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Outrage

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les avis de Cinemasie

3 critiques: 3.5/5

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27 critiques: 3.15/5



MLF 4.25
Xavier Chanoine 2.75 Parade de costards troués
Ordell Robbie 3.5 Jeu de massacre un poil trop long. Mais KITANO metteur en scène est de retour.
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Parade de costards troués

Aux petits oignons, les doigts coupés. Pas le cinéma de Kitano d’aujourd’hui, trop occupé à aligner les mises à mort brutales. Après trois essais introspectifs sur le Kitano « cinéaste-auteur » plus ou moins transformés, voilà que le papa d’Hana-bi s’autorise une saignée magistrale à faire pâlir les yakuza-eiga sortis ces dernières années. Et que le terme « Outrage » lui va à ravir, cette nouvelle production s’autorisant des écarts de conduite jouissifs lorsqu’ils ne sont tout simplement pas régressifs, pour le plaisir de celles et ceux qui n’attendaient qu’une chose de la part d’un Kitano devenu sans doute un peu trop chiant et complexe. Complexité du personnage Beat Takeshi ou du cinéaste adulé en occident qu’on nomme plus communément Kitano. Douce sonatine qui résonne encore aujourd’hui dans notre mémoire de cinéphile, où ces trois petites syllabes couvrent en vérité une œuvre cinématographique pas loin d’être magistrale où se confondent les plus beaux contrastes que peuvent offrir le cinéma : poésie et accès de violence, sourire et dépression, rage et sourdine. Mais bien désireux de retourner à un cinéma plus primitif et bestial pas plus original que n’importe quel produit du genre, Kitano gagne la bataille du terrain : coiffer les derniers représentants du genre qui n’avaient déjà plus rien à dire sur le sujet depuis belle lurette (Miike ?) en offrant avec Outrage un démolissage du milieu de première envergure.

L’introduction s’occupe de démontrer que le yakuza le moins haut-placé n’est qu’un larbin bon à se cramper devant son supérieur, incapable de réaliser une tâche correctement (là où un racket se transforme en humiliation), victime consentante d’une forme d’esclavage des temps modernes (même dégaine, même tenue, chaque être se confond avec un autre, ça n’a de toute manière aucune importance), dont la protection n’est bonne qu’à servir de prétexte pour le recrutement. Avec un peu de chance, le bonhomme finira menacé ou exécuté à l’ancienne. Les exécutions tiennent d’ailleurs une place importante dans Outrage, par leur inventivité mais aussi leur fréquence. C’est d’ailleurs là où le film pêche méchamment, car lorsqu’il n’a rien à dire de très original – règlements de compte et autres trahisons occupent les ¾ des conversations- il se fourvoie dans un spectacle sadique de premier choix. De premier choix, certes, mais orchestré de manière purement et simplement spectaculaire lorsqu’il n’est pas loin d’être gratuit. Le fanboy attendait Kitano au tournant et risque d’apprécier cette farce avant de se servir un autre verre immédiatement une fois le film terminé. Quelque chose ne passe effectivement pas. On a beau essayer d’adhérer à la qualité de la mise en scène, pas étourdissante mais dont la moindre séquence est mieux photographiée que 90% des films japonais actuels (quel bonheur cette absence de gris ou de DV), aux répliques truculentes et riches en autodérision (les yakuzas racketeurs acceptent maintenant la carte bleue), à la violence hilarante basculant vers le ridicule (il faut voir la tête des yakuzas amochés, recouverts de sparadraps) démontrant que Kitano n’est pas là uniquement pour faire fumer les calibres.

Tout le monde crie sur les toits que Kitano est retourné à son genre de prédilection, à savoir le film de yakuza-eiga. Difficile d’adhérer complètement à cette vision tant, de mémoire, Kitano n’a jamais réalisé pareil film, à savoir un polar dont la structure rappellerait, grossièrement, celle de n’importe quel yakuza-eiga de supermarché. Il n’est ici jamais question de poésie, de personnages tiraillés par un passé ou futur peu reluisants, d’émotions sourdes ou suggérées par la musique : tout est ici grossi et montré. On ne fait pas non plus dans le porno, mais ce nouveau Kitano là n’hésite pas à montrer dans le détail le résultat d’un massacre qu’il n’aurait sans doute pas dévoilé dix ans avant (cf.l’attaque du sauna). Pas de souvenir de pareille exposition de corps achevés dans un Sonatine, Hana-bi ou encore Aniki. Kitano a beau être ici « auteur », exposant malgré tout sa propre vision du milieu, sa signature auparavant imprimée sur chaque plan semble s’être effacée au profit d’un jeu de massacre dont le but est de faire mal ou dans le meilleur des cas, rire. Tout en régressant sur le plan artistique (après trois films introspectifs, le retour au yakuza-eiga fait ici figure de roue de secours, ça dépanne) Kitano continue sur une nouvelle lancée, message rassurant adressé à ceux qui ne croyaient plus au pouvoir commercial de ses films. Outrage contient malgré tout de bonnes choses sur le plan humain : un Kitano effacé occupant au maximum quelques séquence, jouant les anges de la mort avec sa redoutable froideur, et les plus belles scènes du film centrées sur la relation aigre-douce qu’il entretient avec l’un de ses anciens frères d’arme, piètre boxeur, passé dans le camp opposé. Le reste est efficace mais à aucun moment marquant. Pas sûr que cette nouvelle orientation plus commerciale et brute de décoffrage soit la meilleure solution (le générique final indiquant l’existence prochaine d’un « Outrage 2 »), mais une chose est au moins sûre, Kitano n’a pas encore perdu la main. On espère juste qu’il s’en servira autrement, un jour.



05 janvier 2011
par Xavier Chanoine


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