Strip the evil
UP de cette critique.
La première avait été écrite juste à chaud en sortant de la salle. Déception, énervement, ressenti sur le coup; un aspect de la critique…
La seconde, celle qui suit à la fin de la première, c'est après réflexion…car je suis l'un de ceux, qui vient en Miike plus qu'un simple stakhanoviste de la pelloche après reconversion au contact de l'excellent livre de Tom Mes, puis après l'avoir interviewé plusieurs fois et fait la connaissance d'un homme discret, mais bien plus intelligent qu'il n'y paraît.
Donc en second une autre vision du film, un regard autrement "critique" que certains décrient comme de la "prise de tête" ou "branlette intellectuelle" et d'autres comme une autre façon d'apprécier du cinéma.
Ce que j'aime dans le cinéma, c'est qu'il y a souvent clivage entre les milieux intellectuels et les fans de "pur divertissement"…Ben, moi, je fais le grand écart, appréciant autant un Apichatpong au petit matin, comme une bonne vieille Z-dérie du samedi soir…Et je crois également, que des films de genre s'apprêtent merveilleusement à du cinéma plus intellectualisé…et des messages, Miike en a certainement à passer.
PREMIERE VISION: 2 / 5
Ancien enfant terrible du V-ciné, Miike semble définitivement être considéré comme un réalisateur "bankable", que l'on puisse mettre à la tête de gros, lourds blockbusters…En même temps, les producteurs tremblent à chaque nouvelle réalisation, le réalisateur étant capable du pire, comme du meilleur et se faisant une joie de détourner quelques figures habituellement imposées. C'est ainsi, qu'il avait insufflé une bonne dose de sexe, de fétichisme SM et même un accouchement dans son "family friendly" "Yatterman" ou alors des allusions homosexuelles évidentes dans son premier "Crows"…mais les retours sur bénéfices ont finalement ôté tout doute dans la tête des grands studios et à Miike d'enchaîner les grosses licenses.
Le voilà donc qui est prié de réaliser le film, qui célèbre les 25 ans carrière de son acteur fétiche Aikawa Sho (tandis que "Zebraman 1" était célèbre pour avoir été le 100e long de l'acteur). Et comme à son habitude, Miike n'est absolument pas là, où on l'attendrait.
L'action de ce second opus prend ainsi place un quart de siècle plus tard, en 2025. Tokyo a un nouveau maire, qui a créé une nouvelle force spéciale, qui peut flinguer à vue pendant cinq minutes chaque jour pour éradiquer crime et vermine. Zebraman, lui, a perdu ses super pouvoirs et est retombé dans un total anonymat. Il va pourtant devoir reprendre du service pour restaurer le bon ordre.
Première déception et de taille: La suite ne conserve absolument pas le génie scénaristique du premier. Parodie du film de super héros, "Zebraman 1" était avant tout un très joli conte d'une relation père-fils et constitue sans aucun conteste l'un des plus beaux et plus personnels films de Miike. "Zebraman 2", lui, aurait aussi bien s'intituler "Yatterman 2"…L'intrigue, quoique toujours aussi délirante, ne va nulle part. La première partie est même franchement ennuyeuse et qui met largement en avant les talents vocaux de la Zebra Queen, qui se fend plus d'une fois en d'interminables chansons; des scènes, qui ressemblent davantage à des clips musicaux quelconques (et qui seront très certainement exploitées en tant que telles) et à un étalage de produits dérivés possibles (et réalisées depuis la sortie du film). Arrivent finalement les vingt dernières minutes attendues, sorte de gros carnage du centre-ville tokyoïte, où Miike se donne à cœur joie dans des scènes de destruction à grande échelle, justifiant à elles seules l'énorme coût d'investissement. Un peu à la Roland Emmerich ou à un Michale Bay, qui se font toujours un malin plaisir de casser leurs jouets, qu'ils mettent un temps interminable à mettre en place.
La seule "lumière" dans tout ce foutoir, c'est les relents anarchisants de Miike. On y voit notamment le grand méchant lâcher un énorme pet dévastateur pour assommer ses adversaires, tandis que la bataille finale est un rare moment non-sensique et permet de garder un semblant de foie dans l'esprit farceur de l'espiègle Miike.
Et voilà également la principale qualité de Miike: au lieu de donner l'émouvante suite attendue, il sabote une nouvelle fois toutes les attentes en signant le parfait contraire de son premier…dommage seulement, qu'il l'ait fait à partir d'un chef-d'œuvre…
SECONDE VISION: 4 / 5
Au-delà du simple film de divertissement, on peut également prendre "Zebraman 2" comme un nouvel attentat anarchisant du père Miike dans le genre du gros blockbuster…et l'histoire celle de sa propre vie. Jugez plutôt:
"Zebraman 1" était un film intimiste, personnel, réalisé sans grand sous (même si déjà une "œuvre de commande pour le 100e film d'Aikawa Sho).
Pour le second, un grand studio a de nouveau donné carte blanche au réalisateur et un budget plus conséquent pour faire comme bon lui semble…Or qu'est-ce que "Zebraman 2" ? C'est notre bon vieux "Zebraman", dépouillé de ses superpouvoirs, un carcan vide laissé pour mort, un homme dénué de ses rêves. En fait, il a été dénué de son côté plus "obscur", qui a donné naissance à la "Zebra Queen", la véritable héroïne du film: une grosse méchante ultra hystérique, qui écrase tout sur son passage, entonne des grosses mélodies faites pour ramasser du fric et qui tente d'imposer son image à grands coups de sabot…bref, la parfaite représentation du blockbuster en lui-même…Or, c'est ce que "Zebraman" va justement tenter de combattre. A l'aide d'un authentique "geek", authentique fan du "Zebraman" en réalisant des bouts de pelloches ridicules, certes, mais avec des tripes, "Zebraman" va recouvrir une partie de ses pouvoirs; mais il sait que toute tentative d'attaque restera vaine contre al grosse machinerie "Zebra Queen"…Qeu va donc faire le "Zebraman" pour vaincre l'ennemie ? Il va l'absorber !!! jusqu'à devenir une grosse baudruche, prête à s'envoler dans les limbes de l'oubli. Et voilà, ce que Miike pense de ses propres œuvres: obligé de se soumettre à un certain diktat des gros studios, il "absorbe" le côté plus commercial, mais finalement ses films resteront toujours du Miike dans l'âme, juste gonflée à bloc avec du gros vide, mais qui ne resteront pas vraiment dans l'âme.
Dans le premier, le "Zebraman" retombait, pieds sur terre et réalisait un rêve d'enfant. Dans le second, il est pris dès le départ pour quelque chose qu'il n'est pas: les médias détournent totalement son image, s'attachent à des détails insignifiants comme de savoir, ce qu'il va jeter à la poubelle et lui demandent de prendre des poses creuses sans jamais se soucier de l'homme en lui-même. Ben voilà…Les grands studios n'avaient absolument rien compris au premier épisode en commanditant une suite "bigger, louder, more expensive"…Miike le leur aura donné, mais en se foutant royalement de leur gueule !