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Une Petite soeur pour l'été

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1 critiques: 4.25/5

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Xavier Chanoine 4.25 Une oeuvre troublante aussi légère qu'une brise d'été
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Une oeuvre troublante aussi légère qu'une brise d'été

Bande annonce

Avant L’Empire des sens, Oshima tourna toute une série de documentaires pour la télévision japonaise, dont certains sur la bataille de Tsushima ou sur Mao Zedong. Mais aussi Une Petite sœur pour l’été, produit en partie par la ATG (Art Theatre Guild), synonyme de liberté artistique totale pour un cinéaste qui n’aura pas attendu de créer sa propre boite pour réaliser des œuvres controversées, et ce dès ses débuts. On se souvient du portrait pessimiste de la jeunesse avec Contes cruels de la jeunesse, de sa vision tranchante des rapports à l’argent avec son thriller sulfureux Les Plaisirs de la chair ou encore de ses nombreux pamphlets politiques incluant même le chambara Le Révolté, aux côtés de La Cérémonie ou encore La Pendaison, tous réalisés avec une liberté créatrice totale. Et sa Petite sœur pour l’été d’être un film abordant les tabous de l’identité avec la légèreté et l’insouciance d’un vrai film de vacances.

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En s’affranchissant des contraintes des studios prestigieux, Oshima livre un stupéfiant film « d’aventures » sur les terres d’Okinawa qui ne ressemble à rien de déjà-vu. Le travail d’écriture ne s’apparente pas à celui opéré sur ses œuvres les plus connues, les plus rigoureuses, mais favorise la découverte des lieux et des personnages par les ballades et rencontres hasardeuses de la jeune Sunaoko (ou Su-tan) sur l’île d’Okinawa, terre qui semble être aux antipodes de la culture nippone : il y a d’abord cette barrière (qui n’en est pas réellement une) de la langue, où l’on s’amuse à apprendre le dialecte local par des jeux de séduction, ce côté vacancier et festif où l’on joue de la musique et l’on chante à tous les coins de rue, même jusque tard dans le nuit, ce passé lourd qui n’est pas encore digéré par les autochtones et cette revendication d’une identité propre. Le contexte Historique est aussi intéressant dans la mesure où le film est sorti peu de temps après la fin de l’occupation américaine : à travers une scène se déroulant en taxi, Oshima décrit une île plus américaine que japonaise, et dont l’une des composantes économiques est le tourisme sexuel. Les souvenirs de guerre sont également étudiés en filigrane, d’une part via l’intrigue principale où une jeune fille et la fiancée de son père se rendent à Okinawa pour retrouver un demi-frère, sans doute eu à l’époque avec l’une des prostituées du coin, mais également via ces deux anciens combattants (Tonoyama Taiji et Sato Kei, impeccables) qui se sont donnés rendez-vous sur l’île pour s’entretuer. Oshima travaille les composantes de son cinéma (ici l’identité, le souvenir, la famille, la liberté sexuelle) avec un décalage constant, d’une grande onctuosité, tout en donnant au lieu un rôle particulier, plus fort que dans le Sonatine de Kitano. Cette onctuosité, appuyée par l’insouciance totale du score entêtant de Takemitsu Toru, est également due aux personnages féminins menant la barque avec fragilité et insolence. Le personnage génial de Sunaoko, interprété par l’actrice Kurita Hiromi (qui n’aura eu qu’une courte carrière) est l’exemple même de la naïveté et l’insouciance traitée par Oshima : avec ses allures d’enfant et du haut de ses quatorze ans, elle est pourtant le carburant du film. Sans elle, il n’y aurait pas cette détermination dans la recherche du demi-frère, ni cette sensation d’évasion permanente.

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Sans aller jusque dans l’irrespect des us et coutumes, Sunaoko est pourtant une jeune fille des plus avenantes, cause sans cesse, enfile les bières et boit cul-sec son premier saké sous le regard stupéfait de son protecteur improvisé, tout en s’essayant au dialecte local, prouvant ainsi que sa génération semble plus ouverte d’esprit que la précédente. Oshima ironise d’ailleurs sur le rapprochement des « deux peuples » avec l’histoire de Sakurada (Tonoyama Eiji) et Kuniyoshi (Sato Kei), deux hommes qui au départ ont prévu de s’entretuer, mais qui n’arrêteront pas d’échanger du saké entre deux discussions au soleil, avant que le combat n’ait lieu en toute fin de métrage, se soldant par une conclusion plus comique qu’autre chose. Plus en retrait mais touchant, le personnage de Momoko (Lily) est pourtant intimement lié aux tabous ici évoqués : compagne bien plus jeune que son fiancé, elle s’adonnera aux plaisirs charnels avec une personne qui pourrait bel et bien être son beau-fils, entre deux chants mettant en avant l’étrangeté de sa voix cassée. La conclusion sur la plage est en quelque sorte l’apothéose du film, où l’on rassemblerait au sein d’un même cadre une ancienne prostituée, deux pères potentiels, deux hommes censés se livrer un combat à mort, une jeune fille nonchalante car « trop jeune pour comprendre les histoires des grands » et enfin deux personnes ayant eu des rapports sexuels douteux au niveau de la morale. Au final il n’y a presque pas de règles d’usage dans Une Petite sœur pour l’été, dont le titre évoque finalement le peu d’importance donné aux liens familiaux, comme s’ils ne devaient durer qu’un temps, un peu à la manière des amours d’été. Oshima explose donc les us et coutumes qui régissent le pays, par l’intermédiaire d’un film épris de toutes les libertés artistiques et narratives que l’on est en droit d’attendre d’un studio comme la ATG, détaché des normes et des conventions, presque amusé du résultat final. En acceptant son côté singulier mais tellement insoucieux, Une Petite sœur pour l’été apparaît alors comme une petite pièce maîtresse de la filmographie d’Oshima, dernier rejeton du cinéaste réalisé pour le studio ATG aussi marquant par sa texture que par son caractère unique.

N.B : A noter que la musique que l'on entend dans la bande annonce n'est utilisée à aucun moment du film.



13 janvier 2010
par Xavier Chanoine


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