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La Servante

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les avis de Cinemasie

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Elise 4.5 La chute d'un modèle social
Ordell Robbie 4 Empire des passions
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La chute d'un modèle social

L'un des plus vieux Kim Ki-Young et sans doute l'un des meilleurs. Dans La servante, il met en scène un couple qui se voit détruire de l'intérieur par une femme engagée comme servante. Rien de bien original dans la filmographie d'un réalisateur qui jusqu'à sa mort n'aura tourné quasiment que cela. Mais celui-ci a l'avantage d'être l'un des premiers (le premier que j'ai vu d'ailleurs) et sans doute l'un des plus réussis. On y voit ainsi l'importance des moeurs confucianistes dans la société coréenne, qui permettent à la servante de prendre le mari en otage grâce à une machination bien pensée. Le couple doit à tout prix sauver les apparences d'une famille soudée et riche par rapport à son entourage. D'ailleurs ils sont plutôt aisés, vu qu'ils ont l'accessoire de luxe des années 60 : la télévision. De tout temps, le statut social est évalué à la façon dont il est mis en valeur, donc par l'utilisation de l'argent dans ce qui est l'image de la réussite sociale : la maison, la voiture et donc, la télévision, afin de pouvoir aller se vanter auprès des amis, voisins, collègue, qu'on a une télé, donc implicitement qu'on est (plus) riche. Mais ce qui est tout aussi important que l'argent : la famille. Si le mariage bat de l'aile, que les enfants sont des voyous, ou que le mari a une maitresse, c'est l'anéantissement de tous les efforts pour réussir son paraître. C'est d'ailleurs toujours en vigueur en Corée (en un peu plus modéré).

La servante utilise donc ce contexte social pour usurper l'homme à sa femme et crée ainsi une spirale destructrice, allant toujours de plus en plus loin dans l'utilisation de son pouvoir. La situation instable finit donc par exploser, anéantissant totalement le modèle social qui ne peut pas survivre à la modernisation du pays et l'émergence des classe pauvre dans le milieu social des riches, alors qu'ils avaient toujours été séparés jusque là. Kim Ki-Young montre ainsi le nouveau pouvoir des classes basses qui peuvent (doivent ?) se battre contre la bourgeoisie en utilisant les nouveaux moyens qui leur sont conférés par cet état moderne. Le néo-confucianisme n'a plus sa place dans la société et doit s'adapter s'il veut survivre à cette évolution, s'il ne veut pas qu'elle se transforme en révolution. L'avenir montre d'ailleurs que la doctrine coréenne ancestrale a finalement bien réussi la transition.

Malgré les techniques encore bien rudimentaires de l'époque, Kim Ki-Young montre un vrai tableau, sans une goutte d'ennui, allant où il veut et décrivant son drame avec beaucoup d'audace. Rare Pièce magnifique à voir et revoir.



27 octobre 2008
par Elise




Empire des passions

Commençons par évoquer très vite les défauts de cette Servante. Le film n’est ainsi pas exempt de petites lourdeurs. Sa dimension psychanalytique est parfois soulignée avec autant de finesse qu’un bulldozer par les dialogues. Surtout, l’usage récurrent d’un score pastichant Bernard Hermann lors de ses passages dramatiques finit par sentir à la longue le trop appuyé. Et puis il y a ce final sentant bon la concession à la censure de l’époque. Il ressemble à un gag faisant pièce rapportée dans le film. Le reste? Oscille entre singulier et remarquable. Le remarquable se situe d’abord au niveau formel. Chaque scène est ainsi portée par des mouvements de caméra à la belle ampleur classique. La précision souvent de mise dans le travail sur le cadre fait écho au regard d'entomologiste porté par Kim Ki Young sur ses personnages. La mise en scène et le montage se distinguent aussi par leur bonne gestion des ruptures de ton du scénario. Le film peut ainsi passer d’une situation extrême très dramatisée à une scène plus comique avec un naturel confondant. Rien que pour ces deux raisons-là Kim Ki Young méritait d’être tardivement reconnu à domicile comme de figurer dans la rétrospective cinéma coréen de la Cinémathèque de cette année.

Le singulier? Il se situe dans la façon dont le film semble en avance sur les audaces des cinémas d'auteur japonais et européens des sixties. Les dérèglements engendrés par la passion sont ainsi observés avec un regard d’entomologiste. Un «corps étranger» s’introduit dans un foyer familial et va progressivement déranger la tranquillité de ce dernier. Et pour montrer les conséquences de ce dérèglement le film ne fait pas l’impasse sur des situations extrêmes. On y voit la maîtresse finir par prendre le pouvoir dans le foyer en mettant la femme légitime à la périphérie de ce dernier. Les enfants n’hésitent pas non plus à user d’une relative violence pour contrecarrer les volontés de cette dernière. La femme légitime se retrouve investie de désir de meurtre. Et la servante/«corps étranger» veut venger son avortement par la mort d’un enfant. D’un simple adultère on bascule vers un engrenage aussi surprenant qu’étonnant de violence physique et psychologique. Passion et désir meurtriers surgissent ainsi subitement du quotidien ordinaire. Un drame psychologique en huis clos s’y combine avec des éléments de film d’horreur (l’usage de la foudre). Les décors dans lesquels se déroule le drame sont eux très bien utilisés. Le film confirme également que la fascination du cinéma coréen pour les handicapés ne date pas d’aujourd’hui.

Un film cousin coréen du cinéma de Bunuel et Von Stroheim comme le prétend la brochure de la rétrospective? Peu importe ce que cela serait censé évoquer. Rien n’enlèverait de toute façon à la Servante sa singularité. A défaut d’être un chef d’œuvre, il s’agit d’un film à part dans le cinéma coréen comme dans le cinéma d’Extrême Orient.



09 janvier 2005
par Ordell Robbie


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