Un court film romantique signé Suzuki. Cherchez l'erreur
L'un des films les plus courts de Suzuki est aussi l'un des moins importants parmi une filmographie très souvent étincelante après 1963. Or,
Lettre d'amour n'est encore qu'un nouveau-né et sa principale faiblesse vient au niveau de son traitement très bref, empêchant logiquement son spectateur de rentrer pleinement dans l'aventure. Une aventure sentimentale, légère et limite précieuse démontrant que Suzuki peut aussi être un véritable cinéaste du mélodrame rose bonbon, joliment cadré au scope dans un noir et blanc tout en contraste faisant la part belle aux très nombreux paysages hivernaux, photographiés par Kakita Isamu. Ce style de panorama n'est pas l'un des plus référencés par le cinéaste puisqu'on le retrouvera cinq ans plus tard dans
Les Fleurs et les vagues et
Le vagabond de Tokyo dans une version artificielle. Même si la mise en scène jouit d'une perfection toute relative, on ne peut pas en dire autant du moyen-métrage dans son ensemble. Le scénario n'est clairement pas exempt de clichés et si son but à caractère purement lacrymal est raté, la notion de "double identité" (il s'agit ici de deux jumeaux, Masao et Ryuji) permet au cinéaste de réaliser quelques fantaisies et douces ellipses très peu courantes au sein de sa filmographie. Peut-être son seul film exclusivement romantique,
Lettre d'amour ne développe pas assez son pitch de départ (une relation d'amour à distance entre une pianiste et un chasseur) et sombre rapidement dans le pathos, puis le sentimental exacerbé comme la symbolique des roses en fin de métrage, excessivement lourde. Pas mauvais, juste raté et bien trop court pour un Suzuki.
Quelques mots de Suzuki :
"Un petit casting pour ce film : quatre personnages, au plus. L'histoire se déroule presque entièrement dans la neige. Alors, évidemment, il ne s'y passe pas grand chose. J'ai entendu dire que les jeunes d'aujourd'hui sont tordus de rire quand ils regardent ce film. Je trouve que c'est bien de rire ainsi devant une mise en scène aussi loufoque". ©Propos recueillis par Isoda Tsutomu.
