13ème Festival du Film International de Pusan

Du 2 au 10 octobre 2008

PIFF 2008 est à l’image du cinéma coréen d’aujourd’hui : en déclin. Un doux parfum de crise s’élève sur la plage de sable fin de Haeundae, malgré un public venant toujours plus nombreux pour combler les salles le weekend, puis désertant au fur et à mesure que le festival touche à sa fin. Car encore une fois, la raison d’un format jeudi à vendredi reste floue. Alors que le festival attire les foules le weekend, il meurt peu à peu à mesure qu’arrive l’échéance et le dernier jour du festival n’attire que les gens ayant été invités à rester (et encore). D’autant plus que le vendredi, jour de la cérémonie de clôture, ne présente aucun film.

Autre inconvénient récurrent à Pusan : le constant besoin de s’étendre géographiquement. Le festival avait débuté en 1996 dans le coin sud-ouest de la ville (Nampodong), avec deux cinémas, certes pas très grands, mais suffisant pour les premières années. Avec le succès du festival, l’expansion était nécessaire et le quartier de Haeundae a été logiquement choisi pour accueillir le festival ; c’est en effet parfait : il y a la station balnéaire, les hôtels les plus luxueux de la ville, et deux nouveaux cinéma tout beaux tout frais. Le centre du festival a même été déménagé là à partir de 2005. Puis cette année, la nouvelle lubie des organisateurs a été d’ouvrir un nouveau site, dans le tout nouveau cinéma ouvert justement à l’occasion du festival, et qui, évidemment, ne se trouve ni près de Nampodong, ni près de Haeundae. À titre de comparaison, c’est un peu comme si un festival à Paris était éparpillé entre Versailles, Marne-la-Vallée et Val-de-Fontenay. Imaginez le casse-tête lorsque vous voulez voir deux films à deux endroits différents (le bon coté est que les transports coûtent moins cher à Pusan). Lotte, l’exploitant du complexe commercial et du cinéma, est un gigantesque conglomérat en Corée, et donc une manne financière pour le festival de Pusan ; impossible de refuser de s’installer là, même si cela va totalement à l’encontre de l’intérêt des spectateur. Il s’agit plus d’une manœuvre pour promouvoir un nouveau quartier florissant (il y a trois ans, c’était le désert complet) qu’un moyen de faciliter l’accès aux films.

Néanmoins, le festival a vu son lot de films asiatiques, et en particulier coréens, puisque c’est là que s’est porté mon intérêt tout le long de cette semaine. Et à l’instar du cinéma coréen actuel, on peut dire que le résultat est particulièrement décevant. À part deux ou trois films qui ont su captiver l’attention, on se retrouve bien à court d’élément vraiment intéressant. Contrairement à l’année dernière, le cinéma indépendant peine à relever le niveau, perd dans l’audace et se recentre sur des sujets vus et revus mille fois.

Niveau blockbuster, comme il fallait s’y attendre, tous les yeux étaient tournés sur The Good, the Bad, and the Weird, présenté dans sa version internationale écourtée de 10 min, avant d’être lancé dans le monde entier. La section Gala Presentation, censée montrer des films d’artistes renommés en Asie (et accessoirement dans le monde), présentait tout de même le premier film d’un presque inconnu, SON Su-Beom, qui n’avait jusque là fait que des courts-métrages (dont l’un d’eux présenté à Cannes en 2002) ; d’aucun diront que la présence de l’actrice SONG Hye-Kyo y est beaucoup dans la sélection de ce film dans le Gala Presentation, et heureusement qu’il y était, car avec le retrait de dernière minute du dernier film de TSUI Hark, Not All Women Are Bad (ni plus ni moins la tête d’affiche du festival), il fallait bien quelque chose pour compenser le fait que l’un des 3 autres films sélectionnés n’est finalement qu’une remasterisation d’un vieux film, à savoir Ashes of Time , de WONG Kar-Wai. Pour Make Yourself at Home, donc, les avis sont plutôt mitigés, mais on notera tout de même une excellente prestation de SONG Hye-Kyo, qui se débarrasse de son image de petite actrice de drama mignon pour jouer un vrai rôle complexe.

Dans la section Korean Panorama, le PIFF a pour habitude de ressortir les gros films de l’année. C’est ainsi que l’on pouvait (re)découvrir des films d’actions comme The Chaser ou Public Enemy Returns, mais aussi des daubes historico-dramatique telles Forever the Moment ou Sunny. Mais dans un lot de plus ou moins bons films, on tombe parfois sur une perle, et cette année, la perle est indéniablement le dernier film de JEONG Yun-Cheol, A Man Once a Superman. Sur le sujet universel qu’est l’individualisme, et avec des interprètes grandioses, le réalisateurs arrivent à toucher profondément le spectateurs.

Du coté des inédits, la surprise vient de Sisters on the Road, de BU Ji-Young, et plus particulièrement de SHIN Mina,qui y incarne un vrai rôle de femme, autre que ses personnages immatures qu’elle avait interprétés jusque là. JEON Su-Il revient également avec son nouveau film, toujours aussi décalé par rapport à l’industrie cinématographique coréenne, et KIM Jeong-Jung apporte sa pierre à l’édifice avec son film intimiste Oishi Man. Enfin, PARK Jin-Sung, un nouveau réalisateur, connu en Corée pour avoir été scénariste sur Epitaph, aura su épater le public avec une oeuvre fantastique VIY décomposée comme une pièce en trois actes. Autrement, les avis sur Breathless, de YANG Ik-Jun, auront été plutôt partagés, oscillant entre bonne réalisation et sujet vraiment trop violents inutilement. Par contre, Exhausted, de KIM Gok, est franchement malsain et extrêmement mauvais. On se demande si le festival était en galère pour être obligé de sélectionner une telle horreur.

Un petit mot sur la compétition. Land of Scarecrows, de ROH Kyung-Tae, a remporté le prix nouveaux courants, et là encore, on se demande à quoi pensaient les organisateurs en faisant leur choix. Dans le registre de la réalisation péteuse et prétentieuse, Noh Kyung-Tae est probablement champion, mais son film intellectualisé à l’extrême ne vaut vraiment pas le succès qu’il semble lui connaître. Encore un film calibré pour les festival qui ne verra probablement jamais le jour en dehors de ceux-ci.

Finalement, si les dernières années auront montré un cinéma coréen en déclin, une souche de nouveaux réalisateurs arrivaient à proposer des oeuvres originales voire audacieuses, comme c’était le cas de Magician(s), The Ghost Theater, et plus récemment Milky Way Liberation Front. Malheureusement, ces films n’auront jamais eu le succès qu’ils méritent et l’on se retrouve à présent avec une sélection 2008 qui manque cruellement de panache. SONG Il-Gon n’a plus tourné depuis 2005, JEON Su-Il reste toujours (et volontairement) en marge du système, et les nouveaux réalisateurs n’ont apparemment pas la verve de leurs prédécesseurs. On aura noté néanmoins quelques réalisateurs qui font preuve de beaucoup d’imagination, à l’instar de PARK Jin-Sung et son étrange VIY, mais ce n’est pas suffisant pour en dégager une tendance. En espérant que l’année 2009 montrera un programme un peu plus alléchant.
date
  • janvier 1970
crédits
Festivals