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Tony Takitani

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Ghost Dog 2.5 Solitude, exclusion, vanité : le miroir pessimiste de nos sociétés modernes
Xavier Chanoine 3.5 Un film visuellement radical, lent et dépressif. Marquant
Ordell Robbie 2 J'entends (un peu trop) des voix off...
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Un film visuellement radical, lent et dépressif. Marquant

Avis Express
Tony Takitani n'est pas du genre commode. C'est bien pour cela qu'il a attiré l'attention sur lui, qui plus est adaptant Murakami sur grand écran, en collant sans doute trop fidèlement à l'oeuvre de l'écrivain jusqu'à pomper la structure même d'un livre que l'on tournerait page après page. L'un des aspects les plus marquants du film, avec son rythme très binaire essentiellement composé d'une voix off narrant les aventures de l'artiste suivi des systématiques travellings latéraux distanciés censés mettre en image ce qui est dit et faire avancer le temps, logique du mouvement spatial, c'est sa narration aux antipodes du cinéma mainstream nippon car celle-ci se repose essentiellement sur la parole. Ainsi le film oublie d'être un pur objet de cinéma, préférant jouer la carte du roman illustré, du roman en mouvement, raconté et non raconteur : très peu de séances dialoguées qui vaillent le coup, très peu d'échanges, comme si le monde dans lequel évoluait les personnages était voué à la destruction (physique avec l'accident de voiture, sentimentale avec la solitude de l'artiste). Les apparitions fantômes des personnages, leur grâce de l'instant (admirable Miyazawa Rie), le côté troublant des images (lourde utilisation du flou) contribuent à créer un malaise que l'on pourrait ressentir dans l'oeuvre de Murakami, où le fantastique s'installe dans un univers banal, normal, dans le quotidien finalement. Le score très présent de Sakamoto insuffle au film un parfum de tristesse légitime au vu du chemin plein d'embûches emprunté par l'artiste et ses travers sentimentaux en guise de coup de massue du destin. Le chaos est bien amené par le cinéaste (autrement plus inspiré qu'avec sa dernière oeuvre How to Become Myself) notamment à travers le portait de l'épouse de l'artiste, possédée par le démon de la haute couture, n'ayant quasi d'yeux que pour le beau manteau ou les talons inabordables et qui finira passé ce tourbillon maladif libérée de ce fardeau. En revanche si l'on note une patte esthétique époustouflante de radicalisme, linéaire jusqu'à l'étouffement (les plans larges se content sur les doigts), le procédé tend à la répétition et à l'usage du beau plan pour le beau plan. De plus, la structure très linéaire et particulièrement lente exaspérera les moins courageux d'entre nous/vous, et ce malgré sa courte durée. Mais Tony Takitani est un film qui s'assume jusqu'au bout, terrorisant son spectateur jusque dans son dernier plan génial à plusieurs niveaux de lecture.



07 mars 2009
par Xavier Chanoine




J'entends (un peu trop) des voix off...

Au cinéma, une fidélité trop littérale n’est pas toujours le meilleur service à rendre à l’œuvre littéraire qu’on adapte. Lorsqu’on regarde Tony Takitani, on y sent le film qui à force d’essayer d’adapter Murakami Haruki sur grand écran en oublie de se demander quel film de cinéma on pouvait tirer de la nouvelle d’origine.

En cherchant des «équivalents» stylistiques et de dispositif à l’écriture distanciée de Murakami, Ichikawa ne fait que décliner des procédés formels sentant trop le signe extérieur de caractère artistique. Comme ce montage passant du coq à l’âne censé refléter le désordre intérieur des personnages (et aussi une vision murakamienne du roman comme improvisation de jazz) tandis que la récurrence des travellings latéraux voudrait donner lourdement l’impression que ce que l’on voit à l’écran se passe à l’intérieur du cerveau des personnages. Trop facilement signifiant encore ce travail sur l’image et la photographie pour donner une impression d’absence de contraste reflet du caractère terne de la vie des personnages tandis que les passages où cette dernière s’intensifie un peu sont photographiés de façon vive.

L’usage récurrent de la voix off reprenant des passages du texte de Murakami se met ici à sentir la facilité, le liant artificiel entre une suite volontairement décousue de scènes. Celle-çi trouve d’ailleurs un prolongement dans le film avec des personnages parlant d’eux-mêmes à la troisième personne et prenant le relais de la voix off. Ce procédé de distanciation lassant à la longue n’a ici d’autre justification que d’incarner une équivalence à la prose de Murakami et ne s’insère jamais dans un projet de cinéma un minimum ambitieux. Du coup, voix off et montage font que le film ne dépasse jamais le beau livre d’images «illustrant» la nouvelle. Le cadrage semble ici juste servir à faire joli de même que l’usage récurrent de la focale. Et la mise en scène n’évite pas un certain académisme nippon contemplatif tandis que le ralenti est utilisé de façon convenue pour souligner certains souvenirs. Restent juste le talent d’Ogata Issey et Miyazawa Rie dans leurs doubles rôles respectifs et un score de bonne facture signé Sakamoto Ryuichi.

Mais tout ceci ne fait pas oublier qu’à force de se cramponner à l’art littéraire de Murakami et à la nouvelle originale Tony Takitani n’arrive jamais à exister comme projet de cinéma autonome. Ou alors comme un catalogue de procédés audacieux en surface mais en fait très académiques. En voulant être de l’art, il oublie d’être du cinéma.



25 janvier 2006
par Ordell Robbie


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