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Zatoichi

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les avis de Cinemasie

13 critiques: 3.94/5

vos avis

102 critiques: 3.88/5



jeffy 4.5 Grand Kitano
Marc G. 4.5 Un sérieux coup d’aspiro sur le genre
Tenebres83 4.5
François 4.25 Un exercice de style assez jouissif
VincentP 4
Astec 4 Bien vu !
Ghost Dog 4 Une étape supplémentaire
Xavier Chanoine 3.75 Pas inoubliable, mais un essai transformé.
drélium 3.75 Enfin un Kitano qui sort de la mélancolie poussive habituelle.
MLF 3.75 Bas les masques
Arno Ching-wan 3.5 Des pixels qui piquent à la mère de Zatoichi
Ordell Robbie 3.5 Et pour quelques yens de plus...
El Topo 3.25 Essai (presque) transformé...
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Grand Kitano

Un film qui n'a rien de traditionnel, la vision de Kitano du monde transposée à l'époque des samouraïs. Cela nous donne des personnages avant tout seuls face au monde et aux autres, traduit par des plans parfois superbes, au milieu d'une violence dont nul ne saurait s'affranchir. A coté de cela les combats sont d'autant plus efficaces qu'ils sont simples, même si l'utilisation des effets numériques peut perturber. Et puis Kitano lui-même ne porte pas seulement son personnage, il le vit et cela se ressent d'un bout à l'autre avant qu'il ne se lache sur la dernière scène. Le final musical fait aussi partie des morceaux d'anthologie à voir et à revoir même en dehors du contexte du film.

08 mai 2004
par jeffy




Un exercice de style assez jouissif

Voir le Zatoichi de Kitano sans connaître les originaux, ce n'est sûrement pas la meilleur façon de découvrir cette série mythique, mais c'est au moins la certitude de donner un avis objectif du film sans avoir été influencé par les précédents opus. Or, à la manière du personnage qui ne voit rien mais qui voit tout, même sans avoir vu aucun des prédécesseurs, on sent bien dans le film ce qui a été importé et les ajouts de Kitano. Le film y trouve sa limite, Kitano s'appropriant en partie le mythe, mais sans réussir un film aussi personnel que ses meilleurs.

En effet, si l'on s'éloigne de son univers habituel en quittant l'époque contemporaine, on retrouve certains éléments typiques de son cinéma. Sa manière de filmer, évidemment, mais aussi ses touches d'humour, qu'on pourra juger soit déplacées dans un film qui ne lui appartient pas vraiment, soit bienvenues pour renouveler le mythe. N'ayant pas été influencé par les autres films, j'ai trouvé la touche d'humour efficace, mais un peu trop superposée sur le reste. De même, certains passages musicaux (avec les outils ou le final dansé) apporte une certaine originalité, mais entâme la cohérence.

On est donc à la fois surpris et ravi de l'être (c'est si rare au cinéma...), tout en étant à la fois un peu gêné tant on sent les entorses à l'esprit du genre. Kitano s'amuse, c'est évident, même si cela peut sonner comme de l'irrévérence face à un tel mythe. Ceci mis de côté, le reste est fort satisfaisant, avec une interprétation de très grande qualité, une histoire simple mais qui développe très bien des sous-intrigues jamais inutiles, des scènes d'action d'une sacré nervosité, et une réalisation globalement excellente. On regrettera évidemment les effets spéciaux parfois trop voyants, mais qui d'un autre côté apportent beaucoup aux scènes d'action.

Au final, même si le film comporte quelques longueurs et se montre moins convainquant musicalement parlant que les autres Kitano, il garde assurément la patte du génial auteur, et se révèle être un film hybride très plaisant, assis entre la personnalité de son réalisateur et son histoire déjà très fournie. Ce n'est sûrement pas le meilleur Kitano, mais si tous les films de commande ressemblaient à celui-ci, le cinéma ne s'en porterait que mieux.



27 mai 2004
par François




Bien vu !

Un film de genre amusant, graphique, drôle, plein d'action, sanglant sans verser dans le guignolesque, innovant sur le plan formel, avec des choix musicaux originaux...

