
Encore un scénario de Kaneto Shindo mais qui s'avère cette fois décevant  dans le sens où l'on reste sur des personnages stéréotypes du film  noir/policier et qui ne sont guère approfondis. Ils restent réduits à  leur simple fonction narrative : la soeur de..., la fille de..., le  policier en imperméable, l'ancien détenu plein de bonne volonté, le  méchant prêt aux meurtres pour s'en sortir. Quant aux péripéties, elles  sont tout aussi désarmante de candeur (un oeil de verre, un tueur qui  porte - par chance - des gants, des rencontres fortuites au bon moment  etc...)
En revanche le travail de réalisation est excellent,  surtout quand on sait qu'il s'agit du premier film de Nakahira (même si  sorti après 
passions juvéniles).  Il n'hésite pas à jouer la carte du film du genre (et de ses codes) à  plusieurs reprises particulièrement excitantes et inspirées. On notera  ainsi le court flash-back (un affrontement de gangs dans un décor en  ruine et aux travellings décadrés, baignant dans un noir et blanc  aiguisé comme du rasoir) ou une stupéfiante agression dans une étroite  ruelle étouffante avec un découpage virtuose alternant les prises de  vues radicalement opposées.
Et il y a surtout tout le dernier quart  d'heure particulièrement nerveux et violent avec une réalisation  admirable jouant de la profondeur de champ (l'observation de ce qui se  déroule dans un appartement voisin), du montage ou des axes de prises de  vue. On trouve aussi un mini-plan séquence audacieux où la caméra suit  le héros descendre plusieurs étages (hors-champ), traverser la rue avant  de remonter la façade sur 2 étages, le tout en suivant un autre  personnage pour mieux entretenir le suspens et le mystère. Et de manière  générale, la sécheresse, la tension et la dureté évoquent souvent les  maîtres de la série B américaine tel Aldrich, Mann ou Fuller.
De plus  la conclusion est assez soudaine (on pourrait dire "précipitée") et  osée, évitant ainsi le happy-end de rigueur dans un dénouement sombre et  pessimiste.
Entre ses moments brillants, le film est un peu plus  classique mais jamais ennuyant d'autant que ça dure à peine 1h08. On  sent tout de même que Nakahira se plait vraiment à filmer cette vie de  quartier et ses commerçants. Il n'a pas l'ambition de faire du  néo-réalisme ou du documentaire mais on sent un enracinent dans une  certaine réalité (factice) qui explique aussi pourquoi les personnages  restent au final dédramatisés avec une psychologie réduite au strict  minimum. Il y a presque quelque chose du pastiche.
La encore, on voit  comment Nakahira essaye de tirer les petites chroniques sociales  traditionnelles vers quelque chose de plus moderne et de  non-conventionnelles. D'ailleurs l'épilogue assez décalé (reprenant la  scène d'ouverture) confirme bien la dimension ludique de sa réalisation.  Une histoire pas vraiment crédible qui lui permet de signer un  excellent exercice de style.