A Hero Never Dies

Le 12 Mai, une forte délégation Hong-Kongaise était présente à Cannes pour une soirée de promotion. Jackie Chan, Jet Li, Tsui Hark, Andy Lau, Sammo Hung, on n'avait jamais vu cela en France. Cette soirée est la parfaite démonstration des nouvelles ambitions du cinéma de Hong-Kong après une traversée du désert qui l'a laissé exsangue.
Passé

Peking Opera Blues

Revenons rapidement sur son histoire. Le cinéma de Hong-Kong peut trouver son origine dans l'opéra chinois. Ce sont en effet les interprètes de cet art ancestral qui se tournèrent vers le grand écran quand au milieu du XXème siècle leur art déclina. La série d'une centaine de films sur Wong Fei Hong (héros d'Il était une fois en Chine) vit alors le jour et marqua la début du succès de ce cinéma. S'en suivent plusieurs époques où les films martiaux dominent la scène Hong-Kongaise : Wu xia pian (film de sabre) en cantonais, puis mandarin, films de Kung-fu avec l'arrivée de Bruce Lee. Le début des années 80 voit l'avènement de la nouvelle vague, Tsui Hark en tête. Quelques années plus tard John Woo explose et fait du polar le nouveau genre à la mode, ce qui n'empêche pas Tsui Hark de revitaliser les films d'arts martiaux au début des années 90. Nous sommes dans la décennie phare du cinéma de Hong-Kong, probablement la plus productive de son histoire, aussi bien en quantité que qualité.


The Killer

Si l'on observe les films de cette périodes, plusieurs caractéristiques apparaissent :

- une grosse production (jusqu'à 230 films par an) pour une majorité de petits budgets
- peu d'ouverture sur l'étranger aussi bien au niveau casting que marché potentiel
- un certain laxisme dans ses scénarii (ce qui n'est pas forcément un défaut, regarder les comédies de Samo Hung, c'est n'importe quoi mais les acteurs faisaient le reste).

L'industrie HKgaise pouvait se permettre tout cela à l'époque. La place de cinéma était bon marché, les VCDs pas encore piratés industriellement comme maintenant, les acteurs tournaient 15 films par an. C'était l'époque de la productivité maximale, avec bien sûr des navets et aux autres photocopies de film, mais aussi et surtout une créativité débordante.

Présent

The Stormriders
Puis plusieurs facteurs ont fait que l'édifice s'est cassé la figure. VCDs pirates à prix défiant toute concurrence, crise financière qui a fait trembler toute l'asie, lassitude des films d'exploitation (merci à Wong Jing pour exploiter tous les filons jusqu'à plus soif), retour de HK à la Chine, départ des stars à l'étranger. Tout cela se conjugue pour que le succès des films locaux chute. Les films américains règnent, la production tombe à environ 80 films en 1998. Seul Johnnie To et la Milkyway Image résistent, avec quelques cinéastes indépendants (Fruit Chan pour ne citer que lui). Mais leur films ne sont pas vraiment des gros succès commerciaux, mais plus critiques. Les films d'arts martiaux sont morts, Andrew Lau lance Ekin Cheng avec son Stormriders, Cecilia Cheung devient la nouvelle chouchou de la profession. Etoiles filantes dans un ciel couvert. Le XXIème siècle débute plein d'incertitudes pour un cinéma à genoux.
Futur

In the Mood for Love

Mais depuis deux ans, la résistance s'est organisée. La chasse aux VCDs pirates commence à porter ses fruits, sans être non plus parfaitement efficace. Des nouvelles sociétés de production ont vu le jour, et même la Shaw Brothers (mythique studio qui a donné naissance à de fabuleux films de kung-fu dans les années 70) va refaire des films. Les films locaux commencent à regagner leur place en tête du box office local, Tigre Et Dragon et In the Mood for Love récoltent les succès publiques et critiques de part le monde. L'armée Hong-Kongaise et ses généraux débarquent à Cannes pour montrer que non, A Hero Never Dies (titre d'un film de Johnnie To), un héros ne meurt jamais.

La magie du cinéma de HK est-elle de retour ? Oui et non. Non parce qu'on ne reverra jamais plus de période comme celle de 1985-1995. De même qu'on ne reverra pas de cinéma américain comme dans les années 70. Les temps changent, c'est le cas de le dire, les cinémas doivent s'adapter pour le meilleur et pour le pire. Celui de Hong-Kong n'a pas d'autres choix, et voici ce qui se profile à l'horizon.

