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Aftershock

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Anel 2.5
Xavier Chanoine 1 Des dégâts
classer par notes | date | rédacteur    longueurs: toutes longueurs moyen et long seulement long seulement


Des dégâts

C’est fait, Feng Xiaogang a fait son travail de mémoire envers son pays. Pour célébrer comme il se doit la création du mémorial des victimes du tremblement de terre de Tangshan, celui-là même qui fit plus de 240000 morts en 1976, le cinéaste s’est attelé à la tâche avec un sérieux presque inquiétant. S’il semble être un de ces blockbusters réglés au millimètre, artistiquement plutôt abouti, il est difficile de ne pas voir autre chose qu’une grosse tâche d’huile dans la carrière pas inintéressante du réalisateur de World Without Thieves et If You’re the One.

Aftershock, donc, ou comment centrer son récit sur trois personnages qui ont tous survécu au tremblement de terre. Une mère et ses deux enfants. A la différence que la mère pense que sa fille, Fang Deng est décédée sous les décombres après avoir pris la –délicate- décision de sauver son fils, les secoureurs l’ayant averti qu’il était juste impossible de sauver ses deux enfants à cause de la position des débris. Pendant que maman essaie tant bien que mal de refaire sa vie avec le seul enfant qui lui reste, pense-t-elle, sa fille a eu un peu plus de chance : secourue par un soldat de l’Armée de Libération, la jeune fille va alors connaître les joies d’une vie stable, malgré le mutisme dont elle fait preuve à cause du choc et des terribles paroles de sa mère. « Qui voulez-vous sauvez, madame ? », « mon fils ». Cet écho lugubre à souhait n’empêchera pourtant pas la jeune fille de grandir et de s’épanouir comme n’importe quelle adolescente issue d’un milieu un minimum confortable, d’où l’absence de complexité du personnage rappelant un peu trop qu’Aftershock ne va que dans un sens. Ce sens, c’est l’hésitation entre dégueulis patriotique -soit l’après-catastrophe, les premiers pas de Fang Deng dans sa nouvelle famille- et grand spectacle avec les morts, ou ceux qui ne vont pas tarder à l’être. Dans ce sens, la séquence du tremblement de terre lorgne du côté d’une cinématique de jeux vidéo spectaculaire où l’on n’oublie surtout pas d’écraser du villageois et de réduire en bouillie quelques familles. Personne ne niera le fait qu’un tremblement de terre reste en soit une catastrophe, mais s’en servir comme pur objet de spectacle le temps d’en mettre plein les mirettes pendant cinq minutes, clairement les plus éprouvantes du film –même d’un point de vue cinématographique, les frontières du bon goût sont allègrement franchies et tout le monde est content : le cinéaste d’abord, par sa prouesse, et le public venu chercher l’effroi et les larmes.

La suite, affligeante de conformisme, est le direct prolongement de ce que l’on voit, ressent, tous les jours dans une métropole chinoise : à grands coups d’opérations commerciales, de publicités et de fictions, tout le monde rêve de devenir comme l’être blanc fantasmé. Feng Xiaogang, en utilisant le parcours de la jeune fille, adopte un langage axé sur des positions évidentes, et se rabaisse par la même occasion à ces slogans qui viseraient à démontrer que la réussite d’une personne (ou d’une famille) passe automatiquement par de longues études (si possible en médecine ou en business), l’achat d’une BMW et le mariage avec un laowai (ici, un avocat d’une quarantaine d’années). Difficile de ne pas voir le parallèle évident entre la réussite des deux enfants (qui ont frôlé la mort, on le rappelle) et les vendeurs de rêve omniprésents dans une ville comme Pékin. Le cinéaste et son staff délaissent alors leur rôle d’artisans soucieux de délivrer un travail personnel pour s’abaisser à de simples pions qui mettent en image ce qu’on leur demande de faire, ou ce que le gouvernement chinois espère d’eux. L’autre lourdeur du film, c’est le rapport qu’entretiennent les enfants vis-à-vis de leur famille. On reste là-aussi dans un cas de figure classique avec des parents soucieux de la réussite de leurs enfants, mais attention de ne pas trop s’éloigner et de ne pas sortir avec n’importe qui. Une séquence censée être rassurante se transforme alors, sur le plan social, en conduite frisant l’écœurement : Fang Deng raconte à son père adoptif qu’elle veut se marier avec un canadien, lequel est surpris. Mais, petite précision, il est avocat et quadragénaire. Parfait, donc, on reste dans les normes avec un futur mari de bonne famille, plus âgé et bien plus diplômé que sa future épouse. Papa retrouve le sourire et le message excessivement moralisateur passe comme une lettre à la poste car noyé dans la dramaturgie de la séquence, la jeune fille se confiant à son père qui plus est le jour du Nouvel an. Tout le monde est heureux et la vie peut reprendre son cours.

Mais Feng Xiaogang va encore plus loin dans l’opportunisme dramatique en se servant en fin de métrage du tremblement de terre du Sichuan de 2008 à des fins purement dramatiques : Fang Deng, qui dans sa jeunesse avait étudié la médecine, s’arme de courage pour s’improviser secouriste. Elle repense logiquement aux siens, la pauvre, surtout lorsqu’une scène sensiblement identique à celle qu’elle vécut trente ans plus tôt se déroule juste sous ses yeux. Gros sabot dramatique pour une situation à peine probable, on finit par ne plus les compter, Aftershock en contient tellement. Le film aurait pu se targuer d’être une jolie fresque étalée sur une trentaine d’années, mais en ne prenant jamais le temps de développer un minimum ses personnages et les situations potentiellement intéressantes sur le plan Historique, il ne reste qu’un étalage grotesque d’émotions en tout genre dans un minimum de temps. Le cinéaste préfère démontrer plutôt que de raconter. Les années 70, c’est du filtre jaune et des uniformes kaki, les années 2000 ce sont des 4x4 BMW et des tours vides, sans âme. Il faudra attendre la dernière minute pour voir le plus beau plan du film, le plus simple et expressif : un travelling latéral sur un homme d’un certain âge, pédalant le long des gigantesques monolithes noirs où sont inscrits les noms des quelque 240 000 morts. Des blocks noirs placés dans un environnement étonnamment pur, des idéogrammes, un travelling, quelques secondes plus touchantes et plus impressionnantes encore que la tonne d’effets spéciaux et de larmes imprimés sur les kilomètres de pellicule. Nul doute que le film a trouvé son public en Chine, il n’a cependant absolument aucun intérêt pour le reste du monde.



25 novembre 2010
par Xavier Chanoine


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