Epique et rythmé
Ce
Daredevil in the Castle est un film piège. De ses moyens démesurés annoncés dès son générique avec ce long plan du Château d'Osaka filmé en hélicoptère, sa mise en scène particulièrement épique et ses explosions finales impressionnantes cachent un vrai film de cinéma de quartier sans grosses prétentions, et qui surtout donnent toute sa définition au film de genre populaire par excellence avec sa distribution prestigieuse et sa trame scénaristique déjà vue mais exploitée avec une belle science. Mifune incarne un personnage sans grande tenue, mal habillé, sans élégance, caractérisé par son attirail de vagabond lui conférant un style nonchalant, immédiatement repéré dès son arrivée à Osaka par ses provocations et son verbe tranchant : à l'inverse totale de John Wayne dans
Rio Bravo, la première apparition de Mifune n'est pas bien recherchée d'un point de vue strictement visuel, il n'ya pas la recherche de la grandeur du personnage symbolisé chez l'un comme un dieu avec cette vue en contre-plongée, symbolisé chez l'autre de manière plus anecdotique et à juste titre puisque Mifune n'a pas l'étoffe d'un samouraï contrairement à ce que l'on peut penser depuis ses performances chez Inagaki avec
Samurai 1 : Musashi Miyamoto et Kurosawa. Est-ce pour cela qu'il faille parler de rôle à contre emploi? Pas du tout, Mifune carburant toujours aussi bien qu'avant et même si il n'a pas la grandeur de ses personnages les plus populaires chez Kurosawa, il fait preuve d'une générosité telle que son jeu parfois outrancier n'en est qu'embelli.
Daredevil in the Castle est donc schématisé de la manière suivante : Mohei (Mifune) débarque à Osaka, s'éprend d'une poignée de samouraïs/paysans, se fait chasser par ces derniers et heureusement libéré de ses liens par un ninja énigmatique et une jeune femme emprunte de mystère. Mohei va rapidement se rendre compte que les propositions du clan Toyotomi vont s'avérer importantes pour lui puisqu'il pourra, si la victoire est sienne, devenir samouraï et être rémunéré. Dans son ensemble, ce beau film d'aventure à la dynamique effrénée ravira les amateurs de chambara autant que les aficionados d'un cinéma populaire faisant les beaux jours des "cinémas" de quartier : autant les combats sont parfois inspirés (dont un sympathique à la charrette) et plutôt bien mis en scène sans atteindre le géni plastique d'un Misumi ou Kobayashi, autant la grande statue de Bouddah incrustée sur écran par un effet spécial fait preuve d'un côté cheap que n'aurait pas renié un artisan médiocre comme Taniguchi Senkichi, tout comme certains combats avec en toile de fond (au sens propre) un faux background (maisons en feux, explosions...) pour rendre les séquences plus épiques et irréalisables en temps réel. Kurosawa fera mieux 25 ans plus tard, étant donné qu'il était économiquement impossible de réaliser ce qui passait par la tête des cinéastes à cette époque.
Etrangement, et film de Inagaki oblige, on retrouve les ingrédients de son cinéma passé. La relation qu'entretient Mifune avec Ai (interprétée par une Kagawa Kyoko pleine de vie) fait plus ou moins penser à celle qu'il avait avec Yachigusa Kaoru dans Samurai 1 : Musashi Miyamoto, c'est à peine si les "lieux de rencontre" sont les mêmes, symbolisés ici aussi par un pont. C'est peut-être aussi l'une des faiblesses de Daredevil in the Castle, l'absence de changement radical de style du cinéaste malgré les années qui défilent, et si l'on retrouve de belles séquences (la bataille de fin étonne par son montage et ses moyens colossaux), des personnages tous dotés d'une vraie personnalité (le septagénaire armé de son pistolet, la Dame interprétée par l'étrange Yamada Isuzu, la jeune Dame aveugle, les paysans motivés, le ninja contestataire...) et une trame sonore tout aussi épique composée par l'uns des compositeurs "oubliés" du cinéma japonais classique et post âge d'or, on ne peut qu'être légèrement déçu du résultat final. Sans être un chef d'oeuvre, Daredevil in the Castle reste une belle réussite à mettre à l'actif de la Toho.