Zatoichi est un bon film, pas un chef d'oeuvre mais un bon film car Kitano n'a pas cherché à faire du Kitano (l'ellipse comme système narratif) et s'est plié, en cinéaste intelligent, aux codes du genre tout en y apportant sa touche mais sans jamais tenter de phagocyter son matériau de départ. Il y a des combats, une scène dans un tripot qui vaut son pesant de ce que vous voulez et surprend par son "énergie", de l'humour qui n'est jamais auto parodique, une utilisation de la musique faisant flirter le film de sabre avec la comédie musicale (et qui justifie artistiquement l’absence de Joe Hisaishi), des chorégraphies qui sans révolutionner les canons du genre y apportent une certaine évolution : la scène en «vue isométrique » -plongée- ou le personnage de Tadanobu Asano se fait le gang rival, la façon dont Zatoichi dégaine son sabre –revers- et qui participe de la réussite du duel final (effet préparé par une escarmouche dans une auberge au début) et plus généralement l’introduction d’une fluidité dans les combats qui ne doit rien à HK (ce n’est pas du Kitamura) et souvent absente dans les autres films de sabre. L’intrigue est simple, carrée, rondement menée, le combat sous la pluie (la kryptonite du masseur aveugle, la pluie gênant ses perceptions) qui évoque ceux de l’ancienne série (et les scène à la Kurosawa, dixit Kitano), n’est pas oublié, l’interprétation d’ensemble est solide et le couple Kitano/Asano fonctionne à merveille...

On pourrait mettre en perspective ce Kitano avec ses travaux précédents, mais finalement cela n’aboutirait qu’à mettre en exergue le fait que le cinéaste avait conscience de réaliser un film aux règles de bases (le genre) dont il ne fallait pas s’affranchir sous peine de se perdre. C’est donc dans ce cadre établi que Kitano construit par petite touche une personnalité filmique divergente de celle de l’original. Car voilà, le principal défi auquel il était confronté, en plus de séduire le public nippon (chose modestement faîte avec ses plus de 25 millions de dollars de recettes) était de tenir la comparaison -sans entrer en concurrence directe- avec l’ombre de Shintaro Katsu l’interprète historique du personnage. Et il faut lui reconnaître qu’il le fait plutôt bien : les cheveux blonds (opposé aux cheveux sombre de l’original) ont choqué la première fois mais dans le film cette touche de modernité une peu voyou (un peu yakuza, comme l’est l’univers de Zatoichi : jeux, tripots, gangs...) passe comme une lettre à la poste, une canne épée de couleur différente (ici rouge sang contre le marron terrien de l’original), une violence plus énigmatique que celle des films précédents (pourquoi son personnage se livre t-il à un jouissif et surprenant massacre gratuit à un moment du film ?), un zatoichi moins bonhomme et plus énigmatique dans ses rapports aux autres, un épilogue qui ouvre une nouvelle dimension dans le personnage de Zatoichi en installant un doute sur un de ses caractère fondamentaux, une ambiance générale plus fantaisiste mais qui ne tombe pas dans le « je m’en foutiste » (on est bien dans un cadre historique)...

Si vous n’avez pas encore vu >Kill Bill Volume 1 et Zatoichi et bien gardez le Kitano pour la fin. Commencez donc par le Tarantino car dans l’autre sens l’exercice de style façon geeks américain y perdrait le peu d’intérêt intrinsèque qu’on peu lui prêter... Et puis de cette façon les qualités de Zatoichi se font encore plus lumineuses.



07 novembre 2003
par Astec




Une étape supplémentaire

Lorsqu’on regarde Zatoichi, on se dit que Kitano a franchi une sacrée étape depuis ses films de yakuza des années 90 dont l’apogée est Hana-Bi. Cette étape est tout d’abord artistique, car il n’hésite plus désormais à sacrifier le sacro-saint « style Kitano » composé d’ellipses récurrentes, préférant adapter sa mise en scène et son montage à l’histoire qu’il raconte. Elle est aussi et surtout la reconnaissance mondiale depuis le Lion d’Or à Venise de 1997, qui lui confère une liberté thématique et budgétaire bien plus conséquente. Ainsi, après une comédie sentimentale entre un adulte et un gosse, une escapade à L.A. et une histoire d’amour impossible esthétisée, le voici s’attaquant sans complexes à un mythe dans l’archipel nippon, le célèbre sabreur aveugle Zatoichi qui a donné lieu à une vingtaine de films dans les années 60-70.

