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Passions Juvéniles

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les avis de Cinemasie

1 critiques: 3/5

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7 critiques: 3.18/5



Ordell Robbie 3 Il fallait y être...
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Il fallait y être...

Passions Juvéniles n'est pas du grand cinéma non. Mais en cet été 1956 le cinéma japonais avait besoin de Passions Juvéniles. Oshima ne s'y était d'ailleurs pas trompé qui voyait dans les hors bords du film l'avènement d'une nouvelle ère pour le cinéma japonais. Alors oui les films de Kurosawa, Mizoguchi, Ozu, Naruse qu'il villipendait comme critique étaient bien meilleurs cinématographiquement que cette première oeuvre de Nakahira Ko. Mais ce n'était pas ceux-là qui pouvaient allumer la mèche d'une révolution (du cinéma) qu'Oshima appelait de ses voeux. Peu importait alors qui était le porte drapeau vu qu'il en fallait de toute façon un pour que la révolution soit en marche.

Plus qu'oeuvre contrastant avec le cinéma de studios de l'époque, le film portait la marque d'une autre manière de faire du cinéma. Cinéma tourné en extérieurs à l'époque du cinéma tourné surtout en studios. Cinéma où le scénario était écrit, improvisé au jour le jour. Et cinéma faisant de la rupture avec le passé sa seule règle. Soit du cadrage pas vraiment élaboré, du mouvement caméra pas bluffant pour un sou mais tentant d'être attentif aux émotions des personnages. Du montage n'hésitant pas à couper net certaines situations avant qu'elles "s'achèvent" pour coller au rythme émotionnel de ces dernières. Si d'autres films sont ensuite allés plus loin dans cette voie, Nakahira commençait à l'ouvrir. Pas non plus ici de gueules charismatiques ou de filles glamour mais des personnages plus ordinaires auxquels malgré leur appartenance à un milieu social aisé le public pouvait s'identifier facilement. A l'instar des classiques à venir de la Nouvelle Vague française, Passions Juvéniles envoyait des clins d'oeils à ceux qui avaient suscité le désir d'un autre cinéma. A Une Place au soleil et A l'Est d'Eden dont les héros rebelles parlaient bien plus à la jeunesse japonaise de l'époque que ceux des mélodrames et des films en costumes. Mais aussi à cette Monika qui traumatisa Godard, proposant aussi bien un cinéma différent du modèle dominant de l'époque qu'une autre manière moins irréelle de concevoir le sex symbol (et ce bien avant Bardot) via Harriett Anderson. Pas étonnant dès lors qu'un Truffaut ait été de ceux qui saluèrent le film en son temps.

Puisqu'on a encore envie de parler de ce que le film a représenté plus que de ses qualités intrinsèques, évoquons en quoi consistait la "rébellion" du film. Comme dans le matériau d'origine (le roman/phénomène culturel d'Ishihara Shintaro), il était question d'une jeunesse dorée qui s'ennuie et dont les deux principaux ennemis étaient l'Amérique et les aînés. L'Amérique, c'est ici le mari de celle que les deux frères désirent. Mais on sent aussi que ces jeunes mettent leur ennui sur le compte de la vieille génération au pouvoir. Et désirer la même femme que son grand frère, c'est encore tenter de prendre la place d'un aîné. Rébellion quand même pleine de contradictions. On déteste l'Amérique mais en même temps on frime dans les purs symboles de l'American way of life que sont les hors bords ou les décapotables. Et rébellion souhaitant mettre dehors l'Amérique et les aînés mais ne proposant pas de changement de société construit. Pas étonnant dès lors que devenu plus tard politicien célèbre Ishihara Shintaro ait incarné le conservatisme. Pour le reste, mise en scène attentive est ici parfois synonyme de platitude formelle. Le travail sur le montage et les trous narratifs font l'originalité du film mais parfois sa limite, certaines scènes étant trop étirées. Mais la combinaison des parti pris formels et de tournage de Nahahira associés à un scoré entre jazz et guitares hawaïennes signé du brillant Sato Masaru et d'un Takemitsu Toru débutant offre quand même quelques petits moments de grâce. Comme ces moments à la plage ou ce final aussi noir que surprenant.

La vogue des taiyozoku ne dura pas, emportée par l'ordre moral de l'époque. Ishihara Yujiro, frère d'Ishihara Shintaro révélé par le film, devint lui un sex symbol surnommé l'Elvis japonais. Les admirateurs du film (Truffaut, Oshima) empruntèrent ensuite de façon bien plus inspirée la voie pavée par Nakahira. Mais après Passions Juvéniles les studios cessèrent de cibler un public familial pour se concentrer par survie sur la jeunesse. Et les cinéastes de ce qu'on appelait pas encore "Nouvelle Vague Japonaise" se virent offrir des opportunités plus rapides de réaliser leurs premières oeuvres à l'intérieur du système de studios. Insigne honneur d'un film pas si grand que ça. Mais en 1956 il fallait bien qu'un hors bord fasse des vagues dans la mer trop calme d'un cinéma en plein âge d'or. Et que ceux qui avaient vu ces vagues venir disent que le raz de marée était pour bientôt.



09 septembre 2005
par Ordell Robbie


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