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World Apartment Horror

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les avis de Cinemasie

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Astec 4 Les locataires
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Les locataires

Avant de se faire un nom dans l’animation, KON Satoshi a eu une vie de mangaka. Première carrière plutôt confidentielle de ce côté de l'hémisphère, et dont les amateurs français ont eu un aperçu avec la publication, fin 2004, de son manga Kaikisen.

Dans le registre du manga, le travail de KON accessible est essentiellement composé de quelques histoires courtes, le cas Kaikisen étant l’exception. Autres exceptions, les mangas inachevés Seraphim (sur un scénario de OSHII Mamoru) et Opus, tous deux prépubliés entre 1995 et 1996. Une fois les titres ci-dessus évacués, ne reste donc plus que le recueil d’histoires courtes World Apartment Horror. Composé de quatre récits publiés entre 1989 et 1991, si ce n'est avant pour certains, ce recueil offre par ailleurs un aperçu assez intéressant de l’évolution graphique de KON pendant cette période, chacune des quatre histoires présentant un style différent. Passage en revue dans le désordre par rapport au sommaire du manga.

Joyfull Bell

Petit déguisement de saison en ces fêtes de fin d’année, Takada fait le père noël en costume pour effectuer ses livraisons. Alors qu’il vient de finir sa journée, un souci avec les clés de sa fourgonnette l’oblige à rentrer chez lui à pieds, sans avoir pu se changer. En route il fait la rencontre d’une petite fille - seule - nommée Maiko. Elle lui demande un papa. Commence alors une virée nocturne pour les deux personnages...

Maiko fait la moueRécit léger qui tourne autour du thème de la paternité, Joyfull Bell (1989) est une petite histoire sans prétentions qui n'est pas sans démériter. En 25 planches KON nous installe dans une ambiance mêlant étrange, humour et bons sentiments, noël oblige. La chute, sans être extraordinaire, recèle assez de malice pour que le lecteur y revienne une seconde fois. Graphiquement l'auteur se cherche encore. Techniquement ça se tient plutôt bien, mais tout ça manque encore de personnalité, à l'image du character-design qui ne se dinstingue que par le personnage de la petite fille. Quant à la mise en page, sans être extraordinaire, elle s'appuie sur un découpage efficace au service d’une narration qui l’est tout autant. KON paraît faire ses "gammes" et le tout reste plutôt solide pour une oeuvre de jeunesse.

Les Visiteurs

La Famille Otsuki est heureuse, elle vient de faire l’acquisition d’une nouvelle maison à moindre frais. Inespéré. Maman a enfin toute la place disponible, les enfants ne sont pas mécontents non plus, et le papa accède à un nouveau statut social : « Moi, Yoshio Otsuki, je me suis acheté une maison indépendante à l’âge de 42 ans. Maintenant je suis un homme mature ». Bref, tout le monde semble y trouver son compte. Seulement voilà, Kazuhiko, le grand fils, est témoin d’étranges phénomènes et malgré ses questions, ses parents jouent la sourde oreille. Et bientôt les apparitions se multiplient...

Un visiteurDes quatre récits de ce manga, Les Visiteurs est celui qui graphiquement se rapproche le plus du style OTOMO. Et c’est aussi le récit qui se rapproche le plus du style graphique développé dans Kaikisen. Par rapport à Joyfull Bell, les designs des personnages se "densifient" et ces derniers gagnent eux-mêmes en expressivité. Un travail de hachures fait aussi son apparition. Le trait s’invite ainsi dans les volumes, le dessin devient plus « intrépide » et l’impression générale est celle d’une plus grande aisance. Les 31 planches qui composent ce récit font toujours dans la comédie, mais avec une touche fantastique bien plus prononcée. Les apparitions qui se succèdent pour tous les membres de la famille, sont autant d’occasions de traits d’humour et de gags sur le dos du conformisme social ambiant, principalement incarné par les parents. Le tout est conduit sans sarcasmes, ni férocité et se lit avec jubilation.

Waïra

Dans le Japon médiéval, au cœur de la nuit, un petit groupe de samouraïs avec à leur tête un seigneur proscrit, fuit une armée de poursuivants. Acculés, ils n’ont d’autre choix que de s’enfoncer dans la forêt. Puis un homme disparaît. Et bientôt les soldats à leurs trousses deviennent le cadet de leurs soucis...

Un poursuivantLa plus « bourrine » des histoires de ce manga et au moins tout aussi jubilatoire dans son genre que la précédente. Ici l’auteur semble clairement lorgner du côté d’un certain cinéma populaire. Un mélange des genres plutôt bien mené. KON s’offre avec Waïra un « actioner » digne des Mc Tiernan des grands jours. C’est linéaire, direct, brutal et ça fonctionne bien. Véritable série B d’action passée au filtre du Japon féodal, Waïra commence comme un chambara, pour devenir un « team survival » à l'ambiance flirtant avec le fantastique et se conclure dans un climax héroïque. Le traitement graphique est à l’avenant. Fini le dessin "propret", exit les airs de famille avec OTOMO. Le trait se fait beaucoup plus « gratté » et moins rond. La systématisation du travail de hachures tend à rivaliser avec l'utilisation des trames. Le dessin de KON gagne ainsi grandement en personnalité (1), tout en ne perdant pas en « lisibilité ». Waïra comporte 61 planches, le double aurait tout autant fait l’affaire.

