Vesoul 2010

Un festival sous fond politique



Cette année, le festival a débuté d'emblée sous le signe de la lutte iranienne pour la liberté avec, dès la cérémonie d'ouverture, la remise d'un cyclo d'or d'honneur à deux personnalité : tout d'abord l'actrice Fatemeh MOTAMED-ARYA, déjà présente l'année précédente en tant que présidente du jury international, et le réalisateur mondialement connu Jafar PANAHI, pour « leur engagement courageux et talentueux au service de la liberté ». Si l'actrice était bien présente, le réalisateur aura quant à lui souffert d'un refus des autorités iranienne de lui remettre un passeport, l'empêchant donc de venir à la cérémonie, ce qui renforce un peu plus la force de ce prix condamnant les atteintes à la liberté(1).

Au final, ce ne sont pas moins de cinq personnalité iraniennes qui auront été présentes sur le festival et impossible de ne pas le remarquer. En effet, s'il y avait une soirée taïwanaise et une soirée turque officielles, toutes les autres soirées se rassemblaient sous le signe de l'Iran, avec une délégation d'agréable compagnie, enflammant les soirées par des chants traditionnels sous la direction de  Fatemeh MOTAMED-ARYA et Shahla NAHID, interprète et journaliste chez Rfi. Etaient également là le jeune réalisateur Babak JALALI, qui venait présenter son premier long métrage Frontier Blues en compétition officielle, la jeune franco-iranienne Sara RASTEGAR, présentant également son film, 7 femmes, un documentaires composé de portraits de femmes iraniennes, et enfin Marjan RIAHI, productrice et fondatrice du site iranien Short Film News, pour la promotion des courts métrages et documentaires en Asie, qui venait au festival dans le cadre du jury NETPAC, qui fête cette année ses 20 ans(2). Une belle brochette intergénérations qui, après l'invitation de toute la famille MAKHMALBAF l'année dernière, fait du Festival International des Cinémas d'Asie de Vesoul un événement qui n'hésite pas à se placer politiquement et assume ses convictions jusque dans sa programmation.


La compétition – cherchez l'intrus



La compétition officielle cette année était d'un niveau vraiment bon. A lire les synopsis et présentations des films, certaines des oeuvres présentées ne suscitaient pas vraiment la curiosité voire un fort inintéressement. Et pourtant, la majorité arrivait à traiter de sujets forts de manière très personnelle et en provoquant une vraie implication émotionnelle de la part du spectateur. Cette compétition a commencé très fort avec la présentation de Frontier Blues, film iranien de Babak JALALI, représentant une région très pauvre, frontalière du Turkmenistan, à travers des portraits décomposés des habitants dans leur train de vie et leur misère sentimentale. La plus grosse déception de ce film aura été de repartir bredouille, sans même un coup de coeur (à part le mien). Deux films dont on ne regrettera pas qu"ils soient partis sans rien sont Night and Fog, d'Ann HUI, et Des Vies sans valeur, de Selda CICEK. Le premier est une histoire sans saveur et plutôt mal racontée au sujet d'un problème de violence conjugale, sans parler de certains effets de mise en scène particulièrement désastreux et un jeu assez mauvais. Dans le second, le spectateur est embarqué dans un scénario inutilement compliqué à travers une quantité invraisemblable de relations familiales bizarres, faisant perdre au film sa capacité à faire passer un message convenablement.

Autrement, on peut trouver étrange la sélection en compétition de l'oeuvre de HU Guan, COW. Loin d'être un mauvais film, Cow est en fait tellement bien fait qu'il se retrouve être un ovni dans une sélection composée de films à plutôt petit budget voire complètement fauchés. Ainsi, Cow, avec des moyens clairement confortables, démontre des capacités de mise en scène et de montage dignes d'un grand film, et repart finalement avec le Cyclo d'Or, qui aurait été tellement mieux dans les bras d'un réalisateur un peu en difficulté au niveau de la distribution. A croire que le jury m'a entendu, puisqu'il a partagé ce Cyclo d'Or avec le film taïwanais en compétition, No Puedo Vivir Sin Ti (également primé par le Musée Emile Guimet), de Leon DAI. Un film dont le noir et blanc donne peu envie de prime abord, mais qui se révèle être une oeuvre merveilleuse sur la volonté d'un père de traverser tout un bordel administratif complètement incompréhensible dans sa situation pour réussir à garder sa fille auprès de lui. Parmi ces films à fort caractère émotionnel, il y a également Jamila and the president, film indonésien réalisé par Ratna SARUMPAET, une activiste dénonçant la situation de la femme dans son pays ; si le film a de gros défauts d'un point de vue narratif et au niveau du montage, il est néanmoins doté d'une image magnifique et joué par des interprètes talentueux. Son sujet politique et humain très touchant lui auront également permis de recevoir le prix du public sans le moindre doute.

Le jury NETPAC (Network of Promotion of Asian Cinema) aura jeté son dévolu sur le film coréen Animal Town, de JEON Kyu-hwan, second film d'une trilogie sur la ville ; avec une photo très crue et un montage violent, il suit deux personnages dont la vie est bousculée par des événements passés et inoubliables. Enfin l'INALCO a préféré primer le tout petit film philippin The Pawn Shop, réalisé par Milo SOGUECO qui, s'il n'est pas exempt de défauts, donne une image originale de la vie aux Philippines par rapport à la violence constante que les films philippins présentés en Europe ont tendance à montrer. Enfin The Damned Rain, de Satish MANWAR, qui aura reçu le coup de coeur de l'INALCO, raconte le destin malheureux des paysans du Maharashtra, l'une des régions du monde au taux de suicides le plus elevé.

Au final, une sélection très intéressante d'un point de vue culturel, très diversifiée, même si les sujets sont souvent très durs et tristes. Du coté des documentaires, on aura senti un léger vent de fraîcheur, notamment grâce au très remarqué Supermen of Malegaon, un film indien de Faiza Ahmad KHAN, où il suit un réalisateur de films locaux sans budget, une sorte de Michel GONDRY « suédant » les grand succès indiens avant de se mettre aux blockbusters hollywoodiens ; beaucoup d'humour et d'idées géniales, qui aura notamment donné envie aux étudiants du jury INALCO de faire leur propre version de Superman (certains, étudiants en Hindi, avaient déjà tourné une parodie de film Bollywoodien). D'autres documentaires ont été remarqués, notamment Le joueur de Cerf-Volant, de Jean-Paul MIGNOT, faisant le portrait d'un immigré Afghan en France, et patron d'un société de cerf-volants, mais aussi 7 femmes, de Sara RASTEGAR, qui cherche à décrire la vie des femmes dans différentes régions d'Iran. Armé de nombreux dialogues, ce documentaire féministe se veut être un portrait politique et social de la situation actuelle en Iran.



(1) Jafar Panahi a été arrêté par les autorités iraniennes début mars et est encore actuellement en prison

(2) Malgré un anniversaire programmé, et une table ronde de prévue, il n'y aura malheureusement eu aucune manifestation d'effectué pour cet événement, apparemment dû à des problèmes de timing avec la presse 'indispensable'.
date
  • avril 2010
crédits
Festivals