Director's cut à coups de griffes !
Grand moment pop-culture de la rencontre entre fantasmes de l'ouest et ceux de l'est, les comics de Frank Miller et Chris Claremont consacrés à Serval (Wolverine) ont permis au début des années 80 une percée notable du manga dans l'occident. On y découvrait ninjas, sabres, samouraïs et autres shurikens coupants ventiler des cases de BD pour le plus grand bonheur des regards émerveillés d'adolescents en manque de nouveauté. Miller ne se remettra d'ailleurs jamais vraiment de sa découverte du manga de Kazuo Koike, Lone Wolf and Cub et des films qui en furent tirés : la saga culte des Baby Cart. Il enchaînera avec sa série Ronin, et continuera d'affirmer sa passion pour le Japon jusque dans ses Sin City, où l'on reverra le tout synthétisé dans un seul personnage, la « mortelle petite Miho », elle-même une variante de sa Yukio née dans les comics évoqués ci-dessus (le mannequin Rila Fukushima à l'écran).
Serval face à une horde de ninjas, chez Frank Miller.
Serval et les X-Men, c'est, un peu plus tard au Japon, l'équivalent de Phoenix avec Les chevaliers du zodiac : l'outsider marginal qui passe son temps à sauver les copains, le grand frère taulard qui te fait honte mais que tu sais sur qui pouvoir compter en cas de coup dur. Serval, c'est LE super mec.
Le film de James Mangold fait plus qu'honneur aux comics, à Serval et au cinéma tout court. Son film en 3D passait vachement bien au ciné, la version longue passe encore mieux sur ma télé. Dans le genre « east meets west », c'est le top du top. Plus de sang, plus d'insultes, plus de ninjas, surtout, lors d'un affrontement de masse particulièrement jouissif, avant d'en passer par l'obligatoire big boss de fin de niveau. Ce dernier, un croisement plutôt gonflé mais réussi du père de Mariko – devenu grand-père en 2013 – et d'un grand méchant de chez Marvel, le samouraï d'argent, assure le show final. Spoiler honteusement balancé ? C'est là l'un des légers défauts du film : ce twist est rapidement éventé par tout le monde, gosses de 12 ans inclus. Concernant les autres tares qui moi m'ont gêné : l'édulcoration du personnage de Yukio, qui passe de sale garce rêvant de se taper Wolverine à brave copine d'enfance de Mariko (superbe Tao Okamoto), un Wolverine qui reste un peu timide du côté des vannes, de la violence gratuite, et que je peine toujours à reconnaître dans le grand, beau, fort et si parfait qu'il en parait un peu fade Hugh Jackman. Et il vieillit le gars, il faudrait voir à passer le flambeau, producteur ou pas ; même si à mes yeux, du haut de ses brouzoufs il vampirise largement moins sa péloche que ne le fit Tom Cruise sur son Dernier samouraï. Bref. Que disais-je avant d'être brutalement interrompu par le brushing de Top Gun ?... ah, oui : dans les bédés Serval est petit, la tête rentrée dans les épaules, pas très beau. Les fanas se souviendront avec émotion de la prestation de Jack Nicholson dans Wolf, tellement proche du Serval idéal (soupir...). Je chipote, Jackman joue très bien, mais... voilà. Peu importe, les qualités du film balayent toute mesquinerie : Mangold emballe très bien le tout, les scénaristes ont fait du bon boulot - il fallait aussi raccrocher le tout à la saga ciné des X-Men, à Jean en particulier, c'est chose faite avec talent -, les extérieurs nuit sont beaux à se damner, la musique de Marco Beltrami (Hellboy) nous réserve quelques belles envolées et les scènes d'action sont au poil de torse de Serval. Ce bordel qui commence à l'enterrement et ne se termine qu'après la scène complètement loufdingue du train renvoie aux meilleurs polars urbains made in HK. La déclaration d'amour au ciné de genre japonais se fait aussi évidente le temps d'un affrontement épatant où le très charismatique Hiroyuki Sanada – Ayato dans San ku kaï, c'était lui - volerait presque la vedette à notre fumeur de cigare favori. Qui, d'ailleurs, en plus de porter des favoris, le fume enfin dans le sanglant director's cut. Debout sur un camion, cerné par une ribambelle de ninjas qu'il s'apprête à décimer, il sort le barreau de chaise. Si ça ce n'est pas avoir la supra classe de la mort qui tue sa reûme.