Rose Noire
Avec the Black Rose Mansion, seconde collaboration entre Fukasaku et Maruyama Akihiro faite suite au succès du Lézard Noir, Fukasaku offre une incursion dans le mélodrame bien plus convaincante que ne le sera sa Rivière Dotonbori.
Le cinéaste a ainsi contrairement à ce que voulaient les acteurs fait incarner la femme fatale porteuse d’une rose devant rougir si elle est amoureuse par Maruyama. Outre qu’il crée une certaine distanciation, ce choix ajoute à la théatralité d’un film se déroulant souvent dans des lieux clos vu qu’il s’agit d’une pratique courante dans le kabuki. On retrouve ici souvent le Fukasaku expérimentateur formel d’un Blackmail is my life. On y voit ainsi de multiples flash blacks rendus irréels par l’usage de filtres chromatiques. Ce sentiment d’irréalité renvoit à l’effet produit par les femmes fatales lorsque les hommes qu’elles « piègent » les rencontrent pour la première fois. Et accessoirement à cette impression de féminité abstraite, irréelle que cherchent à créer les performers travestis. Le travail du film sur les clairs obscurs semble quant à lui isoler les personnages dans le décor, donner l’impression de voie sans issue inhérente aux passions fatales. Dès le début, on a appris par voix off que l’héroine ne pouvait que perdre l’homme qui l’a aimé et le travail de la photographie ajoute à cela. La mise en scène et le montage dynamisent quant à eux très bien les passages chantés.
Lors des scènes se situant dans le lieu "hanté" par le héros/héroine, l’usage judicieux du grand angle apporte une variété bienvenue de perspective sur ce petit univers où tous semblent ne vivre que pour le moment où l’etre fatal va enfin entrer en scène. Ses entrées en scène se produisent d'ailleurs avec un timing extremement précis. Comme autre audace qui fonctionne, on a la focale isolant la rose noire/objet condensant l’idée de froideur de la femme fatale sur la plage alors que son nouvel "amoureux" court vers elle au loin. Certaines scènes de boite de nuit ne dépareilleraient pas par leur filmage et leur ambiance dans les yakuza eigas plus connus du maitre. Reste que toutes les audaces du cinéaste ne fonctionnent pas. Le changement des filtres chromatiques lors des différents flash backs fait ainsi dans le tape à l’œil. Appliquer la fameuse manière fukasakienne de rendre par la mise en scène le chaos d’une scène d’action à une scène se déroulant de nuit aboutit à rendres ces scènes pénibles à visionner.
Reste néanmoins un rebondissement final typique de la tragédie japonaise qui achève de faire du film un mélodrame intemporel qui aurait pris un habillage kitsch sixties. Fukasaku aura encore réussi à exploiter les contraintes du système de studios pour renouveler son cinéma. D’autres réussites encore plus brillantes étaient devant lui.