Autant le dire tout de suite, tout n’est pas réussi dans son œuvre. La fin, par exemple, a de quoi dérouter : en effet, le vrai-faux rebondissement sur l’infirmité de Zatoichi ou la chorégraphie musicale avec l’ensemble des personnages ont de quoi surprendre, mais pas forcément dans le bon sens ; même si Kitano se permet tout, reste que ça fait parfois « too much », d’autant que les effets spéciaux utilisés – avec parcimonie heureusement – ne sont pas toujours du meilleur goût. Ces quelques reproches mis à part, force est de constater quand même que Kitano signe un excellent divertissement mélangeant combats au sabre tranchants et gags plutôt inspirés. Le scénario ne se cantonne pas à Zatoichi ; il laisse une large part à la description d’une société japonaise basée sur la loi du plus fort (et dire qu’on nous bassine aujourd’hui avec l’insécurité dans les rues…), et se concentre sur le destin triste de 2 orphelins vengeurs déguisés en geishas itinérants. Dans les meilleurs moments, Kitano réussit à atteindre un niveau de poésie et de contemplation époustouflant, sublimé par une bande-son très « sakamoto-ienne » qui transcende certaines scènes : citons par exemple la répétition de danse du jeune homme travesti ou la mise à feu par 5 hommes de main de la cabane où Zatoichi avait trouvé refuge initialement, scène où l’on regrette que Le Seigneur des Anneaux n’ait pas cette dose de magie supplémentaire.

Bénéficiant d’une superbe reconstitution de l’époque (on sent les moyens financiers…) et d’une interprétation sans failles (Kitano est excellent, mais les seconds couteaux ne le sont pas moins), Zatoichi a tout pour plaire au grand public. Enfin, presque.



12 novembre 2003
par Ghost Dog




Pas inoubliable, mais un essai transformé.

Kitano s'empare de la canne du Zatoichi de Misumi pour une réadaptation plutôt soignée dans son ensemble. A défaut de transporter le spectateur dans un univers propre à celui de Kitano, ce Zatoichi nous convie plutôt à un spectacle agréable, sans retenue, rendant un bel hommage au film éponyme de 62. Il y a tout ce que peut raffoler le fan de chambara : des méchants carrément idiots, des alcooliques et des sabres à n'en plus finir. Ca pourfend dans tous les sens, les scènes de meurtres sont cette fois-ci exagérées par des gerbes de sang numériques bien foutues et à des mises à mort dignes du western italien.

C'est simple, le duel de fin fait obligatoirement penser à celui d'un Leone avec ses préliminaires et sa sentence de mort aussi brève que théâtrale. En dehors de sa violence plutôt appuyée, Zatoichi puise ses qualités dans son ambiance légère et sucrée, mélangeant humour et dérision sans aucune gène. On pourrait même y voir un Kitano souriant et prenant vraiment son pieds dans la peau du masseur aveugle, bien entouré, il est vrai, par une brochette de personnages saugrenus tout droit sortis de la planète Mars. Il y a ce gros gamin samouraï courant dans tous les sens, ces boss yakuza aussi peureux que ridicules, ou bien ce Shinkichi pensant que la chance peut revenir une fois les yeux totalement fermés.

A ce joyeux bordel, il manque une musique plus intéressante. En dehors de fabuleux bruitages (faisant presque office de musique), on passe souvent du bon au mauvais (fabuleux thèmes contre mélodies ratées au synthé...Hisaishi n'étant plus là, on fait avec les moyens du bord). De plus, si la réalisation est réussie, on pestera contre un manque de fantaisie. Je préfère les cadres statiques d'un Hana Bi, Sonatine ou Kikujiro. Mais là c'est sûrement la nostalgie qui ressurgit, étant donné qu'après DDolls le style du maître ne sera plus jamais le même.

Esthétique : 3.75/5 Musique : 2.75/5 Interprétation : 4/5 Scénario : 3/5

23 juillet 2006
par Xavier Chanoine




Bas les masques

Le film entier est organisé comme un théâtre, exhibant ainsi son évidente filiation au kabuki. Non sans rappeler le cinéma de King Hu, l’action se passe dans un village isolé du monde. L’auberge, le temple dans la montagne, c’est le dispositif d’une narration en lieu clos qui est repris.

