SIFF 2008

Du 11 au 19 décembre 2008 s'est tenu le Festival de cinéma indépendant de Seoul. Cette manifestation, qui en est cette année à sa 34ème édition, garde toujours une allure de petit festival, étant donné sa caractéristique principale, qui est de montrer des oeuvres ne profitant pas des réseaux commerciaux utilisés par les grands studios. Mais malgré son allure très intime, le SIFF n'en est pas moins un festival rassemblant en 2008 pas moins de 20 longs-métrages (dont 11 en compétition) et une quarantaine de courts, tous produits en 2008. La Corée est mine d'or en matière de courts-métrages, et on le voit encore bien ici. Il n'est ainsi pas difficile de dicerner de grands talents dans ces oeuvres certes courtes mais passionnantes.


La compétition


Après une séance d'ouverture animée(1), le festival s'est ouvert sur pas moins de 40 courts-métrages et 11 longs. Le slogan de cette année "storm of imagination", est très révélateur de cette marée de films et de nouveaux réalisateurs pleins d'idées et de talents. Niveau courts, on remarquera particulièrement quelques films pour leurs qualités de mise en scène et/ou d'écriture, comme par exemple STOP (Park Jae-ok), film d'animation à mourir de rire, Hybrid (Kim Sai-no) et Blooming in Spring (Jung Ji-yeon), déjà présents à Pusan, The Hole (Hwang Hana), drame poignant avec la jeune révélation KIM Kkot-Bi, Suicide of the Quadruplets (Kang Jina), comédie satirique, ou encore Fish (Byun Byung-jun), drame cinglant, et For A Long Way You Have Gone Through! (Ban So-hyun), sorte de road movie blues et biographique.

Coté long, les plus téméraires se seront aventurés à voir Exhausted, de KIM Gok, le plus mauvais film qui m'ai été donné de voir (et qui a reçu le grand prix, allez comprendre), ou Land of Scarecrows, juste pour essayer de comprendre l'esprit tordu de ROH Gyeong-Tae. Du coté des réalisateur tordus, il y avait aussi le film expérimental de KIM Kyung-Mook, A Cheonggyecheon Dog, ou le nouveau AHN Seul-Ki, How to Live on Earth, qui a profité d'avoir un peu plus de budget pour faire n'importe quoi. Les réalisateurs coréens ne manquent donc pas d'imagination, mais au précédent, j'y préfère The Pit and the Pendulum, intrigue à tiroir qui, sans être farouchement entraînante, est au moins original.

Les amateurs de documentaires n'étaient pas en reste non plus, puisque 3 films étaient en compétition. Tout d'abord One World One Dream, de KIM Ji-Mook, parle des Tibétains exilés en Inde. Puis KIM Il-rhan s'attache à dépeindre le portraits de femmes transsexuelles dans 3xFTM, et enfin, dans Old Partner, LEE Chung-Ryoul dépeind la rélation qu'un vieux fermier de 80 ans entretient avec son boeuf de 40 ans et aura su conquérir le coeur des spectateurs, puisqu'il aura reçu, en clotûre de festival, le prix du public.

Palmarès :
Grand prix : Exhausted, de KIM Gok (2008, 128 min)
Meilleur film : The Things She Can't Avoid in the City, de Park Ji-yeon (2008, 12 min)
Prix du jury : 3xFTM, de KIM Il-rhan, (2008, 115 min)
Prix du jury : 125 Jeon Seung-chul, de Park Jung-bum (2008, 20min)
Prix Kodak : Land of Scarecrows, de ROH Gyeong-Tae (2008, 90 min)

Prix spéciaux :
Prix du comité exécutif :
- AHN Seul-Gi, pour How to Live on Earth
- Blooming in Spring, de Jung Ji-yeon (2008, 20 min)
Prix du jury : Old Partner, de LEE Chung-Ryoul (2008, 78 min)


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Chang Ki-Ha & The Faces - cérémonie d'ouverture L'arbre à photo


