilité pendant la guerre. Mais d'autres évoquent une responsabilité collective du milieu du cinéma et la nécessité de repartir à zéro. Avec ceux de la presse, les syndicats du cinéma sont les seuls conscients du problème de la collaboration. Finalement, aucune décision ne sera prise sur le sujet. Mais par la suite les conflits de la TOHO obligeront chacun à une implication personnelle. L'armée d'occupation a mis en effet en cause les dirigeants. Or ceci est à l'opposé des procès ayant désigné coupables des soldats ayant fait usage de brutalité par obéissance aux ordres: seuls les chefs sont sanctionnés.

Selon SATO, le cinéma est d'abord une oeuvre collective et un responsable est dés lors plus dur à désigner. Certains professionnels du cinéma se sentiront toutefois coupables de leur impunité. Certains cinéastes ne veulent pas verser dans le repentir et préfèrent réaliser des oeuvres pro-démocratiques. Pour d'autres, il s'agit avant tout de vouloir réaliser des films personnels. Les mouvements syndicaux de la TOHO sont inspirés de ce dernier état d'esprit. Si cet état d'esprit existe aussi à la Shochiku et à la DAIEI, c'est à la TOHO qu'ils sont plus actifs parce qu'avant guerre elle comptait en son sein de nombreux communistes et qu'elle était alors la plus moderne dans son système de recrutement et sa gestion. La misère au quotidien de l'époque pousse les syndicats à réclamer de meilleures conditions de travail. Si ceux de la DAEI et de la Shochiku se contentent de demander cela, celui de la TOHO demande aussi à contrôler la production et une participation effective aux projets. Lorsque les négociations sur le sujet avec le direction s'interrompent, des théâtres à Tokyo, Yokohama et Nagoya sont occupés par un syndicat invitant militants et sympathisants à s'y réunir et projeter des films. Le Syndicat ouvrier du cinéma et du théâtre du Japon se crée: il regroupe 560 salariés de la TOHO, 10 800 de la Shochiku, DAIEI et d'autres sociétés. Le syndicat produit alors un film de propagande cherchant à faire comprendre sa démarche, Ceux qui bâtissent l'avenir. Distribué par la TOHO, il est réalisé par YAMAMOTO Kajiro, SEKIGAWA Hideo et KuUROSAWA Akira.

A partir de ce conflit, les représentants syndicaux vont présenter leurs projets et les salariés se sentir mieux soutenus. Et les militants obtiennent des postes importants au détriment de professionnels au talent reconnu, ce qui crée un malaise. Et les discours simplistes ou radicaux créent de la frustration chez certains cinéastes. En octobre 1946 a lieu une grève générale à la DAIEI, la TOHO et la Shochiku. Le conflit ne continue qu'à la TOHO. En décembre, le conflit s'achève avec un accord recommandé par l'armée d'occupation. On crée des divisions professionnelles. Dans chacune, représentants de la direction et des syndicats discutent de la gestion avant la négociation finale. Une première pour le cinéma japonais. La fin du second conflit de la TOHO engendre une crise dans le mouvement syndical. Les communistes ont étendu leur influence dans le syndicat et en protestation un tiers de ses membres le quittent pour créer en mars 1947 la Shinotoho. La TOHO distribuera les films du premier studio TOHO et ceux de la Shintoho. Les rôles se partagent alors: la TOHO produit des films"de qualité" et la Shintoho doit rapporter de l'argent. Dix vedettes et des cinéastes habitués aux tournages rapides tels que WATANABE Kumio, SAITO Torajiro ou NAAGAWA Nobuo partent à la Shintoho. Les places laissées vacantes par le départ de stars pour la Shinotoho sont remplies par des acteurs recrutés par annonces publiques tels MIFUNE Toshiro.

En avril 1948, la TOHO annonce une vague de licenciements ayant pour but la chasse aux communistes. Le syndicat organise une grève. Il occupe le studio dans lesquels les militants s'enferment en barricadant les accès. Une nouvelle scission a lieu dans le syndicat. Le tribunal de Tokyo ordonne l'évacuation mais le syndicat persiste et signe. Le 19 août, la police est mobilisée. Le siège du studio par l'armée d'occupation est très médiatisé. Les syndiqués quittent le studio en se tenant par la main. Sentant la mise à mort d'une culture (la TOHO était spécialisée dans les films "artistiques"), cet évènement a une porté dépassant le cadre du cinéma. En octobre, le conflit s'achève lorsque les syndicats acceptent le retrait du projet contre la démission de 20 de leurs dirigeants. Les militants syndicaux décident de travailler de façon indépendante pour réaliser des films prônant l'idéologie de gauche. C'est la cas de YAMAMOTO Satsuo, KAMEI Fumio, IMAI Tadashi et SEKIGAWA Hideo. YAMAMOTO Kajiro, KUROSAWA et NARUSE ont participé à la lutte syndicale avant de prendre leurs distances. Ils travaillent à la Shochiku, la DAIEI et la Shintoho où ils retrouvent des amis. Le conflit de la TOHO aura permis aux cinéastes d'essayer de trouver leur voie plutot que de suivre les projets de la direction. Progressivement, la volonté de démocratisation voulue par les Américains va être récupérée par le cinéma qui, dans sa production indépendante comme ses majors, va se demander comment inculquer cet idéal démocratique aux jeunes.

Signalons pour finir le cas particulier de SHIMIZU Hiroshi. Ce dernier quitte la Shochiku d'Ofuna à cause de son caractère difficile. Riche, il accueille chez lui des enfants de clochards et confie à un ancien collègue le rôle de les éduquer. Il décide de faire un film avec ces enfants. Il fonde la Production de la Ruche et réalise en 1948 Les Enfants de la ruche. Le projet est financé par un riche propriétaire de forets. Le pitch? De retour de guerre, le jeune Shimamura se sent perdu. Orphelin, il voit à la gare de Shimonoseki des enfants clochards agglutinés autour d'un train entrant en gare pour gagner un peu d'argent mais il n'y a que d'anciens soldats de retour du front. Shimamura va alors les emmener à la recherche d'un établissement où il passa son enfance. SHIMIZU ne veut pas que ses acteurs amateurs cherchent à bien "jouer" et fait de l'improvisation une règle sur le plateau. SHIMIZU cherche à produire un effet à l'opposé du jeu de professionnels trop artificiel selon lui. Le film sera un succès et SHIMIZU en réalisera d'autres dans cet esprit. A l'opposé de ces cinéastes que guerre et après-guerre ont changé, il a gardé ses thèmes, ses idées et ses méthodes de travail.

Source: Le Cinéma Japonais par Sato Tadao

date
  • janvier 2006
crédits
Histoire