L’idée, bien que simple, n’en est pas moins belle : d’une manière visuelle ou oral chaque protagoniste est introduit par un rôle originel ainsi qu’une fonction dans le village. De là le film cherche à identifier chacun d’entre eux. D’un côté des statuts, de l’autre des corps. Chacun doit être mis en relation ; à chaque corps correspond un statut : il s’agit de faire tomber les masques.

Tout ceci est mis en scène dans un style purement kitanien. Le personnage principal est pour ainsi dire muet, ne répondant que par des rires et autres sons monosyllabiques. A croire que chez Kitano le mot exprime moins d’authenticité que le son pure. En effet, par ce dispositif le personnage de Zatoïchi paraît plus vrai. Joie, colère, violence, douceur, tout chez lui est sans détour. Le personnage possède ainsi quelque chose à a fois d’enfantin (naïf) et d’animal (instinct).

Deux variations évidentes apparaissent néanmoins dans le cinéma de Kitano : D’une part la gestion de la violence, d’autre part le rapport à la mort. Kitano a toujours posé en principe la nécessité de ne rien ajouter à la violence. La retranscription brut (ou presque) de ce qui a été enregistré est la règle. La caméra est froide, neutre, témoin impuissant des événements. La violence et la mort sont des choses graves, sérieuses. Il ne faut en aucun cas en diminuer l’importance en essayant d’en faire du sensationnel. Chez Kitano, un corps qui meurt est un corps qui tombe. Le plus souvent, la vie quitte le corps en étant hors-champ. Un raccord son ou d’action montre ensuite un corps déjà mort, figé sur sa dernière crispation, qui tombe. La plus belle illustration de ce dispositif restant bien entendu la scène du bar dans Sonatine

.

Avec Zatoïchi, kitano abandonne définitivement ce rapport sombre, ce discours dur. Violence et mort son devenues des éléments de son cinéma. Il les a finalement intégré et ne les traite plus comme sujet.

Ainsi, Zatoïchi est traversé par une vibration heureuse qui, sans toucher à ce qui fait le cinéma de Kitano, le rend encore plus délectable. Alors qu’on pouvait s’inquiéter d’un enlisement du réalisateur à la fois sur une histoire déjà mainte fois adapté au cinéma, mais également dans un dispositif personnel épuisé qui n’aurait plus rien à dire, Kitano prouve avec Zatoïchi qu’il est un grand réalisateur. Il renouvelle ici son cinéma sans rien perdre de son identité.



05 février 2006
par MLF




Des pixels qui piquent à la mère de Zatoichi

Ce film vieillit mal à cause tout simplement du gore en cgi pourri qui date de début 2000. C'est moche, ça se voit, et flingue - sabre - salement ce Zatoichi-là. Les vieux Misumi n'ont pas ce problème. Sinon c'est un bon chambara et j'aime toujours autant ses écarts musicaux. 

Pouf, pouf. J'ai eu une idée géniale et tiens à la partager ici. Alors voilà, c'est un film qui raconterait l'enfance de Zatoichi. Personnage principal :sa mère, qui serait jouée par Kitano lui-même, un peu à la manière de Michel Piccoli dans Jardins en automne, pour ceux qui connaissent. On lui colle un chignon et roule. Une vieille filoute, donc, qui passe son temps à traîner dans les salles de jeu. Elle triche, se sert de son fils pour accomplir de basses besognes. Ce qui ne l'empêche pas de le frapper régulièrement, de se défouler sur lui. Un beau jour, elle s'en lasse. A cause de sa cécité, il devient un gros boulet. Et de l'enfermer dans une vieille grange au milieu d'essaims d'abeilles (clin d'oeil à Ninja Scroll : check). A lui de s'en sortir et de dompter, évidemment, son handicap, en découpant les insectes à l'aide d'un vieux sabre rouillé trouvé là. Il retrouve sa mère, ils s'engueulent (...) Ponctuation-climax : une horde de types débarque pour la zigouiller - elle leur doit un paquet de blé - et le jeune Zatoichi les dégomme tous dans la joie et la bonne humeur. Et la difficulté : le bretteur fou vient juste de naître. Pour finir, elle lui cogne la tête avec un bout de bois en lui enjoignant d'arrêter de faire son intéressant. Le soir, elle s'endort en gémissant. Elle a été blessée pendant la bataille. On croit qu'elle va mourir devant le regard humide de son fils. Mais non, elle se réveille au petit matin, l'engueule parce que le petit-déjeuner n'est pas prêt, puis ils s'en vont tous deux sous le soleil couchant en s'invectivant - FIN. 90min max, hop. Génial, non ? :) 

22 juillet 2017
par Arno Ching-wan




Et pour quelques yens de plus...

