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Insecte nuisible

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les avis de Cinemasie

3 critiques: 3.83/5

vos avis

25 critiques: 3.59/5



Ordell Robbie 3 Des qualités insuffisantes pour faire oublier les gros sabots du scénario.
Xavier Chanoine 3.5 Un film fragile, à l'image de son héroïne.
Yann K 5 Un choc, un chef d'oeuvre, une révélation
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Un film fragile, à l'image de son héroïne.

Insecte nuisible est un beau film, à n'en pas douter. Descente aux enfers calamiteuse d'une jeune demoiselle perdue dans un monde bien trop grand pour elle, porté par le regard non complaisant de Akihiko Shiota, redoutable d'efficacité dans sa mise en scène pleine de douceur, contrastant avec la froideur d'ensemble quasi surréaliste et fantastique. Ce qui est intéressant ici c'est cette démarche froide et à la fois poétique de mettre en scène les mésaventures de Sachiko, dont l'approche rappellerai les films de Kim Ki-Duk : teintes froides, musique quasi absente, dialogues peu nombreux et à l'importance négligeable, émotions par le regard et l'attitude, la gestuelle, ensemble quasi métaphysique et soutenu par de nombreuses questions -une fois de plus- surréalistes sur la douleur ou son équivalent (le choc avec un véhicule), personnages décomposés et rejetés de la société, uniformité du système scolaire avec ses pitres moqueurs volontaires, la liste est encore longue.

Pour toute cette richesse thématique, et je ne suis pas fasciné par Kim Ki-Duk pour rien, Insecte nuisible est à voir absolument même si en toute subjectivité, le trip film d'auteur n'est pas si bien passé de mon côté. Le rythme n'est pas non plus maîtrisé, tout comme la réalisation d'ensemble hésitant trop entre les suggestions (dont les vertus peuvent paumer le spectateur), l'autisme (le silence) et le bouquant anarchiste (le passage musical rock, les cocktails Molotov). Si l'on réussit à passer outre ces quelques points noirs, on y trouve un insecte troublant. Mais si c'est vrai, Yann K vous en tient même deux mots!



06 mars 2007
par Xavier Chanoine




Un choc, un chef d'oeuvre, une révélation

Aoi Miyasaki

Plus le Japon va mal, plus les films qui en sortent font du bien. Insecte nuisible (Gaichu) fait le portrait d’un Japon où le « mal » est enfoui au plus profond d’une jeune collégienne, sans que l'on comprenne bien où, ni pourquoi. Mais c'est ça le vrai Mal : celui qu'on arrive même pas à cerner. Dans la vie quotidienne de cette Sachiko, il est partout. Le film s’appelle Insecte Nuisible parce que c’est ce que pense son héroïne des autres (elle a envie de les écraser), et à l’inverse, c’est comment la société la traite (elle se fait écraser). C’est donc un film de guerre, sur une fille en guerre, contre une société guerrière, contre une école qui ressemble à une caserne, contre une vie faite de coups de canon dans le ventre. Et une bonne guerre se gagne avec méthode. Le film est un hurlement, un pur brûlot qui sait qu’il sera plus efficace en étant maîtrisé. Akihiko Shiota a donc conçu son film comme une bataille contre les certitudes.

Ce réalisateur est déjà auteur de quatre films, dont Moonlight Whipsers qui impressionne par sa maîtrise et le glaçant Gips mais Insecte nuisible est le moins théorique, le plus vibrant. Shiota Akihiko est un ancien camarade de Kurosawa Kiyoshi, assistant sur ses deux premiers films, des « pinku », panouilles érotiques. En « écoutant » Insecte Nuisible, c’est à dire sa seule bande sonore, impossible de ne pas remarquer cette filiation, tant le travail sur le son porte la marque de l’homme qui révolutionné son utilisation au cinéma. Insecte Nuisible est enfin porté par les frêles épaules de Aoi Miyasaki, jeune actrice au regard d’une noirceur pétrifiante, pas vraiment belle, mais scotchante, magnétique. Elle s’était déjà porté 3 h d’Eureka, du bus jusqu’à la mer, sans parler (sauf à la fin), à 13 ans. Grâce à elle et Shiota Akihiko , il nous arrive souvent de repenser à Sachiko, depuis qu’on a appris son histoire (qui semble criante de vérité), de se demander si elle va bien, comment elle s’est sortie de son merdier, est-ce que le fantasme de se faire renverser par une voiture, pour se sentir exister, a disparu.

