Xavier Chanoine | 2.5 | Attention aux dents! |
Qu’on se le dise, le réalisateur pas très net du Jardin secret des ménagères perverses et de La Femme aux seins percés, sait appuyer là où ça fait mal. Nishimura Shogoro, le bien aimé de ces êtres qui prennent un plaisir sans nom à suspendre leurs proies, saucissonnées et dans l’incapacité de se défendre face aux excès de leurs bourreaux. Il y a une certaine forme d’impuissance dans le cinéma de fin de vie de Nishimura, aussi bien dans la diégèse, dans cette intrigue où les victimes prennent cher et n’y peuvent rien, que dans la mise en scène du cinéaste : impuissance face au manque d’inspiration et de créativité formelle faisant basculer la saga Flower and Snake dans la platitude, impuissance des victimes face aux hommes épris de perversion, l’écriture rejoint la triste réalité du plateau pour aboutir au final à un curieux mélange.
Au-delà même du cahier des charges faisant respecter la scène de fesse toutes les dix minutes, pas mal sur 73mn, White Uniform Rope Slave flirte avec le genre pornographique dès son premier plan, avec cette caméra zoomée au plus profond de la gorge d’une patiente, comme si le film allait épouser immédiatement le regard du dentiste pervers, et donc, prendre position pour ce parti pris jusqu’au bout. D’assumer ce rôle avec la tendresse habituelle des Flower and Snake et de faire de cet opus l’un des plus scabreux. Pourtant, en dehors des habituelles sessions toutes en suspension, de l’humiliant pipi forcé, des perles de cire bouillante et du basculement vers la folie, Nishimura Shogoro brouille les pistes spatio-temporelles et nous transporte dans un espèce de monde presque fictif, qui n’a rien de japonais, rien de naturel, sans la moindre séquence en extérieur si ce n’est celle où l’on découvre la demeure du dentiste, plus proche de la « maison près du cimetière » que d’une jolie maison de campagne.
Alors bien sûr, le film reste assez faible sur le plan de la structure, on est dans l’abatage en masse, dans la banalisation à la chaîne de ce que l’on a déjà vu auparavant, normal, on ne change pas une recette qui fonctionne, il faut faire du chiffre. Pourtant, il y a ce petit rien marquant qui ferait basculer le film –et la saga- dans l’horreur absolue, ce sentiment d’insécurité totale et d’impuissance face au médecin dont il est difficile de refuser l’anesthésie. Et résultat des comptes, le corps risque de tomber entre les mains d’un charlatan amateur de big natural boobs, comme dirait l’autre, un peu vulgairement. Et la phobie du dentiste, cette roulette qui fait valser l’émaille et rend la proie vulnérable, ces seringues plantées les unes après les autres dans la bouche de celle qui n’a rien demandé. Nishimura Shogoro est un de ces fous qui prennent plaisir à contourner la mollesse d’une saga desséchée par une perversion toute calculée.
note : et contrairement à ce que laisse supposer la jaquette, la victime n'a pas du tout les aisselles fournies. Un détail qui a toute son importance, naturellement.