Premièrement, plus de films, mais pas trop. C'est à dire environ 150 par ans (comme en 2000), avec de plus gros budgets en moyennes. Suite à la crise financière de 1997, le public ne va plus voir n'importe quoi au cinéma. Il choisit son film avec plus de soin, et entre un énième film de triades Hong-Kongais et une production américaine bien léchée, le choix a été vite fait durant les dernières années. L'amélioration de la qualité globale des films depuis un an commence à ramener les films asiatiques sur le devant de la scène.


China Strike Force

De même, on soigne les scénarii, fini l'époque où on finançait un film sans avoir un script bouclé. Les standards occidentaux ne sont pas les mêmes que ceux orientaux. Les films ne sont plus HKgais pour les HKgais mais asiatiques pour tout le monde. Attendez vous à des castings internationaux pour des coproductions de plusieurs pays à l'image d'un Moonlight Express (coproduit par le Japon avec une japonaise en tête d'affiche, tourné à Hong-Kong) ou China Strike Force (Aaron Kwok pour Hong-Kong, une jolie japonaise, Mark Dacascos et Coolio pour le public occidental). Voir même des films tournés en anglais (The Accidental Spy, dernier Jackie Chan en date avant Rush Hour 2) ou des collaborations encore plus étroites entre les grands pays du cinéma asiatique : Hong-Kong, Japon, Corée du Sud, Thaïlande. Ces pays vont collaborer pour faire des films ensemble, exploitables dans toute l'Asie voir même en Occident.

L'effet Tigre et Dragon...

On peut donc dire que la magie des années dorées est morte. On ne pourra plus rattraper une scénario inexistant avec de la bonne humeur et des idées géniales. On attend toujours la nouvelle vague qui viendra épauler les vieux ténors et prendre leur relève. Les films seront moins opaques culturellement pour des raisons d'exploitation internationale. Autant de raison de dire au revoir à ce cinéma fou qui n'appartient plus à notre époque.


Shaolin Soccer

Mais d'un autre côté, il y a toujours une volonté de garder un identité culturelle. Certains cinéastes comme Gordon Chan souhaitent préserver l'identité forte des films Hong-Kongais. De plus l'effet Tigre et Dragon permet la renaissance des films d'arts martiaux qui étaient au point mort depuis cinq ans. Et quel genre est plus typiquement asiatique que celui-ci ? On attend donc avec impatience les Legend of Zu et autres Shaolin Soccer pour voir si la magie va renaître sous une forme un peu différente, mais renaître tout de même. Certaines forces vives du cinéma de Hong-Kong sont toujours là et productives.

Tsui Hark sur son seul nom récolte des fonds américains pour tourner un Time and Tide bancal, génial par moment, loupé par d'autres, qui ne trouvera jamais un large public (son échec à Hong-Kong le montre clairement). Après deux Vandammes plutôt catastrophique, le maestro montre qu'il n'a rien perdu de son génie chaotique et tout le monde attend son Legend of Zu comme le détonateur d'une nouvelle période faste.

Après quelques films commerciaux qui ont très bien marché, la Milkyway Image de Johnnie To revient au polar, en espérant une aussi bonne série que celle de 1995 à 1999. To, Wai Ka-Fai, Patrick Yau, les talents sont là.


The Longest Summer

Ajoutons quelques autres réalisateurs au potentiel énorme, tels que Fruit Chan, Ringo Lam, Patrick Leung, Gordon Chan, Daniel Lee, et on garde des raisons d'espérer. Malgré le départ d'acteurs comme Chow Yun-Fat, Samo Hung, Jet Li, Michelle Yeoh, il reste encore d'immenses talents à Hong-Kong comme Anthony Wong, Francis Ng, Lau Ching-Wan, Leslie Cheung, Stephen Chow, les deux Tony Leung.

Les munitions sont là, il faut juste trouver un viseur bien réglé pour faire mouche. La Milkyway a démontré au milieu de la crise que le talent Hong-Kongais était encore vivant. Des films comme Hero Never Dies, The Mission, The Longest Nite ou encore Too Many Ways to be Number One figurent parmi les meilleurs polars jamais réalisés à Hong-Kong. La sortie en France de The Mission est une première, qui espérons le sera suivie. C'est sûrement en se tournant vers l'étranger que le cinéma de Hong-Kong va retrouver les forces nécessaires à son retour au premier plan. Peut-être y perdra-t-il un peu de son âme pour des raisons commerciales bien compréhensibles, mais c'est un compromis nécessaire dans le contexte actuel.

François
date
  • juin 2001
crédits
Actualité