Bombe à retardement
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Confessions d'un réalisateur déchainé
Rien, chez les précédents films de Tetsuya Nakashima, ni Memories of Matsuko (2006), encore moins Kamikaze Girls (2004), fun, certes, mais pas bien impressionnant en terme de mise en scène, ne préparait à Confessions. Car c'est exercice de style quand même ahurissant, orchestré par un véritable maniaque du montage, qui est d’une précision folle, avec des milliers de plans d’une durée allant peut être d’une seconde à dix minutes. Le film est d’une incroyable variété narrative, tout en gardant une ambiance de sourde angoisse, de violence sous-jacente dans une école japonaise. Nakashima démarre avec une figure de style qu’il va tenir pendant 15 minutes et finit par nous hypnotiser : tout semble ralenti, flottant, mais sans être chichiteux, une sorte de rythme idéal, imprimé par le discours très posé d’un professeur. Ce qu’elle dit étant une bombe lâchée dans sa classe, on se doute que le film va exploser. Effectivement, la narration s’éclate, se démultiplie en utilisant toutes les formes de communication modernes, allant jusqu’au bord de l’image subliminale (comme ces SMS ultra rapides). Il épouse parfaitement la mentalité de ses héros, jeunes adolescents dopés à la vitesse, l’image, l’instantané.
La thématique de Confessions reste très japonaise, très cliché, la guerre entre les générations, mais Nakashima lui donne une énergie très moderne, sur fond de choix musical assez exquis, du post-rock indé. Comme les meilleures morceaux de ce genre, cela culmine en un opéra furieux, laissant le spectateur sidéré. Pas sûr d’avoir tout saisi, un peu l’impression de s’être fait manipulé c’est sûr, reste que l’expérience est mémorable. Le film était au marché à Cannes et a échappé au grand festival, dommage, il avait vraiment ce calibre pour rappeler que le cinéma japonais peut encore sidérer, et est un exemple très réjouissant de folie artistique. Le film est fait au sein d’un studio, a dû couter un bonbon vu la qualité technique, on se demande quel bug dans la production standardisée a permis cette carte blanche totale à un réalisateur déchainé.
Lait laie laid
Un nouveau film et une nouvelle bombe dans la filmographie de Nakashima Tetsuya, sans aucun doute l'un des tous meilleurs réalisateurs actuels vivants et l'un des rares à pouvoir faire ce qu'il souhaite !!
Après les hystériques "Memories of Katsuko" et "The magical book", il prend tout le monde à contre-pied en œuvrant dans un genre que l'on n'imagine plus aller sans le fameux découpage "MTV-style" et qu'il renouvelle de fond en comble. Féérique et envoûtant, la première demi-heure instaure un état quasi second chez le spectateur, parfaitement représentatif de l'état dans lequel doit se trouver la protagoniste principale, mais également parfaitement adapté pour continuellement "endormir" la conscience du spectateur pour mieux préparer le coup d'éclat…
S'ensuit une lente descente aux enfers, nouvelle analyse du profond mal-être de l'actuelle jeunesse ET carcan familial nippons, terriblement remis au goût du jour avec des thématiques nouvelles, mais aussi des modes de narration et de visualisation totalement inédits, mais parfaitement adaptés au propos.
Doté d'un culot incommensurable, Nakashima explose tous les tabous et interdits au sein d'un film de grand studio et réussit à réaliser un authentique classique. Nul doute, que ce film ne cessera d'être réévalué au cours des prochaines années et décennies et va s'imposer comme un classique majeur du cinéma nippon actuel.
Si c'était une claque, j'aurais une marque sur la joue.
Comme à mon habitude, je n'emploierai pas les termes de chef d'oeuvre ou de claque. Je les trouve peu représentatifs de ma façon d'aborder le cinéma. Trop absolus, avec ce besoin de se rassurer en pensant qu'on est capable d'apprécier un film "à sa juste valeur".
C'est en tout cas un long métrage qui a suscité mon intérêt pour plusieurs raisons et qui m'a également amené à m'interroger.
En fait, on sent que c'est une oeuvre destinée à fonctionner sur plusieurs niveaux et à immerger le spectateur par étapes. A ce titre, il pourrait presque s'agir d'une pièce de théâtre, car si l'unité de temps n'est pas respectée, le tout pourrait tout à fait se jouer dans un lieu unique.
C'est d'ailleurs le parti pris auquel je pensais assister, mais le réalisateur fait le choix de nous surprendre. Les 26 premières minutes correspondent au premier acte. L'intrigue est présentée, les protagonistes sont connus et les enjeux sont installées. Cette introduction est primordiale car elle instaure le climat dans lequel baignera l'intrigue. Cette façon de tout miser sur la narration de l'institutrice est audacieuse et permet de peser chaque parole, mais aussi et surtout chaque réaction. La réalisation et le montage sont aussi rigoureux qu'intéressants, la mise en scène est précise mais aussi très esthétique. On remarque par contre immédiatement une utilisation surprenante, voire parfois maladroite de la musique. Certains sont d'une puissance incroyable, mais on a aussi parfois trop l'impression que les mélodies soulignent sans subtilité le propos, et un classicisme décevant s'installe au rythme de notes de piano trop attendues dans les scènes où on les entend.
