Sur le papier, le film a beau être scénarisé et produit par l’une des grandes valeurs du cinéma japonais des années 90, il ne s’en tire pas forcément avec les honneurs. Loin de là même. Empilant ce que l’on peut appeler des scories avec des bras de déménageurs, Kumazawa parvient à effacer tout suspense en l’espace des dix premières minutes révélant le décès d’une certaine Aoi, demoiselle bossant dans le milieu de la télévision. Le spectateur sait alors à quoi s’attendre, le film va emprunter le chemin balisé du travail de mémoire qu’on a déjà vu depuis des lustres dans le mélodrame japonais. Séances de deuil filmées sans un seul poil de sens du cadre (c’est à peine si la caméra n’effleure pas le visage des interprètes), musique surlignant les émotions des protagonistes avec la finesse d’un panzer, utilisation sans fulgurance du film dans le film, ou plutôt, du téléfilm dans le film. L’inverse est possible, tant Kumazawa n’évite pas une certaine monotonie, à peine décèle t-on quelques plans vaguement inspirés comme le reflet des personnages dans une flaque (effet miroir, retour en arrière) ou le cadrage sur le soleil à travers les branches des arbres qu’on a vu plus poétique chez Kawase Naomi et qui font ici office de techniques de mise en scène de « jeune cinéaste », représentant effectivement le premier film de Aoi (le métier la lassant, elle préfère passer à la réalisation) dans la diégèse. De plus, la lumière extrêmement terne n’arrange pas les choses d’un point de vu formel, Out of the Wind de Okuda Eiji n’était pas forcément meilleur dans le domaine mais le sens du cadre apportait un petit plus pas vilain. A croire que filmer avec un filtre blafard est une récurrente chez les auteurs japonais depuis plusieurs années (Kurosawa Kiyoshi ou Yukisada Isao semblent faire de la résistance de ce côté), choix étonnant dans la mesure où cela ne servira jamais la narration.
En parlant de cela, sans doute que le scénario de Iwai verse un peu trop dans le Iwai sous cellophane, évitant presque à tout prix de passer à autre chose que ce que l’on a déjà vu rayon mélodrame de mémoire. Et la négligence quant à l’utilité de certains personnages fait un peu tache : la jeune femme speed-datée par Tomoya vient donc dire coucou à la caméra mais ne trouve jamais le temps de clairement s’adapter, récitant son texte sans grande passion et partant en claquant la porte après avoir dit des vérités sur elle. Iwai part alors un peu dans tous les sens en pointant du doigt le mensonge (original !) qui peut casser les couples en une fraction de seconde. Procédé pas très fin mais qui a le mérite de booster un peu la narration, tout en laissant de côté, là aussi, l’un des personnages principaux, la belle et très correcte Aoi interprétée par Ueno Juri. L’accumulation de petites histoires (le plan drague occupant la première moitié du film, la nouvelle passion de Aoi caméra à la main…) font que, au vu de la durée du film, tout n’a pas sa place comme il le faut, en résulte alors une vraie inégalité au niveau du traitement des personnages. Les cœurs tendres succomberont au dernier relais extrêmement larmoyant, les autres auront déjà lâché cette bande de jeunes adultes pas inintéressants, certes, mais qui souffrent des poncifs imposés par un scénariste à la tête qui enfle, proche de l’autocitation pure au vu de la mise en scène du court métrage « La fin du monde » de Aoi. Dispensable.
Déjà avec les acteurs (dont l'acteur principal de Lili Chou Chou et l'actrice de Hana et Alice), ensuite avec la caméra (jamais fixé, tjs avec un léger mouvements comme dans un rêve, effet renforcé par la lumière dans laquelle baigne le film) et enfin avec une musique omniprésente mais suffisement discrète.
Le film et découpé en chapitre (comme dans un livre), et démarre très agréablement (même si l'histoire est du déjà vu). Dommage seulement que vers le milieu, il y ai des digressions qui cassent un peu le rythme (et le charme) du début. Le film aurait clairement gagné à être tronqué d'un chapitre.