| Xavier Chanoine | 3 | En toute intimité |
Si la cinéaste évoque souvent le cycle de la vie au cours de ses longs métrages, tous plus ou moins connus du grand public grâce aux différentes apparitions et projections festivalières, ses courts-métrages et documentaires adoptent une approche plus scientifique et expérimentale du corps, de la naissance jusqu'à la mort. Naissances et maternité en est l'un des meilleurs exemples, confrontant la naissance, enfance et vieillesse avec le recul suffisant pour ne pas tomber dans la vulgarité tendance, et si sa rafale d'images et de plans particulièrement osés à proximité d'un corps vieillit de la mère adoptive de Naomi-san peuvent heurter, ils reflètent la vie et ses conséquences, une réalité. Mais le plus intéressant ne réside pas dans l'autosatisfaction de la cinéaste, prête à capter l'instant magique d'une naissance, de sa naissance grâce à sa caméra, mais bien plus dans le témoignage poignant de sa mère adoptive Kawase. La vieille femme, tenace et courageuse se confiera à sa fille sans tabou, poussée par cette dernière lorsqu'il est question d'évoquer de bien mauvais souvenirs et de faire surgir une remise en question. Une séquence forte et touchante quand Naomi rappelle à sa mère combien cette dernière usait de mots durs envers elle dans un lointain passé. La vieille femme finira par tomber en sanglot devant la caméra, le spectateur la retrouvera quelques instants plus tard devant une lettre d'excuse qu'elle vient d'écrire pour sa fille, de manière maladroite certes (elle-même dit en avoir honte du fait d'idéogrammes gribouillés) mais suffisamment sincère pour que Naomi accepte ses excuses.
En revanche, les principaux défauts de la cinéaste sont toujours là. Kawase filme sa famille, son enfant haut comme trois pommes, son potager, ses fleurs, sa grand-mère, dans un soucis de raconter l'histoire de la vie, mais une histoire qui se réduirait au simple film familial tourné en super 8 à la portée de tout le monde. Libre au spectateur d'accepter cette donne et de rentrer au coeur de l'intimité d'un véritable couple mère/fille, mais libre aussi d'en sortir rapidement du fait de son hermétisme (ce qui est paradoxal) et de son manque d'intérêt. Pimenté par de nombreuses séquences impudiques au possible (le corps de la vieille femme passé au crible par la cinéaste lors d'une entrevue, l'accouchement de Kawase en gros plan) qui reflètent pourtant une certaine réalité, la continuité logique d'une vie (l'hospitalisation de la mère de Naomi, les premiers pas de son enfant, la naissance de son autre enfant), Naissance et maternité a la saveur délicate d'un tête-à-tête sincère et ouvert, mais l'arrière goût d'une entreprise jouant le sensationnel (Kawase filmant son propre enfant encore attaché au cordon ombilical) et l'opportunisme à fond de biture. Libre à chacun de faire sa propre idée sur le sujet, Kawase s'avérant tout de même l'une des cinéastes les plus intéressantes du moment du fait de son décalage poignant.
