Au départ on aurait aimé détester ce film tourné dans l’urgence, en neuf jours, par la petite catastrophe que représentent ses vingt premières minutes, contenant à elles-seules toute la misère du monde, tout le désespoir d’un homme qui n’a plus réellement le goût à la vie. Après le travail, il ingurgite des verres, seul. Et en rangeant les tables du night club dans lequel il travaille, finit parfois les verres des clients. Son fils, jeune gaillard de dix ans la tête dans les études, ramasse la loque imbibée qui lui sert de père lorsqu’il rentre le soir. Un matelas, des murs pourris, des coups de téléphones désespérés passés à sa femme qui n’est plus là, un boulot qui ne paie pas assez. Et cette tristesse.
Pourtant, My Magic trouve cette espèce de grâce très étrange, très belle mais aussi très douloureuse lorsque l’acteur Francis Bosco, sorte de masse pitoyable alourdie par toutes les douleurs du monde, utilise son corps comme objet de spectacle. Ahurissants tours de magie, lueurs d’espoir à peine dicibles, ce fakir extrême attise néanmoins la jalousie d’un gros mafieux prêt à payer cher pour le voir déguster ou côtoyer la mort moyennant quelques milliers de dollars Singapouriens. Son ultime tour de magie le conduira à quitter les lieux au plus vite pour se retrouver dans la demeure de sa jeunesse, et au film de trouver une belle poésie toute paternelle, celle de l’amour d’un père pour son fils prêt à perdre jusqu’à la dernière goûte de son sang pour protéger son dernier repère. On ne pensait pas Eric Khoo capable finalement d’un tel tour de passe-passe, malgré les clichés trop lourds et beaucoup trop démonstratifs qui parsèment My Magic. Néanmoins cette courte expérience en forme de mélodrame plutôt poignant, de par sa simplicité et douceur passagères, mérite le coup d’œil.