World Apartment Horror

Itta, un petit souteneur yakuza de Tokyo manageant une équipe de prostituées immigrées, est chargé par son boss de faire le vide dans une propriété immobilière convoitée. Celle-ci, squattée par des étrangers ne parlant pas, ou peu, le japonais, le plus souvent en situation irrégulière, est amenée à prendre de la valeur dans un futur proche. Ses occupants étant dans l’incapacité de faire appel aux autorités, Itta est autorisé à utiliser tous les moyens nécessaires pour arriver à ses fins. Avec un délai d’une semaine seulement devant lui, le yakuza prends ses quartiers dans le bâtiment bien décidé à en finir au plus vite. En s’installant dans la chambre précédemment occupée par Hide, l'homme chargé avant lui de cette tâche, Itta ne peut s’empêcher de se demander ce qu’a bien pu devenir ce dernier...

Itta arriveWorld Apartment Horror est clairement le travail le plus singulier de ce manga. Probablement le plus tardif des récits pour sa réalisation, les 5 chapitres - et 101 planches - de cette histoire de maison hantée furent prépubliés au Japon en autant de fois pendant l’année 1991. La même année donc où était diffusé au cinéma le film live éponyme réalisé par OTOMO Katsuhiro. Sur le site de KON est expliqué que l’idée de l’adaptation en manga (lui) est venue lors d’une soirée, arrosée, en compagnie de OTOMO, peu après la fin du tournage d’Akira. World Apartment Horror, le film, en était alors encore au stade de projet pour OTOMO (réalisateur & scénariste) et NOBUMOTO Keiko (scénariste). Si la question des apports précis de chacun à l’intrigue reste posée (2), la question des qualités respectives des deux visions de l’histoire ne se pose pas : la version manga est de loin supérieure à la « live », sur tous les plans. Alors que les scénarios des deux versions restent semblables à 95 %, les 5 % restant font au final une sacrée différence en faveur de KON : plus d’effets spéciaux, plus d’humour, un réel personnage féminin...

Illustration couleur - Couverture de Kappa Magazine, mensuel italien où fut publié en 5 chapitres, une première fois en 1996, WAH Au niveau conséquences de budget, il est indéniable que les deux formats ne jouent pas avec les mêmes armes. Le film de OTOMO souffre manifestement de son aspect plutôt « cheap ». Comparativement, en terme d’impact visuel de la dimension fantastique, le manga se pose là avec son final en forme de séance d’exorcisme propice à une imagerie bien plus baroque. D’une façon plus générale, toutes les manifestations type « poltergeist » sont bien plus réussies dans la version papier : soit pour des raisons de mise en scène, ou alors de « sfx », le plus souvent les deux. En terme de réalisation, si l’on peut situer la comparaison sur ce plan, KON l’emporte haut la main. Et dans le registre de l’humour également, où le mangaka non seulement amène de façon plus efficace les scènes et dialogues partagés avec le film, mais s’octroie aussi quelques inédits enrichissant indéniablement son traitement (notamment une séance « d’urinage collectif » nocturne). Enfin le casting de KON, le design de ses personnages, s’avère également plus riche, mieux équilibré entre réalisme et effet comique. L’avantage de la « plasticité » du dessin au service de l’imagination fait ici toute la différence. Témoin, le personnage de l’exorciste qui intervient dans la dernière partie du récit : dans le film il s’agit d’un noir plutôt costaud qui ne sort pas particulièrement du lot, tandis que dans le manga ce même personnage devient un noir plutôt sec, au look fantaisiste, fumant et faisant fumer le pétard pendant ses offices. Effet comique garanti, capital sympathie immédiat tout en ne déséquilibrant pas le mélange des genres.

IttaTout aussi essentiel est l’importance que KON accorde au seul vrai personnage féminin de l’histoire, la petite amie (et employée) de Itto. Le choix de ses origines d’abord, une japonaise dans le film (Mizaki) et une philippine (Annie) dans le manga (3). En faisant de ce personnage une étrangère, KON n’accentue pas seulement le propos de l’intrigue (le racisme), il le "dialectise". Il positionne ainsi cette figure sur un plan bien plus important, conférant à sa relation avec Itta un caractère plus subtil et mature, enrichissant par là même le personnage de ce dernier. D’une figure stéréotypée et sans consistance chez OTOMO, Annie, en changeant de nationalité, devient un point de vue féminin essentiel à la narration. Les petites vignettes et dialogues qui lui sont dédiés ne sont assurément pas superflus et sa présence dans le climax final, contrairement au film, ainsi que l’importance du rôle qu’elle y tient, également. (4)