Hors compétition


Ce festival de cinéma indépendant était composé de plusieurs sections. La première, 'Korean Special Screening', comprenait plusieurs films déjà vus à Pusan, comme Breathless, dont j'ai pu rencontrer le réalisateur YANG Ik-June (2), ainsi que Let the Blue River Run, le film d'ouverture(1), ou encore le documentaire Into the Breeze et le film omnibus If You Were Me 4. Autrement, c'était l'occasion d'assister à Batumba in Wonderland, une comédie satirique mettant en scène un extra-terrestre cherchant de l'or sur Terre, et qui, contrairement à How to Live on Earth, arrive à capter l'attention du spectateur sans l'endormir. Étaient également présentés le film omnibus The First Breath of My Life dans lequel plusieurs jeunes réalisateurs racontent un épisode marquant de leur jeunesse, ainsi que les documentaires American Alley, sur les prostituées étrangères à Dongducheon, près de la base militaire américaine, et A Better Tomorrow on the Street, dont je reparlerai un peu plus tard.

La section ''Films on Candlelight Rally montraient quelques documentaires décrivant les veillées aux chandelles, ces manifestations pacifiques qui ont eu lieu récemment et lors desquelles les Coréens défilaient par milliers la nuit, une bougie à la main, pour protester contre diverses actions gouvernementales. Une petite série de courts métrages intitulée Love+Film+Independance et deux documentaires étaient invités, également sur des thèmes militants. The Deported racontaient les mésaventures de travailleurs népalis et bengladeshis, militants pour le droits des étrangers en Corée, qui se sont fait expulser par le gouvernement, alors que LEE KYUNG HAE se portaient sur le destin tragique d'un agriculteur coréen s'étant donné la mort lors d'une manifestation en marge d'un sommet de l'OMC à Cancun.

Enfin, une section réservée principalement aux films étrangers, donc je parle en fin de dossier, et intitulée 'Independance of Senses', s'attache à explorer la thématique du sexe au cinéma.


Un festival plein de surprises


Là où le festival s'illustre particulièrement, c'est dans la participation des réalisateurs. On l'avait vu lors de la cérémonie d'ouverture, alors que les présentateurs nommaient les personnalités présentes a festival, une foule de réalisateurs étaient là pour accompagner leur film. Et ils n'ont pas fait faux bon. Le programme indiquait sur quasiment toutes les séances de films coréens une présentation par le réalisateur, et les projections étaient en effet suivies d'un échange avec le public. On voit bien là que les personnalités du cinéma indépendant coréen accorde beaucoup d'importance à ce festival et cela confère à l'événement ainsi qu'au cinéma indépendant coréen le statut de grande famille dans laquelle on se sert les coudes. Au niveau de la convivialité, il n'est pas en reste, et si le festival de Pusan se voit être étalé sur des kilomètres, le SIFF est quand à lui restraint à un seul lieu, le Joongang cinéma, qui est un complexe de 6 salles, dont 2 sont réservés au distributeur sponge et une à l'Indiespace(3). À la sortie d'une séances au Sponge House, il n'est donc pas rare de croiser un réalisateur ou un producteur, et d'engager la conversation, ceux-ci étant bien souvent ouvert à la discussion. Cela change bien des gros festivals tels Pusan où il est impossible (et interdit !) d'organiser des rencontres avec les réalisateurs sans passer par le service de presse. L'ambiance se rapproche ainsi de celle du festival de Vesoul, qui garantie également ce conctact avec les invités, et qui fait le charme de ces festivals dirigés par la passion du cinéma. Et il n'était pas rare de recevoir des surprises de la part du festival, par  voie des bénévoles, comme les donuts et thé offerts après la première séance du matin.