Pour commencer, précisons que Zatoichi est un film de pur mercenaire -mais après tout Leone, le cinéaste qui introduisit cet aspect-là dans le western, racontait toujours en interview faire ses films "pour manger"-: Kitano n'aime pas particulièrement la série originale mais il exécute son contrat pour Saito Chieko, propriétaire septuagénaire d'un célèbre club de strip tease de l'Asakusa natal du cinéaste très prisé des intellectuels dans l'immédiat après-guerre et aujourd'hui "lieu de détente" pour salarymen nippons. Cette femme put se faire un carnet d'adresses dans le show business, devenant une amie fidèle d'un Katsu Shintaro venant souvent flamber dans son club. Après sa mort, elle voulait qu'un Zatoichi soit refait et avait en tete Kitano pour le role-titre. Elle finit par faire sa connaissance et lui fait la proposition qu'il accepte comme challenge -un peu comme remplacer Sean Connery dans un Bond- et parce qu'il y voit potentiellement un succès au box office -le film sera d'ailleurs numéro 1 au BO nippon-.

Zatoichi n'est donc pas Hana Bi ni meme Dolls mais il a au moins le mérite de faire savoir très vite qu'il n'en a pas la prétention. Le pitch de cette tentative de Kitano de se réapproprier le chambara, ce n'est rien de plus que Yojimbo version Kitano: un samourai solitaire qui arrive dans un village terrorisé par des bandes rivales et va se poser comme le défenseur de la veuve et de l'orphelin face aux bandits. Du mille fois vu donc. Mais à défaut d'inventer la poudre, Kitano connait assez ses classiques pour la faire bien parler tout en amenant des éléments personnels. Après Dolls qui renouvelait déjà son approche de la violence, il propose encore autre chose ici, les fans de la Kitano's touch qui auraient espéré un Aniki mon Frère chambara -i.e. le personnage cinématographique Kitano et le style Kitano parachutés chez les samourais- en seront peut-etre frustrés mais il valait mieux que Takeshi s'écarte d'effets de signature pillés à tort et à travers: un filmage frontal de la violence et des geysers de sang dans la lignée (final de Sanjuro)/Babycart version numérique allié à un dynamisme d'exécution hérité du cinéma d'action moderne, un choix de réalisation pour les combats au sabre qui fait évoluer le genre plus qu'il ne le révolutionne mais hautement efficace et jouissif. Son style de jeu a également évolué: alors qu'on se serait attendu qu'il confronte son personnage cinématographique et son style de jeu à la figure de Zatoichi, Kitano offre un jeu plus expressif correspondant bien au personnage de Zatoichi; le coté peu expressif du Kitano old fashion n'aurait pas convenu à cette figure à la distance tranquille et moqueuse en descendance directe des westerns spaghettis, surtout que les personnages du film sont des figures hautes en couleurs éloignées de ses yakuzas aux visages figés mais expressifs.

Qui plus est, si la touche Kitano se situe dans une réalisation personnelle meme si sans effets de signature, elle est également dans le traitement du personnage qui ne se limite pas aux questions capillaires: Zatoichi tue mais ce n'est pas pour l'argent. Pour défendre les paysans? Ses actes et sa posture sont quand meme loins de la bravoure des 7 Samourais. De là à penser qu'il utiliserait des alibis moraux pour assouvir son plaisir à "sabrer" tout ce qui bouge vu que ses actes ne sont jamais explicités par le film... Ici, Kitano réussit donc à rendre hommage a un de ses maitres tout en évitant le déjà vu. Aux longs moments contemplatifs chers au cinéaste s'est substitué un élément pas négligeable dans une bonne série B d'action: l'humour le plus souvent bien plus efficace ici que dans Brother. Le temps passé par Zatoichi au village est ainsi l'occasion de passages hilarants meme si certains d'entre eux ne font pas dans la dentelle:SPOILER le jet "à l'aveugle" de morceaux de bois, le lancier s'entrainant tous les jours autour de chez lui alors que la guerre est finie, le joueur se ridiculisant en tentant d'imiter la technique de reconnaissance à l'ouie des dés du masseur aveugle lors des paris, la façon dont Zatoichi reconnait "à l'odeur" le sexe des geishas, les enfants ridiculisant un adulte lors d'un entrainement au maniement du sabre, un des personnages au physique ingrat cherchant à se maquiller en travesti -là c'est assez lourd- sans compter quelques dialogues ne manquant pas de mordant. FIN SPOILER

