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les avis de Cinemasie

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visiteurnote
Samehada 3.25
Bastian Meiresonne 2
Epikt 2.5
Dooliblog 1.75
hendy 2.25


classer par notes | date | rédacteur    longueurs: toutes longueurs moyen et long seulement long seulement

Casser la voie

Le cas de Pen-ek Ratanaruang est celui d'un homme bien particulier, celui d'un homme, qui se cherche lui-même film après film. Un homme débordant de sentiments, mais incapable d'avoir du "ressenti". Un homme capable de donner corps aux staes émotionnels de ses personnages comme personne, mais incapable de savoir quoi en faire.
 
Depuis ses premiers survoltés "Fun bar Karaoké" et "69", il n'a eu de cesse de casser la carcasse caricaturale des personnages qu'il inventait, pour tenter de regarder au-delà des apparences, voir ce qu'il y avait de l'intérieur; en même temps, il mettait de plus en plus de sa propre personne. Balloté de festival en festival à travers le monde, il découvrait de toujours nouvelles facettes de lui-même tout en se distanciant…Il rendait des films, qui se faisaient réapproprier par d'autres, critiques, comme producteurs, qui donnaient leurs propre vision des choses et indiquaient la voie à suivre pour être inciter à la bonne sélection au prochain festival.
 
Déjà un étranger dans son propre pays suite à ses années d'étude à l'étranger, Ratanaruang accentuaut encore son sentiment de déphasage par rapport au monde, qui l'entourait…Un monde ouaté, quasi surréaliste, qu'il a su parfaitement décrire dans ses deux derniers "Vagues invisibles" et – surtout – "Ploy", véritable rêve éveillé, auquel il a tenté redonné la substance de ces premeirs films en injectant une dose de personnages hauts en couleur…mais qui ne trovuaient plus leur place dans l'étrange entre-deux dans lequel le réalisateur se trouve.
 
Alors Ratanaruang a tenté de s'échapper non plus par l'esprit, mais physiquement, de cet incroyable univers urbain à la fois si réconfortant et inquiétant, qui constituait la substance même de ses précédents films. "Vagues invisibles" avait constitué un voyage, le voyage vers autre chose, mais demeurait dans des lieux extrêmement confinés, donc rassurants (intérieur restaurant, intérieur bateau, intérieur résidence de vacances); un voyage, qui ne l'aura mené nulle part, comme illustré dans son suivant, "Ploy", où des personnages sont prisonniers de l'intérieur d'un hôtel, entre deux destinations.
 
Cette fois, Ratanaruang prend littéralement la fuite, il s'en va et fuit littéralement de la grande ville, comme illustré lors d'un long plan-séquence…Une séquence (et un cadre) pas si éloigné de l'univers d'un Apitchaptong Weerasethakul, qui avait déjà entrepris son voyage initiatique bien plus tôt, au cours de ses "Blissfullu yours" et "Maladie Tropicale"…Et c'est peut-être également cela: un Ratanaruang paumé entre deux genres qu'il affectionne: la comédie survoltée de ses débuts et un cinéma auteurisant, qu'il serait incapable de maîtriser…Alors, il tente de faire son Apichatpong, en s'enfuyant dans la jungle à la recherche de réponses, à tenter de faire pareil, mais différent quand même…Sauf que le résultat final s'apparenterait davantage à du "Blair Witch Project", qu'à du "Maladie Tropicale"…Parce que Ratanaruang ne sait toujours pas où il veut réellement aller…
 
Alors, il prend son bol d'air forestier et filme son désemparement dans ce nouveau lieu mystique en accumulant les longs plans-séquences sans aucune utilité au milieu de cette forêt, des séquences la plupart du temps plongées dans un Noir total, parce qu'il ne sait plus où il est…l seule chose dont il est sûr, c'est de cette extraordinaire bande-son naturelle, omniprésente et à la fois un enchantement, comme source d'inquiétude par d'autres moments.
 
Et il en profite un autre thème, qui le mine: celui des rapports impossibles entre un homme et une femme. Lui-même toujours célibataire, il a dû mal à cerner une vraie relation et l'explore donc dans sa propre thérapie filmique…Là encore sans véritablement connaître tenants et aboutissements, ce qui débouche FORCEMENT sur une fin ouverte.
 
Finalement, la seule chose, dont Ratanaruang soit sûr, c'est de ne pas vouloir réaliser un film de fantômes typiquement thaïlandais…et d'évacuer cet aspect par son incroyable "survol du genre" au cours des cinq premières minutes du film. La quintessence même du film d'horreur thaï depuis plus de 60 ans, c'est de raconter l'histoire de la terrible revanche de l'esprit d'une femme (en l'occurrence ici celui du "Phi Nang Mai", esprit possédant un arbre), souillée par la bêtise des hommes et qui s'en revient d'entre les morts pour se venger de la manière la plus terrible qui soit. Ben voilà, ce qui se passe exactement au début du métrage. Une femme est apparemment poursuivie, (on s'imagine) violée et l'on découvre le cadavre de deux hommes, sa revanche étant assouvie.
 
Un film fascinant donc pour suivre les errances d'un réalisateur terriblement paumé, victime de son propre succès – mais qui risque de dérouter / rebuter les spectateurs lambda en raison du résultat totalement inabouti…A voir combien de films Pen-ek continuera encore à se chercher lui-même…et pour combien de films des producteurs seront encore prêts à financer ses psychothérapies personnelles bien coûteuses.

PS.:
Analysant le film de plus près, on pourrait également interpréter cette histoire comme le nouvel affrontement cadre urbain / Nature, présent dans quasiment tous les films de Ratanaruang et le désagrément du couple étant provoqué par l'envie de l'homme de retrouver la Nature (il se fend littéralement dans la Nature), tandis que la femme est une pure citadine, incapable de s'habituer à la vie campagnarde (elle fait la gueule lors de leur première excursion et semble avoir beaucoup de mal à s'adapter à son environnement au cours de ses allers retours entre la ville et la forêt tropicale).


02 novembre 2009
par Bastian Meiresonne


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