Yun Je-mun enfin star !
Les films musicaux en Corée mettent en scène souvent des employés de bureaux plus si jeunes désirant rompre la monotonie de leur quotidien bien calculé en embarquant dans un domaine aussi incertain et difficile à maitriser que la formation d’un groupe. Je peux citer comme exemple le Happy Life de Lee Joon-ik, ainsi que Bravo My Life. Mais alors que ces deux films correspondent plus à des success-story poussées par la motivation des principaux concernés, Dangerously Excited, une production indépendante, choisit d’aborder le sujet sous un angle différent.
Dae-hee ne demande rien à personne. Il est entièrement satisfait de son petit confort, certes pas très luxueux, mais qui lui convient. Son job lui procure la sécurité d’un avenir sans encombre. Entendre chaque jour les mêmes choses au bureau des réclamations du district de Mapo avant de se caler dans son fauteuil pour regarder son show télévisé préféré avec un sourire béat, c’est le genre de vie tranquille qui lui plait, sans surprises, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Il évite volontaire tout changement et tout défi qui pourrait mettre en péril ses habitudes. Il ne pouvait évidemment pas prévoir qu’il confierait sa cave pour les répétitions d’un groupe indépendant à la suite d’une erreur de sa part. Lui qui ne voit la musique que comme un désagrément de voisinage se retrouve soudain à cohabiter avec, puis à s’y intéresser, du moins en feuilletant les bouquins sur le sujet, ne serait-ce que pour épater la galerie.
Le choix du district de Mapo n’est pas aléatoire, puisque c’est là-bas que se situe une des plus importantes scènes indépendantes d’Asie, Hongdae, qui est un quartier que je porte tout particulièrement dans mon cœur. Le récit est particulièrement bien inscrit en ce lieu, grâce à quelques plans montrant quelques rues ou salles de concert emblématiques, et en contextualisant les défis de ces petits groupes envers les difficultés financières et les risques quand on s’oppose aux courants musicaux populaires qui inondent le marché (la bien nommée Kpop). Le réalisateur Koo Ja-hong est un vrai fan de musique, et en profite pour balancer de très nombreuses références au rock américain de sa jeunesse. Il n’oublie pas non plus les petits groupes locaux, en montrant Goonamguayeoridingstella en concert, ou en choisissant la batteuse de 3rd Line Butterfly pour devenir membre du groupe fictif 3X3=9. A noter également que Yoon Jae-moon a aussi bénéficié des enseignements d’un bassiste.
Yun Je-mun a longtemps été relégué aux rôles de petites frappes du film de genre, alors qu’il a comme bagage une formation au théâtre. Son visage a été tellement souvent associé au mafieux local que The Good, the Bad and the Weird fait le gag de le montrer habillé d’une tenue exagérément bariolée, accoutrement réglementaire de tout malfrat qui se respecte. C’est donc avec un grand plaisir qu’on le retrouve enfin dans un rôle principal et central, ce qui a vraiment trop tardé vu le talent dont il fait preuve (même s'il y a eu déjà deux autres tentatives moins fructueuses). L’introduction au personnage se fait facilement à l’aide d’une séquence composée de plans rapides résumant parfaitement le personnage, un rythme qui reviendra à l’occasion pour dynamiser le récit.
Tout l’intérêt réside dans l’évolution subtile de ce personnage. Rien que son sourire béat quand il regarde la télévision est déjà très touchant. On reste bien loin de ses anciens personnages parfois caricaturaux, et sa conversion ne sera ni soudaine ni complète : le fonctionnaire d’aujourd’hui ne deviendra pas la rockstar de demain, on ne lui demandera que de jouer quelques notes sur une basse afin de compléter le groupe. Mais cette soudaine irruption de l’énergie de la jeunesse et d’avenir incertain suffira à épicer sa vie durant quelques semaines. Il viendra même à considérer différemment ces empêcheurs de dormir tranquille et à respecter leur choix de vie.
C’est donc une petite comédie sympa qui ne provoquera certainement pas de grands éclats de rire, mais qui charme par sa retenue et son réalisme. J’espère sincèrement que ce film permettra à Yun Je-mun d’obtenir plus souvent des premiers rôles car ce film le propulse définitivement comme un acteur incontournable du cinéma coréen.