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Drug War

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les avis de Cinemasie

4 critiques: 3.38/5

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16 critiques: 3.42/5



Anel 2
Arno Ching-wan 3.75 Far away from home, in a Main Street in Mainland
Ordell Robbie 4 Retour en forme en partie terni par les concessions au Mainland.
Xavier Chanoine 3.75 Concessions bravées avec succès.
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Far away from home, in a Main Street in Mainland

En voilà une œuvre étrange qui fait autant de bien que de mal. Je l’apprécie parce que les codes du cinéma de genre que j’aime me permettent d’obtenir ma dose en la matière, et la trouve déceptive – mais réflexive et instructive – parce que la rétrocession est derrière, qu’un univers a bel et bien chassé l’autre et qu’il faut désormais s’adapter ou s’en aller voir ailleurs si cette came de substitution ne convient pas. Nouveau polar important de Johnnie To, nouveau scénario dantesque de Wai Ka-fai et Yau Nai-hoi, affrontement mémorable de deux acteurs inspirés, gunfights millimétrés et apprentissage de ce personnage désormais inévitable qu’est la Chine : voilà ce qui, à mes yeux fait de cette péloche une réussite à défaut de véritablement emballer mon cœur.

Une empathie distante d’avec les personnages tempère l’implication, me fait assez vite basculer dans le ludique. Ca n’est pas Heat, ressemble davantage à un état des lieux, une démonstration. De force, chinoise. Les personnages n’existent pas en dehors de leur fonction. Le flic incarné avec une certaine maestria bornée par Sun Hong-lei (Seven Swords) fonce dans le tas, mène sa guerre contre la drogue aussi finement que le titre du film annonce la couleur. Blanche, celle de cette cocaïne tâchée du rouge sang des malfrats. Le fonctionnaire est défini d’emblée. Dans la scène d’introduction, on le voit trahir un mafieux suite à une infiltration. Si la scène est un poncif du polar noir, le fait qu’on ne décèle aucune amitié de sa part, aucune nuance dans son comportement, aucune pitié envers son partenaire, ça n’en est certainement pas un. "Je ne t’ai pas trahi, j’ai fait mon travail" dit-il posément. On est loin du flic christique tourmenté qu’on a l’habitude de voir – et de lire – aux USA. J’observe dès lors cet homme de loi avec curiosité sans pour autant partager son aventure. Il n’a pas de vie privée, ou tout du moins la met en retrait par rapport à son pays. S’il doit mourir, je ne me sentirais pas vraiment concerné ; je sais que d’une certaine façon son personnage a décidé de ne pas exister, qu’il s’est défini comme un outil, un objet. S’il casse, il peut être remplacé. Cogiter sur l’existence amène à penser à la vie, la mort etc. L’athéisme est un choix de vie – donc de mort – qui conçoit l’arrêt d’une existence tourmentée sans regrets, avec dans le forfait l’acceptation du néant par delà la porte. Peut-on alors critiquer un être humain qui aurait déjà choisi – mais l’a-t-il bien choisi ? – de tourner le dos à une partie usante de son existence en se soulageant d’un poids, laissant ce lourd sac reposer paisiblement au pied du drapeau ? Sa religion fait corps avec sa patrie. Le gouffre culturel, philosophique, est plus large encore entre mon Occident et la Chine qu’entre mon chez moi et Hong Kong.

En face de notre soldat on trouve l’ennemi, le vilain, le parasite de la ruche incarné puissamment par Louis Koo. L’empathie qu’on souhaite éprouver pour lui, on nous la refuse. Soit pour simplifier les enjeux, soit, aussi, pour l’appuyer en nous expliquant que notre quête de miséricorde, lui ne l’éprouve aucunement, ne la partage jamais. On attendra jusqu’au bout un développement des à-côtés de son personnage, de cette piste ouverte en début de film, jamais refermée à son endroit. De tels individus existent. « Rien à foutre de rien, tout pour ma gueule ! Je surfe sur les vagues d’émotions éprouvées par les faibles dans mon seul intérêt ! » semble-t-il nous cracher au visage, crocs en avant. Face à un tel nuisible, à la peine de mort d’être évoquée. Pourtant, j’arrive un peu à concevoir cette pensée ainsi décrite, amenée. Un parasite, dans l’intérêt qui mène le peuple sur un rail mono-destination rassurant, même s’il s’agit d’un abattoir, on s’en débarrasse. Est-ce vraiment ce qui ressort de ce film ? Pas complètement. Si la démonstration peut faire froid dans le dos, à Johnnie To de soulever le tout sans juger catégoriquement les parties. On décèle toutefois un petit quelque chose, car quand le réalisateur d’Election 2 nous présente son équipe, sa famille, tous sans exception du côté des vilains, on se met à éprouver une bouffée de sympathie pour ces survivants qui vivent cachés hors des clous. Dans ce film, les gendarmes sont joués par des mainlanders, les voleurs par des hongkongais. Ces derniers tentent d’exister dans leur réalité à eux. Ce ne sont certainement pas des anges, pourtant ces personnages sont colorés, ils vivent, essayent de respirer face au rouleau compresseur qu’incarne la mère patrie. Et ils sont sept, un chiffre porte-bonheur chez nous mais pas en Chine où « les chiffres impairs sont généralement moins favorables que les pairs, car les Chinois estiment que les bonnes choses doivent toujours être répétées » (lu sur le beau blog http://www.vivreenasie.com). L’on trouve également sept démons dans le polar urbain Mad Detective de ce même Johnnie To. Mmm…

