Ne sort pas du lot
Dommage que
Bliss souffre d'un léger effet "sitcom" qui lui colle à la pellicule sur toute la longueur, et ce n'est pas parce qu'il est chinois qu'il doit être excusé ou que les problèmes traités sont automatiquement plus intéressants que ceux en France. Il est vrai que la Chine est un pays qui a encore beaucoup à offrir, de même que sa ville la plus peuplée, ChongQing, révèle encore bien des mystères. Le cadre du film se passe là-bas, nappes de vapeur et fumées imposantes enveloppent les ruelles étroites que nos protagonistes empruntent pour vaquer à leurs occupations. Comme tout bon film d'auteur chinois revendiquant sans trop se cacher la misère de ses habitants,
Bliss n'échappe pas à cette tendance (là où Lou Ye ne cachait pas la pauvreté et les contrastes de son Shanghai) et au spectateur de se faire son propre avis sur le sujet. A lui de faire un effort et d'accepter de rentrer dans l'histoire -banale- d'une poignée de gens et de les suivrent pendant une petite période. Blasés et livrés à eux-mêmes, leurs chemins vont se croiser sans pour autant émouvoir ou heurter le spectateur, car le vrai problème dans
Bliss c'est qu'il manque l'épaisseur d'un propos, d'une trouvaille qui le rendra gracieux -au pire différent d'un autre. Lao Li vit avec son épouse actuelle (sa femme l'ayant quitté depuis un certain temps) Xiue et abritent sous leur toit, Lei, petite cuape sans grandes ambitions. Lei éprouve des sentiments pour Qian Xue, laquelle bosse dans une station à nacelle séparant ChongQing en deux par son fleuve. Lao Li et Lei côtoient de temps en temps JianJun, chauffeur de taxi ordinaire blasé de son statut, perdu entre l'idée d'être un futur père et de devoir subvenir à lui seul aux besoins de sa famille, sa femme venant d'être limogée de son entreprise des suites d'une faillite.
Bliss tente de rapprocher, souvent en vain, ses "héros". Héros d'un jour face à la caméra de Sheng Zhimin, lequel dresse leur portrait avec une certaine justesse sans pour autant apporter la touche qui ferait la différence malgré leur bonne profondeur. On arrive, rapidement, à s'identifier à eux et à comprendre leurs problèmes. Des problèmes sociaux comme chacun peut connaître, mais par le fait que cela se passe en Chine, le trait est immédiatement grossi. Sans être un modèle de finesse, Sheng s'attarde très souvent sur le gigantesque des décors, oppressant et écrasant ses protagonistes afin d'accentuer davantage leur malheur. Jia Zhang-Ke brassait de l'air avec son surestimé Still Life malgré ses jolis panoramas, Li Shaohong développait une jolie théorie sur l'épate formelle esbroufante avec Stolen life malgré son fond potable. Trop de "malgré" dans le cinéma d'auteur chinois actuel , manque de style, manque d'auteurs véritablement percutants (les seuls qui prennent des risques se font gentiment fermer le clapet), il manque tout simplement un semblant d'âme dans cette entreprise de dénonciation des conditions de vie de gens ordinaires. Quand Lei se fait malencontreusement tabasser par ses propres amis, il leur pardonnent quand ils lui confient s'être trompé de personne, quand Qian Xue lui annonce son départ proche, il la menotte à son poignet. Lorsqu'il chevauche une parcelle de vide du haut d'un immeuble et qu'un de ses amis ratent le coche, l'indifférence règne sur sa mort. Seule la musique de An Wei semble apporter une touche mélodramatique, conférant à Bliss une espérance d'émotion. Juste une espérance...
Bliss est un petit film mainland correct qui ne marquera pas vraiment les esprits.
Ce qui m'a plus c'est surtout l'ambiance, visuelle tout d'abord car le film est tourné à Chongqing, ville photogénique par excellence. Les tranches de vie des différents personnages ne sont pas passionnantes et il s'en dégage un sentiment de mélancolie générale, un peu comme dans Voiture de luxe, de WANG chao.
Comparé à ce dernier je dirais que Bliss est moins marquant, mais laissons du temps à ce jeune réalisateur car il s'agit ici de son premier long métrage.