La boule à zéro
Moins d'un an après le remake TV de la première adaptation cinématographique de 1959, "Watashi wa Kani ni Naritai" connaît les honneurs d'une AUTRE adaptation ciné, toujours sous la houlette de l'ancien scénariste de Kurosawa Akira, Hashimoto Shinobu.
Très marqué par le roman, Hashimoto a absolument tenu refaire "à la perfection" ce classique de la littérature japonaise en voulant même signer avec ce nouveau remake son ultime "œuvre" à 90 ans passés. Bien, que cette volonté soit tout à fait respectable, sa ténacité de vouloir adapter à tout prix cette œuvre au profit d'une autre peut tout de même surprendre. Sans parler du fait qu'en vue du résultat, une autre version semble d'ores et déjà s'imposer pour réussir le pari de créer une œuvre ultime.
Le problème réside en la matière originale. Il est bien connu, que les japonais aient un sacré problème avec leur lourd passé et cherchent par tous les moyens de s'affranchir du douloureux épisode historique…En revanche, il y a toujours l'art et la manière de faire…Bien évidemment, TOUS les japonais étaient loin d'avoir voulu participer au conflit; tout comme tous les allemands n'étaient pas des nazis, loin de là. Par la décision de quelques "politiciens", des millions de gens ont perdu leur vie, pour rien et des milliers en garderont des séquelles (physiques ou émotionnelles) à tout jamais…
Le personnage de Shimizu Toyomatsu en est en tous points symboliques. Toute la première partie du film s'efforce donc à monter combien il est un homme brave et dévoué à sa femme. Il rêve d'habiter en toute bordure d'une magnifique falaise surplombant la mer, où le soleil se couche en un magnifique coucher radieux. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes…jusqu'à son incorporation dans l'armée de l'Empereur. Fini la belle histoire, il faut qu'il oublie tous ses chimères et principes, qu'il bouffe de la terre sous les bottes écrasantes de ses méchants généraux et qu'il plombe de l'adversaire…Sauf qu'il en est incapable…et qu'il payera cher son incapacité de tuer autrui; car son passé finit donc par le rattraper après un bref retour à la case départ. Il retrouve donc femme et enfant le temps de goûter rapidement au délicieux sentiment du bonheur et de l'Amour avant de se faire jeter en prison pour meurtre…Sauf qu'il n'a jamais tué l'homme qu'on lui avait ordonné d'exécuter; mais comment prouver sa bonne foi ?
Surtout qu'il se retrouve face à des acteurs les forces alliées tout sauf compatissants; oui, même carrément stéréotypés dans leur description d'occupants envahissants, qui brisent toute dignité des derniers soldats japonais, qui – on vous le rappelle à coups de flash-back, voix off et lettres déchirantes – est tout sauf coupable; mais ça, l'envahisseur ne veut pas le savoir. Tout juste consent-il à faire muse-muse avec le gamin du prisonnier lors de la dernière visite en famille avant qu'il ne pende lâchement un innocent.
Bref, il aurait fallu tout le talent et le doigté d'un vrai homme engagé de la trempe de Kobayashi Masaki pour dissocier tous les enjeux politiques et faire du personnage principal un véritable martyre des conséquences des actes de son propre pays et des vices des cultures étrangères…Mais ces gens talentueux sont rares et en l'état, cette nouvelle version de "I'd rather…" n'est donc rien d'autre qu'une grosse bouillie, limite nationaliste, mélodramatique formatée tout entier pour la seule exploitation sur un petit écran pour faire pleurer dans les chaumières…
