L'amour véritable peut-il naître du tourisme sexuel?
Le synopsis peut faire peur, et à juste titre. Combien de fois avons-nous vu débarquer des films dramatisants sur des maladies mortelles et un amour impossible. Vous pouvez dès à présent oublier tout ça et ranger vos mouchoirs, car le réalisateur évite le pathos pour nous offrir une oeuvre très intelligente, voire même nous dépeint ce qui a pendant longtemps été le Graal des réalisateurs, le véritable amour. Pas de romantisme larmoyant, ni de déclarations grandiloquentes. Ici, la rencontre se fait dans une boîte de nuit douteuse de Phnom Penh, avec une jeune prostituée.
Ce qui fait la force de ce film, c'est le subtil équilibre entre l'apparente convoitise et les différences culturelles, ou encore entre l'amour et ce désir généreux mais à la fois prétentieux de vouloir aider les plus démunis. On n'arrive pas à distinguer le moment à partir duquel leurs sentiments acquièrent une plus grande sincérité. Et malgré ce réalisme parfois cruel, il en sort une poésie un peu douce amère. Qui pourrait donc prendre pour argent contant une relation avec une jeune Cambodgienne sans le sous, habituée à coucher avec des touristes pour faire vivre sa famille?
La mise en scène dessert à merveille le scénario, rien que les premières minutes, les premières images, nous plongent dans l'histoire et l'atmosphère particulière. Les images, justement, sont non seulement d'une rare beauté, mais sont en plus efficaces, porteuses de sens, et retranscrivent avec authenticité l'ambiance du Sud-est asiatique.
Et également une mention spéciale pour la bande son, qui utilise des chansons populaires rarement entendues au cinéma, plutôt étonnantes (Rammstein, Louise Attaque) et parfois en décalage sémantique avec les images (à noter, entre autres, la chanson de Charles Trenet aux couleurs parisiennes, alors que le couple navigue sur une rivière cambodgienne). Celles-ci ont toutes comme thème commun, l'amour, mais bien loin des chansons romantiques.
"Pretty woman" routard
Basé sur une historie vraie, "Same same, but different" prend une importance particulière, où il était très "tendance" durant les années 1980s d'épouser des asiatiques – et notamment thaïlandaises – rencontrées au cours de vacances…J'avais vu pas mal de ces histoires – parfois pour le meilleur, souvent pour le pire, notamment dans l'incapacité de s'adapter de l'un ou de l'autre, selon le pays dans lequel s'installait le couple au final – quand j'ai grandi en Allemagne. C'est ce qui explique également en partie le très grand succès du livre biographique de Benjamin Prüfer en Allemagne, dont le film est tiré, alors qu'il est passé beaucoup plus inaperçu dans la plupart des autres pays du monde.
Quant au réalisateur Detlev Buck, les personnages parfois borderline constituent une suite logique à ses précédents films…où l'on voit finalement, qu'il échoue justement à donner corps à la troisième partie beaucoup plus basée sur les vraies émotions des personnages (désolé, Fablin).
La principale qualité – et ce qui transparait également du roman original – c'est effectivement de ne pas avoir cherché à dramatiser une histoire inhabituelle, mais très simple. Un homme tombe amoureux d'une fille à l'étranger, qui s'avère être HIV-positive. Voilà. Bon, il faut effectivement savoir outrepasser le fait, qu'il la rencontre au cours d'une soirée de grande beuverie, où il est évident, que les jeunes hommes vont chercher à coucher avec des prostituées. Rien contre les grosses beuveries, ni l'abus de drogues (au contraire), j'avoue moins m'identifier avec cette folle envie de coucher avec des prostituées – mais chacun son trip et aucun problème avec le métier de la prostitution, même si c'est largement sujet de débat et notamment dans des pays asiatiques…et notamment le Cambodge, où je viens encore d'aller à l'encontre des réalisateurs et protagonistes ayant mené des enquêtes approfondies et tournés des sujets…Bref, on dira, qu'ils tombent donc bel et bien amoureux l'un de l'autre pour des raisons tout à fait saines et qu'ils arriveront à construire une "vraie relation". La seconde partie du film, indéniablement la plus réussie, exploite assez très simplement quelques-uns des nombreuses contraintes, entre différence de cultures, vie quotidienne pas toujours très rose, le problème de la distance, les doutes du jeune homme quant à savoir si elle n'abuse tout de même pas de lui pour nourrir sa propre famille, etc, etc, etc. Evidemment, toutes ces choses sont abordées à la suite, en un minimum de temps, durée relative d'un film oblige, alors que le livre arrivait à diluer les faits au gré des pages et avec des meilleures notions du temps, mais soit…Buck prend également parti de dédramatiser les faits avec une galerie de personnages secondaires assez truculents, mais pas toujours très réalistes.
Le bât blesse finalement dans la troisième partie – et principal enjeu de tout le film. On en arrive donc au moment, où chacun des deux protagonistes devra faire le choix de la suite des événements: continuer ou non la relation et si oui, dans quelle mesure (au Cambodge ou dans la froide Allemagne), décision évidemment tout sauf facilité avec la prise de connaissance de la maladie mortelle. Là encore, les faits sont énumérés assez simplement, même si l'on pourra trouver les scènes où Sreykeo "replonge" dans la prostitution pour "noyer son chagrin" un tantinet superflus, tout comme cet improbable dénouement dans l'hôtel malaisien…mais bon, faut contenter un minimum son spectateur.
La seule chose, c'est qu'à force d'avoir voulu se détacher de ses personnages pour éviter pathos et sensationnel, Buck ne réussit plus à prendre le virage à les "humaniser" et dévoiler leurs vrais sentiments. Ca manque d'un tantinet de démonstration et les deux acteurs principaux, (David Kross, révélé à l'international pour son rôle dans "The Reader" et Apinya Sakuljaroensuk, actrice thaïlandaise !! dans "Ploy" notamment, en raison de l'absence d'actrices cambodgiennes capables de vouloir / pouvoir un tel rôle) maintiennent leur masque d'inexpressivité jusqu'au bout…ce qui aurait encore pu passer pour elle, mais reste trop statique pour lui.
On passera également sur le côté un peu caricatural du Cambodge avec un quartier pauvre un peu trop misérabiliste (pour avoir vu le bâtiment en vrai), des extérieurs trop proprets et – surtout – quelques généralités énormes, qui auront fait se tordre de rire les cambodgiens présents à la projection (à Phnom Penh, où j'ai pu voir le film) ou secouer leurs têtes, incrédules.
Bref, une adaptation néanmoins "réussie" du livre, qui respecte la voix de son narrateur original, mais qui n'évite pas de tomber dans les travers d'une certaine "fictionalisation cinématographique" et rate le coche dans sa dernière partie plus émotionnelle. A voir lors de son passage assuré prochain sur ARTE…