Kitano peint en outre une gallerie de figures pittoresques parfois approfondies par l'usage de flash backs explicatifs: le personnage d'Asano Tadanobu -égal à lui-meme donc grand, Kitano a eu la bonne idée de le caster pour exploiter une alchimie entre lui et Asano déjà existante dans Tabou- en garde du corps mercenaire à la Yojimbo -sans le coté crade assumé- occasion de montrer la dureté et la rigueur des entrainements au sabre en bois et d'exploiter psychologiquement le rapport maitre/élève lorsqu'Asano doit exécuter une mission -je n'en dis pas plus...-, les deux geishas -un frère travesti et sa soeur- nées dans la richesse mais au destin brisés par des bandits asoiffés d'argent, la femme qui accueille Zatoichi, les ninjas entre autres. Sauf que concernant ce point précis le film souffre des intentions post-modernes ultravisibles du cinéaste: en faisant ces flash backs afin d'enfoncer le clou kurosawaien du film, Kitano offre des moments certes intéréssants mais qui déséquilibrent la structure narrative du film, lui faisant du coup perdre de l'impact et de l'efficacité en tant que série B d'action. A part ça, le film est l'occasion pour Kitano de célébrer certaines traditions japonaises: la mise en scène se fait attentive aux gestes agricoles au début du film et au travail de reconstruction d'une partie du village à la fin, au cérémonial des spectacles musicaux des geishas.

Certains diront à tort que le côté réactionnaire du cinéaste transparait trop dans le film, verront du "retour à la terre" là où il n'y a que de la célébration des petites gens -paysans, geishas, tenanciers de bars modestes- et de leurs coutumes, bref voir du populisme là où il n'y a que de l'affection jamais compatissante pour le peuple et du cinéma populaire qui n'en est pas pour autant démagogique. SPOILER Le film s'achève en outre sur une grande scène de tap dancing à l'allure un peu trop "tambours du bronx" mais assez jouissive alternée avec la fin des aventures de notre héros, c'est du n'importe quoi à la HK des mauvais jours qui passe sur le fil parce que le projet assume pleinement son manque de sérieux, le mercenaire Kitano a de toute façon à ce stade rempli son contrat et se permet donc de jouer les dilettantes. FIN SPOILER Hors combats, la mise en scène n'invente pas la poudre mais sait la faire parler en maniant bien le travelling et la focale tout en offrant quelques beaux moments de cinéma: la scène qui croise le présent du frère et de la soeur répétant adultes leur numéro musical avec les memes instants faits juste après qu'ils aient tout perdu enfants, les images de ce qui est raconté se superposant dans le meme plan au récit de certains personnages. Mention spéciale quand meme à Yamamoto dont les costumes participent de l'effort de reconstitution d'époque sans tomber dans le tape à l'oeil et aussi pour une raison bien moins flatteuse à un score sous influence tap dancing et mauvaise série télé qui fonctionne sur le fil par son coté décalé sans égaler et de très très loin les partitions d'Hisaishi.

Au final, Zatoichi est réussi en tant que relecture d'un mythe du cinéma japonais : après un Dolls inabouti mais risqué, Kitano réussit l'exploit d'étonner à nouveau avec un film de commande faussement mineur, bourré de gros défauts mais apportant du neuf sous le soleil du chambara. Malgré un manque de la maîtrise qui aurait pu en faire un grand Kitano (outre les points de réserve mentionnés plus haut le film n'est pas toujours irréprochable niveau montage, un peu longuet même par moments), Zatoichi confirme que s'il n'a pas encore retrouvé son meilleur niveau des années 90 l'inspiration est en voie de renouvellement chez Kitano, alors que meme s'ils étaient intéréssants Kikujiro et Aniki inquiétaient par moments de ce point de vue.