A douze ans, Sachiko est emprisonnée. D’abord, dans l’image désespérante que lui renvoie sa mère qui l’a eu trop tôt, sans amour, et tente de se suicider, au bord de l’anorexie, dans la maison. C’est par cette scène qu’on rentre dans la maison/prison de Sachiko. Ensuite, on découvre qu’elle est prisonnière d’une école/caserne, avec ses soldats du savoir qui sont prêts à se tuer pour être remarqués par les professeurs (l’île de Battle Royale est tout proche…) Sachiko est emprisonnée dans ce riant uniforme des écolières qui fait tant triper les mâles japonais. Mais les seuls bouts de chair de Sachiko que Shiota Akihiko filmera sont le visage, qui exprime tout, et souvent ses mollets parce que, de dos, c’est ce qui la différencie des ses autres camarades uniformisées. Saichiko est enfin prisonnière de son esprit qui, à force d’être compressé, finit par faire sortir n’importe quoi.

Retour à la métaphore de l’insecte : pour Sachiko, le monde est trop grand, les humains trop loin, les sons trop forts. La musique est absente. Sa vie est séparée en petites entités temporelles (montage syncopé), en actions insignifiantes (répétitions, distance ironique), en petits objets (inserts). Insecte nuisible fait aussi penser aussi à un documentaire sur les fourmis. Sérieux. Sentiment renforcé par des pensées qui soudainement s’écrivent sur l’écran, en blanc sur fond noir. Un choc, visuel par la violence de la transition et sonore (tout d’un coup, silence total). Les scènes y sont décrites avec des métaphores empruntées à la biologie, aux expériences faites en TP. La première fois, on ne comprend même pas qui parle. A la deuxième, on se doute qu’il s’agit du journal intime de la jeune fille. Puis une autre voix semble parler, sur ce « chat » virtuel logé dans les interstices du film. Avec pour seuls indices l’écriture, on devine la personnalité d'un homme d'environ 40 ans. Il s’agit donc d’un dialogue, d’une histoire d’amour à distance avec un père de substitution qui protège et manipule Sachiko, peut être quelqu’un qu’elle a imaginé (on ne le voit que furtivement, deux fois). Peut être est-ce un salaud. En tous cas, Insecte nuisible raconte aussi une sublime histoire d’un amour trop violent, quelle qu’en soit sa forme.

Du mélo, alors ? Au contraire, Insecte nuisible n’est pas un film voyeuriste, pas plus que « compatissant », larmoyant sur le sort de Sachiko. Akihiko Shiota constate plutôt qu’on ne peut pas aider quelqu’un s’il ne sent même pas qu’il existe. Car même en se faisant à moitié violer (ou de nouveau violer? On ne sait pas), au moment le plus fort du film, Sachiko ne se sent toujours pas vivre. Sa meilleure amie dit à la mère, laquelle pleure d’impuissance devant ce qu’elle a engendré : « Regardez comme elle est malheureuse, c’est dur pour elle, etc, etc… ». La bonne amie pense bien faire. Mais elle ne fait qu’enfoncer Sachiko et interpeller ce spectateur qui, lui aussi, voulait la prendre sous son aile. Car Sachiko veut affronter son mal-être toute seule. Elle veut savoir ce qu'il lui faut pour se sentir exister. Il lui en faut beaucoup, il lui faut une explosion. Depuis le début, on sait que ce film va nous pêter à la gueule. Shiota Akihiko aborde cette question du « climax », le point culminant du film, sans rien changer à l’image, toujours dans le faux calme, hyper tendue. Mais il balance une musique qui nous fait rentrer dans les tripes de Sachiko. C’est une vraie « tuerie » entre Sonic Youth et Joy Division, alternance de mur de guitare minimaliste et de petite transition-préparation avant un nouveau déferlement sonique. Après quelques minutes de cette divine torture, pendant que Sachiko envoie tout balader, dans la chanson, une petite voix perce le mur sonore. Rarement un film n’avait été à ce point dans la tête d’un personnage.

Après cela, le spectateur est vrillé par la peur. Sachiko est libre mais encore plus fragile (ça va avec). Evidemment, Insecte Nuisible ne donnera pas de réponse aux innombrables questions qu’il a soulevé. Il fait confiance, et nous avec, à Sachiko : elle a appris à avoir mal, à se battre. Elle deviendra peut être l'héroïne un peu dérangée de Moonlight Whispers, mais elle vivra. Le réalisateur fait aussi confiance au spectateur : il nous a appris à nous battre, contre la facilité, le confort Hollywoodien. Avec lui, on a lutté contre nos préjugés. On resort de ce film comme un soldat revient d’une guerre.

07 décembre 2001
par Yann K


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