Entrer dans l’univers du Studio 4°C c’est voir des choses que l’on n’a pas l’habitude de voir tous les jours, c’est certain. C’est d’ailleurs tout là que réside le talent des animateurs et de ceux qui bossent pour le studio et plus encore, les hommes de l’ombre, ceux sans qui le Studio 4°C ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui à savoir l’un des plus foisonnants studios d’animation contemporaine qui puisse exister. Proposant systématiquement du contenu riche et varié, où l’art de mêler violence cool, anticipation dans pas mal de domaines (de l’imaginaire à un monde qui paraît réaliste comme ici le dernier segment) et style flambeur maîtrisé pour ne pas tomber dans la pose facile, les magiciens proposent ici à travers 5 segments de durée inégale l’exploration de thèmes variés parmi lesquels on retrouve un professeur tentant d’expliquer en chanson les voyages d’OVNI, deux nanas fans de rock dans leur combat contre le mal ou encore un petit bonhomme et son étonnante rencontre avec un robot pot-de-colle dévoreur de ferraille. Si le premier est un bon exemple de ce que peut être un cours de Sciences sous exta agrémenté d’une bande-son des Soybean sisters délicieusement funky, le second se fiche éperdument du destin de chacun en allant chercher le contact auprès de Métal Hurlant avec son grain caractéristique et ses personnages érotico-tordus issus d’un univers punk nihiliste au possible. De loin l’un des plus marquants de par la sécheresse de sa violence où les filles découpent du monstre à l’aide d’un bras devenu épée le temps d’un passage vers un monde parallèle et le je-m’en-foutisme bordélique à souhait qui règne où l’on s’empoigne et l’on dézingue à tout va dans un pur souci de violence cool. D'ailleurs la technique de découpe rappelle étrangement le bras tranchant du T-1000 de Terminator 2. N’y cherchez pas non plus la moindre dose de suspense, l’immense citerne attachée à sa branche repartira le casque explosé, éclaboussant ainsi notre écran d’une délicieuse furie cosmique. Tout y est, design, atmosphère, légèreté et cool-attitude.
Différent et excellent dans sa poésie minimaliste, le troisième évoqué ici rappelle combien l’enfance à l’écran est un excellent moyen d’exprimer une naïveté et une volonté de devenir toujours plus grand : le gosse suit une tête métallique dévoreuse de ferraille (ou plutôt l’inverse) dans sa quête de nouveaux repas. S’il paraît bien inutile et pénible de dévorer tout ce qu’il trouve, la raison de ces repas gargantuesques trouvera une réponse à la toute fin, ou comment aligner les boîtes de conserve derrière soit (à la manière des œufs de Yoshi dans l’immense Yoshi’s Island sur Nintendo) pour s’en servir comme arme. Intelligent et rusé. Pas réellement le cas de Comedy, moment darkissime en forme de conte à l’ancienne (son générique final rappellerait presque les vieux Walt Disney) qui pète plus haut que ses fesses le temps d’un court stylisé certes, mais faussement vieux dans sa forme : les rayures et autres variations de lumière sont un peu lourds pour signifier l’ancienneté du souvenir de cette petite pas très intéressante. Reste que l’animation dépote et que la grâce apparaît le temps d’une explosion d’hémoglobine en forme de ballet artistique, démontrant s’il était encore utile que le Studio 4°C sait manier la pose comme pur moyen d’expression de sentiments. Autre segment décevant mais particulièrement cérébral malgré sa simplicité d’apparence (les souvenirs d’un ancien soldat durant l’ère robotique), Higan évoque l’esprit perturbé d’un soldat qui se rappelle avoir vu mourir ses potes méchas sur le front. Toujours aussi stylisé dans son animation, à l’image de l’ensemble des œuvres du studio, il manque cependant un peu de fantaisie dans ce pamphlet anti-guerre qu’on a pu voir plus inspiré chez Okiura Hiroyuki avec l’excellent Jin-Roh. Reste que dans son ensemble et malgré une coquille ou deux, Deep Imagination porte bien son nom et arrive à surprendre là où on ne l’attend pas forcément (d’ailleurs dès le plan d’entrée du premier segment sur les OVNI) à travers cinq courts démontrant une fois de plus le savoir-faire redoutable du studio et leur capacité à pousser l’animation dans ses derniers retranchements. Mais à ce rythme, existent-ils ces fameux retranchements ?
Ordre des épisodes chroniqués : Pr. Dan Petory's Blues, End of the World, Garakuta no Machi, Comedy, Higan