15 octobre 2003
par Ordell Robbie




Essai (presque) transformé...

De prime abord, le projet de Kitano avait tout pour fédérer autant de crainte que d’enthousiasme.

La crainte. La crainte parce qu’on ne s’attaque pas à un mythe comme Zatoichi à la légère, parce qu’on pouvait légitimement se demander comment remplacer un acteur tel que Katsu Shintaro (qui plus est sachant que c’est cet interprète décédé en 1997 qui a fait la légende de Zatoichi en créant de toute pièces ou presque le personnage), parce que rien n’indiquait que Kitano saurait rentrer dans le carcan étroit imposé par l’univers de la série et y faire son nid sans perdre le spectateur en route. La crainte aussi parce que les circonstances dans lesquelles le projet s’est retrouvé entre les mains de Kitano (qui devaient à l’origine se cantonner à l’interprétation du rôle titre tandis que Miike Takashi se serait occupé de la mise en scène) ne sont pas restée secrètes bien longtemps après que le réalisateur de Ichi the Killer a été vidé de ses fonctions par les producteurs de peur qu’il ne fasse ce à quoi il a habitué le public c'est-à-dire le plus grand n’importe quoi. La crainte parce qu’on savait depuis longtemps de quelle couleur sont les cheveux de Kitano dans le film, parce que ce n’est pas Hisaishi qui s’et occupé du score, parce qu’on se souvient de Getting Any ? et qu’on ne pouvait pas imaginer sans sueurs froides ce que Kitano allait faire de sa « totale liberté artistique ». La crainte enfin parce que Kitano ne s’est jamais caché d’un manque d’intérêt certain pour la série originale, notamment à cause de Katsu Shintaro qu’il jugeait trop cabotin et était loin d’apprécier…

Oui mais l’enthousiasme. L’enthousiasme parce que Kitano reste un des plus grands cinéastes nippon en activité et que le principal reproche qu’on pouvait lui faire jusqu’à présent (à savoir l’utilisation à outrance d’une « Formule-Kitano » qui fait se pâmer le critique européen plus vite qu’il n’en faut pour faire bouillir de l’eau salée pendant une éruption du Fuji-Yama) n’avait plus de raison d’être vis à vs d’un tel projet. L’enthousiasme parce que Zatoichi reste, 14 ans après le dernier épisode tourné, une série culte tant par son originalité intrinsèque que pour le souffle qu’elle su insuffler au chambara des années 60-70 en cultivant un mélange détonnant de matatabi no mono, de shomin-geki, de chambara et de jidai-geki. L’enthousiasme parce qu’on a pu voir dans Tabou de Oshima Nagisa ce que vaut le duo Kitano Takeshi/Asano Tadanobu, l’enthousiasme enfin parce qu’un deuxième Kitano dans l’année, six mois à peine après le très beau Dolls, ça ne se refuse pas.

Alors qu’en est il ?

Difficile à dire de prime abord car il est presque autant de réserves qui se vérifient que de franches satisfactions. Ainsi, le film fourmille de détails qui auront tout pour ravir tout autant les amateurs de Zatoichi la série que ceux de Kitano, mais il recèle aussi un certain nombre de défauts qu’on eu pas forcément pardonnés si l’entreprise n’avait pas été si ambitieuse. Du très bon pré-générique au surprenant et irrévérencieux (que Kitano prétende avoir voulu rendre hommage à l’épilogue traditionnel du shomin-geki fleure bon l’hypocrisie et l’explication spécieuse) final, Zatoichi délivre beaucoup de raisons de l’aimer mais aussi malgré tout de quoi agacer à plusieurs reprises son spectateur.