Au niveau des surprises, la plus marquante est très certainement celle du groupe A Better tomorrow. Ce groupe de rock chantant dans la rue était le sujet d'un documentaire pendant lequel les deux membres racontaient leurs déboires, tout en faisant participer d'autres groupes amis. Mais à peine la séance terminée que le son de la guitare et d'un autre instrument dont je ne saurais donner un nom se sont fait entendre de l'arrière de la salle, et voilà que les deux musiciens dévalent l'allée comme des troubadours sous les applaudissements enthousiasmés d'une foule de jeunes spectateurs. Ils auront joué ainsi pendant plus de 20 minutes, tout en se payant le luxe de reprendre des chansons du groupe ayant mis le feu lors de la cérémonie d'ouverture (voir dépèche).

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Les 5 réalisateurs de If You Were Me 4 Le groupe A Better Tomorrow après la projection


De l'expression du sexe au cinéma


Cette année, le SIFF s'est penché sur la question du sexe au cinéma, à travers 8 films étrangers, 2 films coréens, et un séminaire intitulé "sex is cinema". La question du débat était de savoir pourquoi la plupart des films rejetait la démonstration du sexe, et s'il fallait le montrer, comment le montrer. Coté films étrangers, chacun était choisi par une personnalité du cinéma coréen ; ainsi LEE Kyoung-Mi (jeune réalisatrice du récent Crush and Blush et assistante de PARK Chan-Wook) avait choisi Shortbus, un film américain sur la sexualité, montrant des scènes de partouses sans pudeur, et la réalisatrice Lee Yourim avait proposé Nine Songs, de Michael Winterbottom, qui suit un couple depuis la rencontre à la rupture au travers de ses relations sexuelles et leur passion pour le rock. Mais c'était également l'occasion de voir Serbis, de Brillante MENDOZA, montrant en une journée les déboires d'une famille en galère d'argent qui ferment les yeux sur la prostitution qui sévit au sein de leur cinéma. Assez étrangement (ahem), cette section comptait pas moins de trois films français : Ma mère, de Christophe Honoré ; La Vie nouvelle, de Philippe Gandrieux ; et les Anges exterminateurs, de Jean-Claude Brisseau. Le point intéressant est la fréquentation des salles, puisque le public du festival semblant dans l'ensemble assez curieux de voir des films qu'ils n'ont pas l'habitude de voir dans les salles, et la conférence était également bien remplie. Mis à part Shortbus, aucun de ces films n'était sorti au cinéma en Corée. Mais c'était également l'occasion de voir deux films coréens plus très frais qui auront certainement beaucoup de mal à trouver un circuit de distribution.

Tout d'abord, The Reversed Evolution Theory (2004), par KIM Jung-Gu, est un huit-clos autour de deux personnes, un homme et une femme, enfermés plusieurs étages sous terre, avec toute la nourriture qu'il faut pour tenir autant de temps qu'ils veulent. Comme le dis le titre, il s'agit de voir la régression en matière de comportement sociaux au sein d'un couple livré à lui-même dans un espace clos. Et évidemment, cela implique des scènes de sexe, bien qu'elles restent très courtes et peu lisibles ; le film gagne sa place dans la section probablement par son propos et d'autres scènes très féroces et choquantes. Le second film est Faceless Things (2006), de KIM Kyung-Muk (dont le film A Cheonggyecheon Dog était en compétition dans ce même festival) ; celui-ci est autrement plus extrêmiste que tout ce que j'ai pus voir jusqu'à présent, alliant scène pédophile et scato, sans oublier d'apporter un message concret au passage.

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Conférence 'Sex is Cinema' Kim Kyung-Mook, après la projection


En conclusion


Même si la sélection n'est pas toujours sans fautes, le festival de cinéma indépendant de Seoul est fidèle à son slogan et montre donc un déluge d'imagination, notamment dans la section court-métrage. Avec un taux de présence imbattable et une programmation bien diversifiée, ce festival est sans conteste un rendez-vous incontournable du cinéma coréen.

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(1) Voir dépêche du 11 décembre 2008
(2) Interview prochainement sur cinemasie
(3) Ouvert en novembre 2007
date
  • décembre 2008
crédits
Festivals