Xavier Chanoine | 3.25 | Un bon cru d'Ozu |
Ordell Robbie | 3 | Scénario et réalisation sentant l'autocaricature, acteurs manquant de naturel |
Cet Ozu, formellement brillant comme à son habitude, confronte deux soeurs d'âge bien différent face à leurs sentiments. Après le brillant Printemps Tardif où les querelles étaient de père à fille, Ozu étale sur près de deux heures les mésaventures sentimentales très aléatoires de deux soeurs (impeccables Tanaka Kinuyo et Takamine Hideko) au sujet d'un homme revenu d'Europe. Si l'une d'entre elle fait preuve de retenue, tout en cachant ses sentiments, l'autre joue le butor avec son imitation de grosse voix dévoilant ainsi toute sa sûreté face à l'homme. A ce sujet, si Takamine est brillante, son interprétation de jeune fille capricieuse tireuse de langue pourra en mettre plus d'un sur la touche tant son personnage frise l'insolence et l'exécrable à plus d'un titre. La performance est là, le style ne plaira pas à tous. Pur mélodrame s'il en est, le film est un melting-pot, un best of, une compilation du style Ozu acquis depuis les années 40 soit la période durant laquelle il abandonnera sa mise en scène sous influence occidentale et ses polars hésitants pour davantage se consacrer au genre de prédilection : la chronique familiale, les petits mots de tous les jours, les conversations qui n'apportent rien à la narration d'ensemble mais qui mettent en exergue le feeling de chacun des protagonistes, les difficultés de communication entre deux soeurs semblant appartenir à deux générations bien distinctes. C'est donc sans surprise que l'on retrouve un Chishu Ryu au sourire constant presque niais et aux textes récités de manière toujours aussi robotique (mais quel personnage!), Uehara Ken dans la peau d'un homme semble t-il fatigué mais droit, Tanaka Kinuyo impressionnante de retenue et de classe, une Takamine Hideko très loin de la femme responsable souvent jouée par Hara Setsuko que l'on retrouvera d'ailleurs plus tard dans l'exceptionnel et tellement sous-estimé Crépuscule à Tokyo dans la peau d'une soeur très active.
Pourtant, si Les Soeurs Munekata recèle de passages inspirés comme ces rendez-vous dans ce bar réputé pour sa citation de Don Qixote, Setsuko et son père cherchant le chant de l'oiseau dans leur jardin, des séquences plus dramatiques entre les deux soeurs ou encore les nombreuses plongées dans l'alcool de Mimura filmés dans un clair-obscur du plus bel effet ponctuent l'ensemble du récit, classique certes, mais bien écrit sans forcément tomber dans une redite récurrente du cinéma d'Ozu où chaque film, différent, se ressemble en de nombreux points. Bien que l'épilogue fasse dans l'happy end classique, ce premier Ozu des années 50 est un bon cru, guère aussi marquant qu'un Crépuscule à Tokyo ou que l'ensemble de ses films tournés en couleur, mais suffisamment bien joué et superbement cadré pour combler l'attente du spectateur désireux de découvrir et redécouvrir ce cinéaste si important pour le cinéma japonais et mondial.