Ce choix discutable est assumé sur l'ensemble du métrage. Le scénario en lui-même est très bien écrit. Qu'il s'agisse des dialogues, affutés, ou de l'enchaînement des événements, la tension dramatique est réellement suffocante. Pourtant, certaines longueurs rendent le milieu du film moins prenant que son premier acte éprouvant ou son final machiavélique. De même, certains parti-pris esthétiques semblent un peu plus gratuit. Si les effets de style et les nombreux ralentis sont tout à fait en phase avec le propos et l'atmosphère, l'explosion d'hémoglobine d'une scène en particulier est regrettable. Tout d'abord, elle n'est pas nécessaire, car comme on a pu le constater auparavant, la violence, jusqu'ici suggérée, se révèle bien plus efficace. D'autre part, cet excès de sang donne un côté grand guignol à une oeuvre dont la force est justement de ne pas céder à la facilité du second degré outragé.
Malgré ces réserves, Confessions est une oeuvre marquante, bénéficiant d'une minutie aujourd'hui peu commune, d'un scénario très bien écrit et d'un aspect technique irréprochable. Sa narration lui permet de s'illustrer avec originalité au milieu d'une production récente avare en surprises. Du point de vue moral, on a du mal à cerner le message, s'il y en a un, on s'interroge en tout cas souvent. La façon d'interpréter les dernières répliques conditionnent inévitablement ce que l'on peut comprendre du message dans tous les cas.
Au-delà de ce que le film peut évoquer en tant qu'oeuvre, il me semble intéressant de le comparer au sun scarred de Miike. Ce ne sont pas les seules oeuvres à montrer une jeunesse perdue, qui effraie car elle semble ne pas se soucier de ce qui est bien ou mal et pour qui la vie des autres semble ne pas avoir beaucoup de valeur. Mais dans ces deux films, un adulte sans histoire et désireux d'aider son prochain est confronté à la violence insensée de jeunes mineurs. Dans les deux cas, la petite fille est assassinée. Et dans les deux cas, l'absurdité de la loi qui protège les délinquants juvéniles est dénoncée. De ce point de vue, Miike livre un discours plus dérangeant, puisque l'idée de rédemption est montrée comme illusoire et la vengeance expéditive semble être la seule réponse. confessions est plus complexe et ouvre davantage le débat.
Eblouissant et donc, un peu illisible
Ce film commence tambour battant avec une scène très visuelle avec l'atmosphère étouffante d'une salle de classe où la tension est remarquable et qui vous plonge dans une histoire qui ne vous laissera pas sortir la tête de l'eau. Ces premières minutes annoncent plutôt franchement ce que sera le reste du film. Une forme travaillée, parfois sur le fil, un peu tape à l'oeil sans qu'on en tienne rigueur au réalisateur et un propos éclaté: on y trouve dans le désordre, l'abandon, la relation à la mère, l'éducation et la relation professeurs-élèves, les relations sociales des adolescents et l'effet de groupe, la solitude, la place de la violence et la désintégration des valeurs, et d'autres à côté desquels je suis peut-être passé. Cette dispersion du propos aurait pu ruiner le film comme elle l'a fait pour d'autres, mais le tour de force de Nakashima est de l'intégrer à sa mise en scène délurée et elle même hétérogène (succession de plans plus ou moins longs, narration à plusieurs voix...) qui enrobe le tout en lui donnant une certaine consistence. Malgré le fait qu'on se demande parfois où va le film ou ce que veut nous dire Nakashima, à aucun moment on a envie d'arrêter son visionnage. Cerise sur le gâteau, l'univers musical est très réussi (sans être parfait) et accompagne chaque histoire, et chaque scène de façon assez pertinente. Le crescendo final est un poil surfait, sans parler de la dernière réplique dont on ne sait pas si elle correspond SPOILER à la rédemption du jeune Shuuya ou à la mort de sa mère. FIN du SPOILER
Film sans doute à revisionner dans l'année pour voir si d'autres choses sont à comprendre.
Esthétiquement superbe et scénaristique ment glaçant, Confessions démarre avec une scène d'ouverture stupéfiante qui met dans le ton. Le monologue de la professeur, l'absence d'attention des élèves, le montage, tout est maîtrise sur le bout des ongles par le réalisateur.
L'ambiance du métrage est sombre, évoquant tour à tour la naivetée d'un prof remplaçant et le désespoir d'une mère, la recherche de reconnaissance d'un fils abandonné, bref pas mal de portraits sont brossés entre deux confessions.
De plus, une touche de critique sociale sur la loi protégeant les mineurs de moins de 14 ans est évoquée, ce qui est appréciable.
Pour ce qui est des acteurs, ils sont tous très bons: de la prof en passant par A & B, jusqu'au reste de la classe, tous apportent par leur présence une dose de réalisme bienvenue.
Excellent.