Xavier Chanoine | 2.75 | Derniers instants |
Plane alors au-dessus du film un sentiment de malaise naissant, qui sans être enveloppant, amène Shiro à méditer sur son sort et sur celui de ses proches. Comment annoncer la nouvelle, et surtout quand ? Dans quel sens l’état de santé du père va-t-il évoluer ? Sono Sion préfère se concentrer sur les derniers rapports père/fils plutôt que d’évoquer la maladie, on n’en saura d’ailleurs pas plus sur la nature du cancer du jeune homme. Le passé est également très ancré dans la narration afin de mieux comprendre la relation particulière des deux hommes : plus jeune, le père de Shiro était son professeur de sport. Un homme à première vue tyrannique, jusqu’au-boutiste, aveuglé par la réussite, à l’image de la société. Le fait que Shiro vienne chaque jour au chevet de son père témoigne de l’affection qu’il n’a jamais eue étant jeune. Rattraper le temps perdu est une des grandes lignes directives du film qui, derrière son enveloppe fébrile, aligne les sourires et la volonté d’un jeune homme prêt à tout pour accompagner son père. Malheureusement, le traitement du sujet est assez peu inspiré en général malgré le recours systématique de plans sur les différents quartier de la ville et certaines zones extérieures, magnifiques, suggérant l’empreinte du passé. Le cinéaste a beau véhiculer une certaine retenue tout du long, un beau calme comme pour préparer le voyage vers la mort –ou tout du moins s’y résoudre, on ne peut s’empêcher de trouver Be Sure to Share par moments d’une effarante banalité. Mais avec Sono Sion aux commandes, la dernière partie de pêche entre Shiro et son fils donne lieu à une incroyable séquence (inconcevable chez un auteur propret) à mi-chemin entre folie furieuse et amour indéfinissable. Il fallait au moins cela pour donner plus de caractère au film. Aussi, par sa science du montage plus déstructurée qu’elle n’y parait, Sono Sion parvient à insuffler un réel pouvoir aux images qu’on n’attendait pas, ou plus. Ainsi, le dernier plan du film surprend par sa beauté. Fonctionnant par éclairs, Be Sure to Share est plus attachant qu’il ne laisse croire : les situations n’ont rien de nouveau et donnent plus l’impression d’assister à un énième drama sur le deuil prochain, mais ses rares inspirations séduiront sûrement les aficionados du cinéaste.
Après le démesuré Love Exposure, Be Sure to Share pourrait être le vrai film apaisé de Sono Sion, qu’il dédicace à Sono Otomi, son père.