SFX, casting, humour, mais aussi qualité des « acteurs » et de la mise en scène. Le film souffre d’une interprétation approximative que le dessin de KON ne connaît pas : visages expressifs, attitudes bien senties, dialogues qui coulent avec naturel (5). La maîtrise des rythmes narratifs y est aussi plus évidente et les ellipses ne deviennent pas longueurs. Stylistiquement, KON propose également une nouvelle variante. Le dessin est moins "gratté" que dans Waïra mais toujours au-delà des influences « otomesques ». Le trait, désormais moins gras, moins rond, plus "lâché", n'a plus grand chose à voir avec celui de Joyfull Bell et restitue au mieux l'ambiance de bordel ambiant attachée à l'idée de squat. Indéniablement, World Apartment Horror présente l’aspect visuel le plus abouti de ce manga. La composition des vignettes, le découpage, la variété des personnages, le soin apporté aux détails... On atteint là une sorte de « pic » formel. Ironiquement, c’est dans sa collaboration (et comparaison, de fait) la plus directe (sur le papier du moins) avec OTOMO que se manifeste, avec le plus d’évidence, une forme d’émancipation artistique sur le plan des influences perceptibles. Le fait que les deux partagent le même matériau de départ - une comédie sociale fantastique au regard acerbe (et irrévérencieuse) - accentuant sensiblement les effets de contrastes.

World Apartment Horror dans sa version manga était destiné, d'après le site de KON, à connaître d’autres chapitres qui ne virent jamais le jour. Les indices, contrairement au film, ne manquent d'ailleurs pas qui vont dans ce sens. Dommage. Mais en l’état, l’histoire se suffit amplement à elle-même.

Remarques d’ordre générale

Si le choix de présentation des histoires s’est opéré sur des critères d’esthétique et d’impact narratif et non dans l’ordre du sommaire du manga, il se dégage finalement de ce choix, rétrospectivement, une cohérence d’ordre quantitative dont il appartient à chacun de juger la pertinence : l’augmentation constante du nombre de planches.

A l'heure ou l'adaptation live de mangas (et comics / BD) devient un sport international, l'exercice "à rebours" auquel pourrait s'apparenter la démarche de KON concernant WAH, nous rappelle les qualités intrinsèques et exclusives de la narration dessinée. La bande dessinée n'est pas du cinéma "figé".

Un manga définitivement placé sous le signe du fantastique. Caractéristique qui peut aussi s'appliquer à son autre titre, Kaikisen. Par extension, c’est toute cette partie de la carrière de KON (couvrant trois années seulement) qui peut se ranger dans le registre du fantastique. Les mangas inachevés que sont Seraphim (SF) et la tentative de méta-fiction Opus (un mangaka s'introduit dans sa création), esquissaient sans doutes une évolution qui ne s'exprimera finalement que dans le champ de l'animation. Le mangaka "locataire" qu'il a été ne se sera donc pas donné le temps d'explorer d'autres voies. L’amateur regrettera forcément qu'il n’ait pas creusé le sillon de la bande dessinée de façon plus systématique.

Pour le moment aucun éditeur français ne semble sur les rangs pour distribuer le manga en France, mais il serait étonnant que ce titre ne fasse pas l’objet d’une adaptation dans notre langue dans la prochaine période.

Notes :

(1) Impression très subjective : une troublante (possible) ressemblance entre le personnage principal de cette histoire et l’auteur.

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(2) Concernant le film, KON est crédité par un site comme IMDB pour l’histoire, par d'autres sites il est crédité au "planning" ou au "concept". OTOMO et NOBUMOTO (co-scénariste de Tokyo Godfathers plus tard) le sont pour les scénarios. Dans une interview de 2003 au Media Arts Festival, KON déclare : " Il [OTOMO] me dit qu'il allait faire un film et me demanda si j'avais des idées. Finalement je l'ai aidé pour le scénario. Mais maintenant je réalise que c'était quelque chose de pas très enthousiasmant, et pas vraiment intéressant."

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(3) On notera que dans son film d’animation Tokyo Godfathers, KON fait également apparaître des étrangers de langue espagnole en situation précaire...

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(4) Les personnages féminins occupent d'ailleurs une place de premier plan dans l'oeuvre animée de KON, si ce n'est le premier rôle. Millennium Actress, Perfect Blue, Paprika..., les exemples ne manquent pas, dans des registres différents qui plus est. Une caractéristique de son travail déjà présente dans ses mangas donc, et à laquelle ses lectures de jeunesse ne sont sans doutes pas étrangères : " (...) Je préférais les manga, et j'étais tous le temps en train de lire des mangas pour filles. Fusako Kuramochi, Mariko Iwadate et Margaret Bessatsu étaint les plus populaires des artistes féminines de manga, et je dévorais tout ce qui venait de la Shueisha et des autres éditeurs." (Interview Media Arts Festival 2003)

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(5) La scène de la ridicule harangue nationaliste de Itta envers les squatteurs immigrés est assez parlante par exemple. Identiques dans le film et dans le manga, la "mise en scène" de KON et sa "direction d'acteurs" la font passer d'amusante à hilarante.

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05 décembre 2006
par Astec


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