D’autres détails freinent l’envie que j’ai d’aimer vraiment ce film. A mes yeux, le challenge de partir filmer les grands espaces Mainland n’est pas toujours concluant. Le plan large du grand rien de Tianjin – renommée Jin-Hai pour le film – m’ennuie. C’est moche. Quant à la scène de l’overdose du policier, elle est un brin excessive, même si l’on reste loin du balourd Protégé de Derek Yee avec ce même Louis Koo dans le casting. La présence de la Chine fait que contrairement à un – excellent – Expect the Unexpected auquel on pense beaucoup lors du gunfight final, on sait l’ultime conclusion très "expected". Il manque aussi à mon sens un Rock’n Roll Cop, ce polar de Kirk Wong assez similaire pour ses plans tournés hors HK, à Shenzen, et pour son scénario assez semblable. Un flic rock'n roll nuancerait ce tank chinois au métal trop froid, tout comme il manque un gangster romantique à la A Hero Never Dies en face. Tout comme il manque un cœur, le mien, aux côtés des représentants de la loi. S’approcherait-on, comme certains l’ont déjà souligné, d’un certain rendu à la The Wire ? Cette série américaine se voulait proche du documentaire. The Wire in China ? Il aurait fallu pour cela, en plus de rendre au moins l’un des deux protagonistes un minimum sympathique, creuser à la fois le monde des policiers et celui du crime. Pourquoi et comment devient-on flic là-bas ? Comment en arrive-t-on à se charger le fondement de cocaïne – passage cul-te en diable ! – pour passer de la drogue ?

Reste que cette histoire passionne, que ce jeu de chat et de souris est jubilatoire à suivre, que la musique de Xavier Jamaux passe – enfin – plutôt bien dans mes oreilles, que plusieurs scènes marquent durablement et que ça défouraille sévèrement le moment venu. Johnnie To et sa clique ont réussi là un sacré tour de force en grisant habilement un schéma manichéen qui, au final, ne l’est pas tant que ça. Ils ne rendent pas les armes, nous poussent à la réflexion en plus de nous balancer à la tronche un polar de haute volée. Qui ne l’a pas volé, son Grand Prix à Beaune en 2013, mais qui véhicule quand même une certaine tristesse, un désespoir palpable en proposant plusieurs directions dans lesquelles je n’ai aucune envie de m’engager, en plus d’un baroud d’honneur dans un décor où je n’éprouve pas l’envie de mettre les pieds. Eux non plus.



20 juin 2014
par Arno Ching-wan




Concessions bravées avec succès.

Il est étonnant de voir à quel point le retour de Johnnie To aux sources du polar à suspense suscite tout autant d'intérêt que de crainte quant à son contenu qui, visiblement, a plié plus ou moins sous la pression du Bureau de la censure de Chine.

Censure probable mise à part, tout comme les remarques idiotes lues sur le net notamment part rapport aux concessions de Johnnie To sur les drogues du fait d'un tournage au Mainland, il est vrai qu'il aurait crié à leurs gloires si le tournage avait eu lieu à Hong Kong (que ne faut-il pas lire), Drug War peut se targuer d'afficher de réelles ambitions visuelles et thématiques, tout autant que les récents City of Life and Death (Lu Chuan, 2009), Love for Life (Gu ChangWei, 2011), Let the Bullets Fly (Jiang Wen, 2011) ou encore Lost in Beijing (Li Yu, 2007) qui, eux, ont également bousculé la censure. Franchir la censure, c'est être aussi intelligent que les forumeurs et blogeurs du web chinois, c'est à dire passer par des subterfuges. Car derrière des séquences émotionnelles fortes (la descente du flic après un excès de cocaïne), des filatures démontrant le courage des policiers chinois, de l'humour (Lam Suet, ridicule mais toujours là) et un spectacle de violence ahurissant en fin de métrage, Drug War trace un état des lieux tout sauf réjouissant de "la Chine contemporaine" comme on se plaît à lire là aussi.

Johnnie To et son frère d'arme Wai Ka-Fai font tout de même du cinéma et complexifient leur intrigue en juxtaposant les rôles (formidable reconstitution d'un deal de schnouff dans un hôtel de luxe), créant le doute quant aux motivations mêmes des personnages. Louis Koo, beau gosse malade, cabotine mais sait jouer de son ambiguïté. Très belle peinture de personnages excessifs (les transporteurs), lorsqu'ils ne sont pas tout simplement inouïs, notamment ce duo de sourds et muets gentillets se métamorphosant en anges de la mort le temps d'une séquence de gunfight mémorable. Le cinéaste d'Exilé est de retour, à défaut qu'il délaisse le western typé Macao pour une plongée froide et pesante dans le Dong Bei chinois.

Concessions ou pas, le contrat est parfaitement rempli. Et pendant ce temps-là à Hong Kong, Andrew Lau persiste dans le navrant, Wong Jing a donné son âme au diable de Chine continentale, Edmond Pang oublie d'être cinéaste pour la déconne, et les comédies nulles envahissent comme chaque année Hong Kong.

Merci, Drug War, pour ce passage de grisaille!

01 août 2013
par Xavier Chanoine


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