Pourtant, on ne peut pas dire que Kitano ne s’est pas montré respectueux de la série. Hormis le personnage en lui-même qui déplaira peut être aux fans de Katsu Shintaro puisqu’il perd en altruisme et en grotesque ce qu’il gagne charisme et en ambiguïté, hormis les combats de sabre nettement plus proches d’un Baby Cart par exemple, et hormis bien sûr les intermèdes musicaux qu’on peine à imaginer dans un épisode « traditionnel » de Zatoichi, on retrouve à peu près tout ce qui faisait le prix de la série originale : la structure classique fortement inspirée du Yojimbo de Kurosawa Akira, les sens auditif et olfactif surdéveloppés de Zatoichi, les saillies humoristiques (même si elles sont ici plutôt plus nombreuses et si la « touche Kitano » y est parfaitement reconnaissable) , les scènes de jeu, de combat de sabre, un petit peuple japonais que Kitano nous montre avec la plus grande affection dans l’exercice des gestes qui lui sont propres, les yakuzas sans foi ni loi qui perturbent l’équilibre d’une paisible bourgade de l’ère Edo… Et à Kitano d’ajouter à ce canevas original respecté un bon nombre d’idées plus ou moins de son cru (les heurts des outils des paysans qui forment plus ou moins une symphonie hip-hop font furieusement penser à ce qui avait déjà été fait dans le Dancer in the Dark de Lars von Trier, un hasard ?) telle le concours de la musique donc, mais aussi diverses histoires secondaires qui se greffent sur la trame principale (celle des deux Geishas prend particulièrement bien) sans qu’on ait l’impression d’un quelconque rejet, les nombreuses touches d’humour qui interviennent sans marquer de rupture, la magnifique scène sous la pluie qui rend un hommage patent aux Sept Samouraïs de l’Empereur Kurosawa ou encore le très touchant couple des personnages du rônin déshonoré (interprété par un Asano Tadanobu qui n’a de cesse d’impressionner par sa constance dans l’excellence) et de sa femme malade. Enfin on notera que la mise en scène tout autant que l’interprétation de Kitano se départissent enfin des (nombreux) effets de signature du réalisateur de Hana Bi ce qui est évidemment salutaire et rafraîchissant à la fois.

A lire cet inventaire des multiples réussites de Kitano dans cette tentative qui, on ne l’a que trop dit, avait tout d’un projet-piège, on finirait par croire qu’il s’agit d’un succès intégral. Pourtant on le sait, le film renferme trop de défauts pour parvenir à se hisser au niveau des plus grandes réussites de son réalisateur, Hana Bi et Sonatine en tête. Ainsi on regrettera que le montage, pourtant brillant durant la plupart des scènes de sabres, s’avère relativement médiocre sur la durée du film avec (et c’est un comble pour un cinéaste aussi rôdé dans cet exercice) au moins un faux-raccord évident et plusieurs plans absolument inutiles (SPOILER sans compter la répétition superfétatoire du premier meurtre des geishas FIN DU SPOILER). Pareillement, les collaborations avec Hisaishi nous avaient laissé un bien meilleur souvenir en matière de score que la partition accablante délivrée par Suzuki et qui vient entacher la scène finale alors que l’idée de base était très séduisante. C’est d’ailleurs peut être la seule composante du film qui bascule du côté du populisme quand l’ensemble relève de l’excellent divertissement populaire. Par ailleurs, on regrettera que le recours au numérique lors des effusions d’hémoglobine soit parfois beaucoup trop voyant pour se justifier exclusivement par une volonté de donner un « côté cartoon » à ces scènes (puisqu’il semble que c’était l’intention de Kitano). SPOILER Enfin certains déploreront le trop-plein d’audace de Kitano quand il se permet vers la fin du film (alors qu’il s’était montré très respectueux jusque là) de laisser planer une ambiguïté autour de la cécité de Zatoichi. Bien sûr, cela apporterait une réponse à ceux qui cherchent à tout prix une explication logique à ses troublantes performances de bretteur, mais il faut bien rendre compte que c’est cette caractéristique du personnage qui fait tout l’intérêt de la série et sa remise en question apparaît comme une maladresse ou pire, de la complaisance vis-à-vis du matériel d’origine. FIN DU SPOILER

Cela dit, Zatoichi version Kitano rester un excellent divertissement et constitue une belle réussite en ce qui concerne la réappropriation du "mythe Zatoichi". Pour ces deux excellentes raisons mais aussi et surtout parce que ce long-métrage permet à son réalisateur de se renouveler enfin, il constitue malgré ses quelques défauts un des maillons forts de la filmographie de Kitano.



12 novembre 2003
par El Topo


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