Xavier Chanoine | 4 | Peut-on rester à vous écouter? |
Ordell Robbie | 4.5 | Automne Tardif |
MLF | 5 |
Ce qui est étonnant avec Fin d'automne, c'est cette image de film presque familial, comme un immense cercle de personnages à la fois fragiles (certains salarymen) et forts (les femmes au foyer, en l'occurrence Hara Setsuko) que l'on prend plaisir à retrouver à chaque énième réalisation du grand Ozu. Cet aspect familiale et de la proximité des choses font que ce long-métrage, malgré ses longueurs, paraît d'une grande sûreté et sérénité, comme si nous nous retrouvions tous autour d'un verre pour discuter des choses de la vie, évoquer les problèmes de la vie de tous les jours, discuter des prochains évènements (le mariage de la fille, et pourquoi pas de la mère aussi) et que sais-je encore. Cette simplicité évidente on la doit au talent d'Ozu, superbe scénariste, nous offrant à chaque fois une montagne de nouveautés malgré une identité visuelle somme toute identique au reste de ses oeuvres réalisées courant 50 jusqu'à son décès. La qualité du cadre est évidente, les protagonistes semblent toujours être proches de nous lorsqu'ils discutent, jusqu'à croiser notre regard le temps d'une parole.
Cette proximité avec son public, Ozu était maître en la matière d'un point de vue purement cinématographique. Limite, on se sentirait gênés d'épier toutes ces conversations -privées- qui ne regardent finalement que les interprètes et rien qu'eux, tant l'objectif plein zoom capte la moindre de leurs émotions. On pourrait citer du monde, mais l'ensemble du cast (que l'on retrouve en quasi intégralité dans Fleur d'équinoxe) illumine l'oeuvre dans son ensemble, par des regards, des attitudes et des sourires que l'on aimerait retrouver encore une fois aujourd'hui. Mais Ozu n'est plus, et personne n'est prêt actuellement à s'approcher de ses éternels plans fixes et près du sol. Peut être qu'un Naruse aurait pu s'aventurer sur ce terrain, mais je préfère ne pas prendre de risque en le citant. Pour finir et affirmer une nouvelle fois cette proximité quasi familiale avec ses acteurs, on retrouve les deux mômes géniaux de Bonjour durant une petite séquence. L'air de rien, on les aura tout de même remarqués.
Sur une trame voisine de celle de Printemps Tardif, Ozu offre avec Fin d'Automne un film qui, s'il est plus maitrisé que ce dernier et symbolique du haut niveau de maitrise de son art auquel il est arrivé dans sa période terminale, n'en souffre pas moins du péché mignon du cinéaste, faire un peu trop long. On me dira que le rythme du cinéma d'Ozu est censé épouser celui tranquille de la vie et de l'écoulement naturel des saisons mais ce choix de lenteur se fait trop souvent chez lui au détriment de la tension de ses films. L'intéret de cet Ozu-là est d'ailleurs de montrer par défaut à quel point l'équilibre de ses meilleurs films est fragile et qu'il faut parfois très peu pour passer d'un Ozu juste grand à un Ozu grandiose parce qu'il émeut vraiment. Etirer ses plans quelques secondes de trop n'est pas grave en soi et le montage du film est d'ailleurs de bonne facture, faisant que l'on ne regarde pas la montre au milieu d'un plan. Mais l'accumulation de ces petits étirements finit par peser d'au moins une bonne dizaine de minutes sur la durée finale du film et à créer de fait une forte déperdition de tension. Petit défaut à mon sens non répété par ses deux derniers films où chaque plan semble coupé avec cette précision millimétrée pas toujours présente ici. On pourrait faire la meme remarque au rayon cadrage: c'est très bien cadré mais là encore pas toujours avec précision. Tout ceci est du détail mais c'est dans le détail que peut se nicher la puissance émotionnelle des chefs d'oeuvre, dans le détail que s'affirment les grands cinéastes. Une fois ceci posé, c'est du grand Ozu avec ses thèmes habituels des différences générationnelles, des mariages arrangés, de l'influence occidentale (incarnée ici par une allusion à Elvis Presley), du monde des salarymen nippons, avec la Ozu's touch, un sens consommé de l'ellipse (dont Kiarostami se souviendra) et une Hara Setsuko et une Okada Mariko à la hauteur de leur immense talent. SPOILER Et un film qui offre ses plus beaux moments de cinéma in extremis: le mariage avec la photo qui n'est pas sans évoquer Yi Yi et le constat final de solitude. FIN SPOILER